Contre le corps chaud et la tendresse de l'homme, le bébé avait bien dormi. Maintenant, il avait faim. Ses petites mains s'ouvrirent, se fermèrent, s'ouvrirent encore avec la grâce lente des anémones de mer. Page 159
L'homme marchait maintenant dans la plaine. Un sourire semblable à celui de la maman flottait encore dans ses yeux. La petite Marie ne le saurait sans doute jamais, elle avait offert à cet homme perdu une fabuleuse nuit de Noël et la force d'avancer un peu plus loin vers des villes inconnues.
Là-bas, sur les plateaux de lavande, les petites mains bleues de l'aube écartaient la nuit. Page 161
L'homme qui passe.
Les prisonniers et les footballeurs ont en commun cette forme de voyage que l'on nomme transfert. Ceux-ci vont d'un club à l'autre liés par des milliards, les autres d'une maison d'arrêt à une maison centrale les pieds entravés par des chaînes, des bracelets aux mains.
"Virage sud"
Des pies dormaient dans les platanes, la tête posée sur le col blanc de leur chemise.
J'ai eu longtemps la tentation de puiser dans ma vie pour écrire des romans, depuis quelques temps j'ai l'étrange sensation que la fiction de mes livres devient à chaque pas la réalité de ma vie, et je descends chaque matin boire un vrai café dans une ville sortie de mes songes.
Page 13 - Avant-propos.
Quand j’arrivais à Manosque, Giono venait de mourir. Un soir de novembre 70, j’allais au cimetière voir cet homme qui me laissait pour la vie, dans la tête, un immense soleil.
- Les 23 marches -
Vous croyez peut-être que je vous raconte des histoires, eh bien, détrompez-vous, s'il y a bien une chose que Jean Giono m'a apprise, c'est que les histoires il n'y a que ça de vrai.
À travers mes lunettes de soleil, noire l'église l'était aussi. Noire cette histoire où je m'enfonçais. Mais trop irrésistible était la femme qui m'y avait projeté.
"Vierge noire"
Depuis un moment la route entre les chênes verts, les pins et les quelques petits labours où dort encore la brume. Soudain les collines basculent du côté de l'aube et le ciel embrase sur ma gauche de hautes falaises pourpres. En bas, au creux d'une vallée pas plus large qu'un bol, j'aperçois le village ; entre deux vignes rouges, l'or se pose sur chaque maison. C'est là que je vais. Après deux virages qui sont un chef-d'oeuvre de volupté un panneau annonce "La Bastidonne".
-les 23 marches-
Je ne sais pas si ayant grandi dans une autre ville j'aurai aimé le football. Je l'aime ici car il est le contraire de la raison, l'envers de la logique. ...(...) Ici chaque match est un premier rendez-vous qui tire des quatre coins de Marseille un peuple somnambule.
Il faut entrer au royaume de Giono un bandeau sur les yeux et accepter de se perdre. Le mystère est la science des poètes.