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EAN : 9782072852749
176 pages
Gallimard (16/05/2019)
3.99/5   273 notes
Résumé :
Le narrateur vit de petits boulots qui lui laissent du temps pour écrire. Grâce à Pascal, un ami libraire dans un bourg de Provence, il trouve un travail idéal : gardien d'un monastère inhabité, niché dans les collines. Il s'installe dans cet endroit très solitaire avec pour seule compagnie un petit chat nommé Solex. Un soir, en débroussaillant l'ancien cimetière des moines, il déterre une jambe humaine fraîchement inhumée. Quand il revient avec les gendarmes, la ja... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (78) Voir plus Ajouter une critique
3,99

sur 273 notes
Dernier arrêt avant l'automne - RENÉ FREGNI - roman - lu en juin 2020.

"Pour tous ceux qui trouvent dans les livres un peu de réconfort, de paix et d'évasion.
Pour ma mère, encore
qui m'a lu de si beaux livres,
les soirs d'hiver, dans notre cuisine de Marseille,
au-dessus des jardins".

Cher René,

Je referme votre livre avec un sentiment de vide parce que j'ai lu tout vos écrits hormis "Marilou et l'assassin" et "La nuit de l'évasion" qui ne sont plus édités.
Un sentiment de vide parce que je n'ai plus rien à lire de vous, mais par contre, j'ai l'esprit tout empli de vos mots si beaux et de merveilleux moments passés en votre compagnie jusqu'à ce Dernier arrêt avant l'automne".

Je suis dans le monastère de Ségriès, qui veut dire sacré ou secret, dans les Alpes de Haute Provence, aujourd'hui transformé en chambres d'hôtes. "L'automne a lancé sur le cloître et la maison de l'évêque ses longues draperies de vigne vierge, elles mordent les génoises et retombent en pluie de sang devant les sept fenêtres de chaque étage."

Vous venez d'arriver et je le découvre avec vous, "Les soirs n'ont jamais été aussi beaux." C'est Pascal et Aline, libraires à Riez qui vous ont trouvé ce travail de jardinier dans cet endroit de silence où vous pourriez écrire dans votre cahier à marge rouge. Pascal et Aline qui s'aiment tant. "Ceux qui ne croient plus à l'amour devraient venir voir le visage de Pascal lorsqu'il regarde Aline. C'est un spectacle merveilleux... Et cet éblouissement dure depuis vingt ans."

Vous avez l'angoisse de la page blanche, aucune idée ne vient et quand Pascal vous demande "et alors, le prochain, c'est pour quand?" Vous répondez "presque terminé." Vous n'en menez pas large ! Vous pensez "je crois que ce soit cette fois bien fini, ce combat lumineux dans la blancheur de mes cahiers."

S'il vous plaît cher René, ne me faites pas ce coup là hein !

Et donc, au fil des jours, nous prenons possession de ce vieux monastère et de l'immense espace qui l'entoure, vos journées se passent à défricher, débroussailler et tailler tout ce que la nature a envahi en cinq ans. "La broussaille avance à une allure, en cinq ans elle avale n'importe quel hameau, château, forteresse abandonnés."

Il y a six mois maintenant que nous sommes là et vous avez abattu un travail titanesque, vous avez apprivoisé une petite chatte que vous avez appelée Solex parce que son ronronnement vous rappelait le bruit de votre Solex de jeunesse qui vous emmenait sur toutes les routes de Provence.
Nous avons fait connaissance avec OK Dinghi qui rénove le monastère, un personnage étonnant.

Et le temps s'écoule, paisible, "un bon feu, cette petite boule duveteuse qui vibre sur mon ventre, des murs d'un mètre d'épaisseur autour de nous, la nuit qui vient. Que demander de plus à l'automne ?"

Vous déposez des mots sur votre cahier, tilleul "et tout de suite vous êtes sous un tilleul, le mot lessive et vous revoyez votre mère étendre les draps dans la lumière du jardin et la joie de sa jeunesse."

Votre maman, elle est toujours avec vous, partout et dans tous vos livres.

Mais cette grande paix autour de vous ne va pas durer, une découverte insolite et macabre va chambouler vos journées

Au bout de ce tumulte, une fois de plus, c'est en ouvrant votre cahier et avec votre stylo à l'encre bleue que vous avez retrouvé la paix.
Pendant une semaine, jour et nuit, "ma main droite avance lentement à la recherche de l'amour. Il n'y a que des mots d'amour, les autres n'existent pas."

