Une propriété en bord de mer, c'est un rêve de Terrien, pas de marin.
J'ai appris que le premier devoir du marin est de maîtriser ses émotions. Cela sert aussi à ça un uniforme.
En mer, nous avons l'infini devant nous et nos cartes de navigation nous servent de cadre. Dans la peinture, nous avons un cadre dans lequel nous devons trouver l'infini.
Les moments trop plats me renvoyaient à ma propre mort, à la fuite du temps dont on ne fait rien. La peinture me semblait sauver la beauté qui passe au fil de l'eau, l'empêcher de se noyer dans l'oubli. Pouvais-je faire l'amour à Marion, avoir un enfant avec elle et dans le même temps l'utiliser comme modèle. Je n'avais suivi ni école ni apprentissage de la peinture. Je n'avais pas de maître, à peine un atelier, des admirations contradictoires. A peine avais-je découvert un peintre qu'il pouvait déclencher un ravage en moi qui me permettait d'avancer. Je connaissais l'écueil : l'académisme. Surtout ne pas m'inscrire dans le sillage de la tradition. La peinture, ce devait être la désobéissance.
Un trait d' union s' imposait d'emblée : la féminité était la seule vraie unité sur terre .
Nous appréhendions cette côte sauvage avec crainte et respect. Nous la connaissions dans ses criques et détours, ses langues de sable et ses rochers. C'était notre baie des Trépassés : elle frappait tout le temps, à chaque saison, des promeneurs, des nageurs, des navigateurs. Elle exigeait une rançon perpétuelle au genre humain. Comme un monstre des profondeurs balayant tout d'un coup de queue puis se tapissant dans le silence qui suit le fracas .
« Je sus alors que j’allais épouser cette femme, qu’il me faudrait la peindre. Peindre le silence. » (p. 46)
"Nous étions comme deux violons l'un à côté de l'autre, composant apparemment la même musique, réunis dans un concerto unique.
Marion ne s'intéressait ni au quotidien, ni à l'action. Elle ne l'avait jamais formulé ainsi mais ce qui la retenait, c'était le beau. Le réel la laissait indifférente.
« La mer était injuste. Et nous nous inclinions devant sa monstrueuse beauté. Elle nous protégeait du reste des hommes. Nous étions ses enfants. » (p. 67)