C'est l'hiver à présent, la neige recouvre l'immensité du paysage et vous décidez de repartir sur les routes avec Solex votre petite inséparable, laissant derrière vous le monastère, Pascal et Aline , OK Dinghi non sans lui laisser une magnifique lettre qui commence par ces mots : "Cher compagnon de hasard"... Et moi, qui reste seule devant cette date qui clôture nos quelques mois passés ensemble : 22 décmbre 2018.
Et pendant que vous roulez vers le printemps, j'ai peine à reprendre pied dans ma réalité

J'espère encore avoir le plaisir de vous lire cher René, comme vous le dites si bien plus haut, j'ai oublié le monde, j'étais en paix et je me suis évadée.
Ces moments partagés valent bien un énorme merci.
J'ai rangé précieusement votre livre avec les 14 autres que j'ai lus, plus "les carnets de prison" et "Les jours barbares" dans ma bibliothèque.

Il pleut sur ma ville mais il fait soleil en moi.


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Ami lecteur. Si tu envisages de lire ce livre, ou que d'aventure tu en entreprends un jour la lecture, tu n'y trouveras ni matière à palpiter de frayeur, ni, même s'il est question de jambe fraichement inhumée et découverte par le gardien d'un monastère inhabité, niché dans les collines et loin de toute civilsation, une enquête menée tambour battant. Cependant, tu n'en seras pas déçu.
René Frégni t'invitera à l'apaisement, à t'isoler du tumulte du monde, et avec la poésie de ses mots, il t'amènera à un de ces états contemplatifs, auxquels il nous est si difficile de nous abandonner.
Convié par cet amoureux de la nature, tu entendras le chuchotis de la Durance, rivière dans laquelle jeune garçon il s'ébaudissait, et dont il se souvient en ces termes : "Je sentais l'odeur de l'eau, entre les saules et les roseaux, cette belle odeur verte". Cette rivière dont il parle comme il parlerait d'une adolescente que jadis, il aurait étreinte : "Entre ces deux ponts, elle est un corps de jeune fille que j'ai parcouru, caressé, découvert. Je connais la moindre de ses courbes, ses muscles, ses mystères, ses caprices, sa respiration, la puissance soudaine de ses désirs".
La plume de René Frégni est d'une grande douceur. Pareille à un murmure, elle t'effleure l'oreille et te susurre de porter un regard plus attentif sur les merveilles de la nature.
Tu feras la connaissance de Solex, petite chatte blanche oh combien attachante, trouvée non loin du monastère dont le narrateur est le gardien. Cette petite boule de poils qui accordera ses pas aux siens, sa solitude et sa vie à la sienne, sera prénommée "Solex", en souvenir de son solex sur lequel, naguère, il parcourait les routes de sa provence bien-aimée, "le pays bleu".
René Frégni te parlera d'amitié, d'amour, de nuages, de ciel et de couleurs, mais il évoquera également le temps qui passe. "La vie avait filé de vallée en vallée, sans m'en apercevoir j'avais vieilli, avant de revenir dans ce vallon oublié des Basses-Alpes".
La vieillesse, que nous redoutons tant, serait-elle vaine ? Peut-être est-elle le prix à payer pour que nous nous détachions de toute futilité, et que nous apprenions, enfin ! À poser sur le monde un regard émerveillé, celui de notre enfance , celui qu'a su garder René Frégni.


















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Je deviens "accroc" à l'univers et au style de René Frégni !... Je me répète mais l'atmosphère, la poésie du monde de cet écrivain me fait penser très fort, chaque fois, dans un autre style à un autre "maître ès merveilleux", Christian Bobin...
René Frégni est aussi dans l'amour de la nature, dans le regard émerveillé des choses infimes qui nous entourent...que l'on néglige ordinairement !

De très belles remarques sur l'Ecriture !!

Un,... notre écrivain en mal d'inspiration se voit transmettre par un ami libraire, Pascal, un emploi de gardien dans un grand monastère, enfoui sous les broussailles, pour 1.000 € mensuels, embauché par un employeur -fantôme, richissime...
Notre auteur s'y installe, nettoyant et élaguant le jardin-parc... lui, passionné par les jardins... il espère ainsi retrouver le chemin de la page blanche !

Entre temps, il trouve dans les branchages du parc, un chaton... qu'il surnomme en songeant à des souvenirs de jeunesse heureux et au bruit joyeux de son véhicule de l'époque,..il le surnomme "Solex", petit compagnon-rayon de soleil pour notre "reclus" !!!.... Tout semble aller pour le mieux...en dehors de l'inspiration qui se fait tirer l'oreille... jusqu'au moment où notre auteur en creusant, jardinant, tombe sur une jambe humaine...Horreur, effroi !!...

Je ne soufflerai pas un mot de plus !... Une enquête suivra, notre écrivain
se réfugiera chez le couple d'amis, libraires, Aline et Pascal... Ayant
besoin d'oublier cette découverte macabre... et de se dépenser physiquement, il fera la récolte des olives sur le domaine de ses amis, ceux-ci manquant de temps... Cela nous vaudra de fort belles descriptions de la nature du Sud...et des gens du lieu :
" Les gens ici aiment ramasser les olives en rêvant ou en racontant leur vie.Des voix graves d'hommes, des rires de femmes..." (p. 83)

La belle nature, la solitude créatrice, méditative, les rencontres avec
les gens du lieu, dont Druhv, un homme d'origine indienne, maçon qui
assure des travaux dans le monastère, avec lequel il sympathise,le
sauvetage du gentil "Solex", présence silencieuse et affectueuse...l'écriture,
le travail quotidien avec les mots...La poésie... Et le charme opère de façon magique... Sans omettre le mystère du "Mort" découvert,
l'enquête en cours... Et la chute inattendue !!

"Un jour, on se met à écrire, pour entendre la voix lointaine de nos mères.
Lorsque j'écris, j'entends la voix de la mienne. (...)
Dans nos cahiers, nous ne cherchons que l'amour. (...) Il n'y a que des
mots d'amour, les autres n'existent pas. Je vais chercher, au fond de moi,
toutes les routes que j'ai parcourues, celles qui m'attendent. (p.161)

Un très heureux moment d'évasion, de nature, d'odeurs et de saveurs
provençales...de paysages colorés, de poésie, de tendresse..
Moment de lecture trop court !!

Des grands Mercis à René Frégni !...


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J'ai tardé à lire le dernier roman de René Frégni, Dernier arrêt avant l'automne. J'ai attendu justement l'automne pour m'y plonger, cette saison qui m'est chère. À quoi justement reconnait-on l'automne ? Sans doute à cette lumière qui embrase le ciel du soir, aux feuilles qui deviennent rouges dans ce magnifique prélude avant qu'elles ne tombent, à l'odeur des pommes que l'on vient de ramasser dans le jardin et qui traîne encore un peu dans le panier, à cette mélancolie qui nous étreint un peu plus fort que d'habitude.
À quoi reconnaît-on une phrase de René Frégni ? Peut-être aussi à ces instants fugaces que la nature sait offrir à celui qui est disponible, à cette voix de l'enfance qui chemine entre les pages, à la rondeur d'une courbe féminine, esquissée entre deux désirs, à des gestes fraternels qui rassurent, à cette poésie du quotidien toujours plus belle pour dire tous les interstices de lumière qu'un cœur éperdu cherche parmi la noirceur qui nous entoure.
J'ai aimé retrouver cette ambiance dans ce dernier roman d'un auteur que j'aime par-dessus tout.
Ici comme dans beaucoup de romans de René Frégni, nous faisons connaissance avec un narrateur qui ressemble de très près à son auteur. Celui-ci vit de petits boulots, lui permettant d'accomplir sa passion qui est d'écrire. Un jour, son ami Pascal, qui est libraire dans un village de Provence, lui permet de décrocher un emploi de gardien à plein temps dans un ancien monastère désormais abandonné, niché dans les collines. Le narrateur trouve ici l'occasion de gagner un peu d'argent mais aussi se plonger dans un lieu solitaire, chargé d'histoires, livré aux ronces, aux vieilles pierres et aux herbes sauvages, capable de relancer son inspiration...
Mais cette quiétude va vite être dérangée par une découverte saugrenue. Je ne vous en dis pas plus...
J'ai retrouvé le ciel de Provence qui compose souvent le paysage charnel des romans de René Frégni, celui qui embrase le désir et nous réconcilie avec le monde, pose un peu de lumière sur nos blessures. Ici, quelques phrases suffisent à faire revenir la voix lointaine de sa mère, et des nôtres aussi. Cela fait du bien. Dès lors, le chemin qui revient à l'enfance n'est jamais très loin.
Lire René Frégni, c'est entrer pieds nus dans des prés brûlés de chaleur. C'est entendre et faire entrer enfin le silence en nous, c'est-à-dire lorsque le bruit assourdissant et dérisoire qui entoure nos vies devient insupportable. C'est laisser cheminer sur la phrase qui se déplie l'invitation au désir, à ce pas de côté salvateur, la faille où le bonheur peut enfin s'engouffrer. Chez René Frégni, il y a toujours un chat qui ronronne et s'endort près de nous, avec ses yeux ronds et bleus, à la fois inquiet et confiant, comme à l'instant où je vous écris.
Voilà, vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce dernier roman de René Frégni, dont l'intrigue finalement est prétexte à visiter les thèmes qui lui sont les plus chers, à visiter la vie, nos vies, ce qui se faufile dans nos interstices, là où nous laissons pénétrer un peu de lumière vers nous, vers les autres aussi, celles et ceux que nous aimons.
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« Un roman, on ne sait jamais d'où ça sort, il suffit d'une émotion, du bruit d'un mot, la lumière d'une vallée entrevue de la fenêtre d'un train. »

Le choix d'une lecture également. Il suffit d'un rien.
Il m'a suffi d'une couverture, d'un peintre que j'aime, René Magritte.
Il m'a suffi d'un des plus beaux tableaux de l'artiste, « L'empire des lumières ». Rêve, mystère, entretenus par le jour et la nuit qui se font face.
Il m'a suffi d'une émotion, d'un souvenir, d'un titre, d'un mot en particulier. L'automne.
Après deux belles journées à la campagne, promenades matinales avec mon père, beauté de l'automne qui s'installe, se parant de beaux habits chatoyants.
Quoi de plus normal que de vouloir prolonger cette ambiance automnale et chaleureuse.

Avant de lire « Dernier arrêt avant l'automne », je ne connaissais pas les écrits de René Frégni.
Mon envie de lire cet auteur m'est venue des critiques d'amis babéliotes. Je les remercie infiniment, j'ai aimé l'écriture de l'auteur, ses magnifiques descriptions de paysages de l'arrière-pays provençal, ses idées humanistes.

*
Dans ce roman, nous rencontrons un homme simple, discret, solitaire, mais généreux en amitié.
Auteur en mal d'inspiration, il accepte de devenir pour quelques temps, le gardien jardinier d'un monastère inhabité et isolé, niché aux creux des collines.
Aussitôt, il tombe sous le charme de cette vieille bâtisse envahie par les mauvaises herbes à qui il redonne sa beauté d'entan. Il goûte les plaisirs d'une vie simple et contemplative, savourant la solitude, le calme et le travail de la terre.

« Comment n'avais-je pas choisi plus tôt la vie de moine, seul dans un monastère oublié, égayé seulement par les petits bonds gracieux et incessants d'une pelote blanche. »

Le soir, avec pour seule compagnie un jeune chaton tout blanc qu'il a adopté, il se laisse envahir par la beauté sereine et mystérieuse du lieu, ses odeurs, le silence et cherche à noircir les pages blanches de son cahier.

« On croit avoir tout oublié, on allume une lampe, on se penche sur un cahier et la vie entière traverse votre ventre, coule de votre bras, de votre poignet dans ce petit rond de lumière, un soir d'automne, dans n'importe quel coin perdu de l'univers. »

*
J'ai été conquise par l'écriture de René Frégni, les mots choisis, leur musicalité flirtant avec la poésie.

« J'écoute cette forêt tout autour, elle respire, palpite, frémit, s'égoutte des pluies de la nuit. Mon pas craque, quelque chose détale, s'envole, une branche délestée fouette le feuillage. Je n'ai jamais été entouré d'une telle qualité de silence. »

Le récit est mélancolique, pareil à l'automne, éclat de lumière aux tons chauds.
Le récit est mélodieux, pareil au murmure du vent dans les arbres.
Le récit est feutré comme un ciel de brume.
Le récit est délicat comme l'hiver recouvrant la forêt de son beau manteau de neige.
Le récit se fait silence, instant de quiétude, de douceur, de paix.

« J'avais autour de moi les plus beaux paysages du monde et personne n'en voulait. Je n'avais besoin que de silence et beauté. »

Au fil des pages, les magnifiques descriptions révèlent l'amour de l'auteur pour la nature.

« J'ai travaillé jusqu'à ce que le soleil disparaisse. le ciel était soudain comme la gorge des pigeons. le vert jouait avec le violet, le bleu avec le gris. Comme les plumes de cet oiseau, des roses extraordinaires glissaient, flambaient, s'éteignaient, allumaient d'autres gris sous le ventre des nuages, embrasaient d'un coup la crête noire de forêts immenses. »

Le lecteur ressent son besoin de retrouver un équilibre, une harmonie, une vie plus simple et moins matérielle.

« J'avais grimpé au coeur d'un arbre et je regardais, ébloui, la féerie du monde. Qui aurait pu se douter, face à tant de beauté, à l'intelligence si parfaite de toutes ces couleurs, à cette explosion de vie, que nous avions rendu en quelques années cette planète malade ? Il y a cent mille ans, des hommes avaient regardé comme moi, peut-être perchés dans des arbres, ce spectacle grandiose. Étions-nous trop prétentieux, trop bêtes, pour dédaigner ainsi cette beauté, pour la saccager ? »

*
Je me suis laissée envelopper par la belle voix de René Frégni, la tendresse de son regard, la légèreté des mots, la grâce de ce lieu retiré du monde, le chant de l'automne, les parfums délicats de la forêt, la douceur du soleil, la tiédeur des vieilles pierres, la présence réconfortante de cette petite boule de poils, les souvenirs d'êtres chers disparus.

« Un jour, on se met à écrire, pour entendre la voix lointaine de nos mères. Lorsque j'écris, j'entends la voix de la mienne. Elle me lisait le soir, devant le poêle à charbon de notre cuisine, des livres qui me faisaient rêver, pleurer, découvrir le monde… Je n'entends sa voix que lorsque j'écris, dans le silence de la page blanche. Les mots que je trace lentement m'enveloppent de sa tendresse, de son regard profond, de la douceur de sa petite veste de coton rouge, contre laquelle je m'endormais. »

*
Mais soudainement, cette tranquillité est brisée par la découverte d'une jambe déterrée par des sangliers dans l'enceinte du cimetière.
Le décor change instantanément, et le monastère se transforme en un lieu sombre, lugubre et tourmenté, entouré d'une forêt inhospitalière.
Le roman qui, jusque là, était contemplatif et méditatif, devient intrigue policière.

*
Finalement, « Dernier arrêt avant l'automne », est un beau roman, simple, lumineux, chaleureux, empreint de poésie et de tendresse. Il a une saveur toute particulière, celle d'un bon pain traditionnel tout juste sorti du four, à la croûte généreuse et croustillante.
Roman d'amour et d'amitié, laissez-vous tenter par le « Dernier arrêt avant l'automne » si vous ne connaissez pas encore René Frégni.
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
24 mai 2019
Mystères au pays de Giono. Comment réagir face au coupable en aveu d’un crime ?
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (163) Voir plus Ajouter une citation
Le monastère est pourpre. L’automne a lancé sur le cloître et la maison de l’évêque ses longues draperies de vigne vierge, elles mordent les génoises et retombent en pluie de sang devant les sept fenêtres de chaque étage. Seule la chapelle reste blonde et fière au pied de la colline.
Durant tout l’été, j’ai fait craquer des milliers de limaçons blancs sous mes semelles en traversant les prés brûlés de chaleur. Depuis quelques jours, je fais craquer des tapis de glands en passant sous les grands chênes qui entourent le monastère. J’aime que quelque chose craque sous mes pieds, ça donne de la densité à mes pas. J’entends claquer les glands sur la terre assoiffée. On n’est jamais seul en automne par ici, il y a toujours quelque chose qui craque, tombe, roule, éclate.J’imagine les moines qui ont dû tourner pendant des années autour de ces murs et sous ces arbres centenaires. Que pensaient-ils ? Pourquoi avaient-ils choisi ce vallon perdu ? Presque tous les monastères se dressent face à des panoramas admirables, celui-ci est caché dans le repli de collines désertes, pleines de couleuvres, de sangliers, de renards qui se glissent sous d’impénétrables ginestes, à l’écart des routes.
Monastère de Ségriès, qui veut dire sacré ou secret… Je suis le seul habitant de ces bâtiments étranges, longtemps abandonnés, j’en suis le gardien jardinier.

Incipit du roman
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Soudain notre cœur cesse de battre. Deux moines hideux surgissent de part et d’autre du chemin au-dessus des romarins. Deux moines aussi gris que la peur. Il faut cinq bonnes minutes pour comprendre que cette immobilité glaçante ne peut être qu’en plâtre ou en bronze.
À gauche du chemin, c’est Bernard de Clairvaux, à droite, Benoît de Nursie. Ils sont tondus, hagards, leurs épaules sont recouvertes d’une cape à capuche. Benoît est pieds nus, leurs tiares sont posées près d’eux, par terre. Tous les deux tiennent un livre dans la main gauche. Tous les deux ont la main droite coupée et le poignet creux.
Dans l’ombre des grands chênes ces deux silhouettes sont si effrayantes qu’on ne va pas plus loin, on regrette d’avoir franchi l’immense ferronnerie de rouille.
J’ai pensé en butant sur ces deux-là qu’il fallait être bien riche pour donner mille euros à un inconnu, les vrais gardiens du temple, c’étaient ces moines, creusés par la pluie et le gel.
Depuis les premiers jours du printemps, je partage ma vie avec ces deux silhouettes. Je vais les saluer chaque matin pendant que mon café passe à travers le filtre. Je vis sous ces grands arbres qui brassent la lumière au-dessus des toits. Je vis avec les voûtes, les couloirs sonores, le tambour d’une fontaine. Je rôde nuit et jour autour de ces vieux murs, j’écoute les courants d’air qui fouillent les galeries du cloître. Je vis avec des mots qui tournent dans ma tête et une cloche sur la chapelle qui ne parle qu’avec le vent.
J’ai passé ma vie à chercher des vallons perdus, semblables à celui-ci, des cabanons écartés pour lire des journées entières dans un silence de feuilles. Je lis quelques pages, je lève les yeux, un nuage glisse dans la lumière… J’écoute cette forêt tout autour, elle respire, palpite, frémit, s’égoutte des pluies de la nuit. Mon pas craque, quelque chose détale, s’envole, une branche délestée fouette le feuillage. Je n’ai jamais été entouré d’une telle qualité de silence.
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« - Vous avez notre numéro, s'il y a quoi que ce soit d'anormal, appelez.
- Tout est anormal! Vous avez des nouvelles de mon patron?
- S'il ne vient pas, nous avons les moyens de l'y contraindre.
- Je finis par me demander s'il existe vraiment... Elles portent bien leur nom, ces îles Caïmans. Ils naviguent tous entre deux eaux, avec des mâchoires plus longues que mon bras ! Vous allez voir débarquer un bataillon d'avocats et trois semi-remorques de dossiers. C'est le procureur qui va se mettre au garde-à-vous ! Quand le caïman montrera ses dents, tout le monde le trouvera très innocent.
- Vous avez une drôle de manière de parler de votre employeur...
- Oh, vous savez, il me faut cinq minutes pour remplir mon sac. Des patrons j'en ai eu, je l'ai refait souvent, mon sac... Ma maison, c'est mon cahier. Ma famille, les mots que m'a laissés ma mère. Quelqu'un a dit: "Je suis partout chez moi, comme les rois et les voleurs." J'ouvre mon cahier, je suis roi et je suis voleur!
- Qui a dit ça ?
- Quelqu'un qui avait un cahier. »
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J'écris le mot tilleul et je suis tout de suite sous un tilleul, le mot lessive et je revois ma mère étendre des draps dans la lumière du jardin et la joie de sa jeunesse. Rien n'est plus magique que l'écriture, elle va chercher des débris de vie dans des replis secrets de nous-mêmes qui n'existaient pas cinq minutes plus tôt. On croit avoir tout oublié, on allume une lampe, lampe, on se penche sur un cahier et la vie entière traverse votre ventre, coule de votre bras, de votre poignet dans ce petit rond de lumière, un soir d'automne, dans n'importe quel coin perdu de l'univers.
[ ... ]
"À vingt ans on veut être célèbre, à mon âge on est émerveillé de tout. "
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Depuis neuf mois, mes mains n’avaient plus caressé le corps d’une femme. J’ai caressé la peau douce et blanche de mon cahier, et mon stylo s’est mis en marche.
J’ai écrit sans presque relever la tête, en ne regardant que ma main. Pendant des jours, j’ai écrit une histoire qui n’avait rien à voir avec ce que je venais de vivre, et cependant tout y était, les soirs d’été, la tiédeur des murs, la respiration des forêts, la peur, la lumière des saisons sur les toitures brûlées du monastère, le besoin d’aimer, la solitude, la neige, l’amitié, le visage des morts, l’or des jours qui s’éteint doucement…
Ma main dessinait le mystère et la force de chaque mot. Solex se couchait contre mon cahier et s’endormait en gardant ma main remuer imperceptiblement.
Un jour, on se met à écrire, pour entendre la voix lointaine de nos mères. Lorsque j’écris, j’entends la voix de la mienne. Elle me lisait le soir, devant le poêle à charbon de notre cuisine, des livres qui me faisaient rêver, pleurer, découvrir le monde…Je n’entends sa voix que lorsque j’écris, dans le silence de la page blanche. Les mots que je trace lentement m’enveloppent de sa tendresse, de son regard profond, de la douceur de sa petite veste de coton rouge, contre laquelle je m’endormais. Je n’ai jamais été aussi paisible et confiant qu’en écoutant la voix de ma mère. Je suis devenu écrivain pour l’entendre chaque jour. Elle vit dans tous les cahiers que j’ai ouverts. Elle marche sur chaque ligne, comme je la regardais venir dans les rues de Marseille, se pencher vers moi, m’inonder de son rire, de sa jeunesse. Elle est là, aussi tiède et proche que ce chat qui me regarde, ronronne et s’endort. Dans nos cahiers, nous ne cherchons que l’amour. Ma main droite avance lentement, à la recherche de l’amour. Il n’y a que des mots d’amour, les autres n’existent pas. Je vais chercher au fond de moi, toutes les routes que j’ai parcourues, celles qui m’attendent. Les visages que j’ai aimés, les autres ont disparu dans la brume de ma mémoire.
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Videos de René Frégni (19) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de René Frégni
Nouvel horaire pour l'émission "Le coup de coeur des libraires" sur les Ondes de Sud Radio. Valérie Expert et Gérard Collard vous donne rendez-vous chaque dimanche à 13h30 pour vous faire découvrir leurs passions du moment ! • Retrouvez leurs dernières sélections de livres ici ! • • La Malédiction de la Madone de Philippe Vilain aux éditions Robert Laffont https://www.lagriffenoire.com/la-malediction-de-la-madone.html • La Fille de l'ogre de Catherine Bardon aux éditions Les Escales https://www.lagriffenoire.com/la-fille-de-l-ogre.html • L'Empire de la douleur de Patrick Radden Keefe et Claire-Marie Clévy aux éditions Belfond https://www.lagriffenoire.com/l-empire-de-la-douleur.html • le Miroir et la Lumière de Hilary Mantel et Fabrice Pointeau aux éditions Sonatine https://www.lagriffenoire.com/le-miroir-et-la-lumiere.html • Les Tudors de Bernard Cottret aux éditions Tempus https://www.lagriffenoire.com/les-tudors-1.html • Henri VIII de Cédric Michon aux éditions Perrin https://www.lagriffenoire.com/henri-viii-la-demesure-du-pouvoir.html • Chroniques de la prépotence de Pierre Bisbal aux éditions L'Harmattan https://www.lagriffenoire.com/chroniques-de-la-prepotence.html • Quand cessent les combats de Pierre Bisbal dit Gourdan aux éditions L'Harmattan https://www.lagriffenoire.com/quand-cessent-les-combats-nouvelles.html • Minuit dans la villes des songes de René Frégni aux éditions Gallimard https://www.lagriffenoire.com/minuit-dans-la-ville-des-songes.html • Il n'y a pas de Ajar : Monologue contre l'Identité de Delphine Horvilleur aux éditions Grasset https://www.lagriffenoire.com/il-n-y-a-pas-de-ajar-monologue-contre-l-identite.html • Vivre avec nos morts: Petit traité de consolation de Delphine Horvilleur aux éditions Livre de Poche https://www.lagriffenoire.com/vivre-avec-nos-morts-petit-traite-de-consolation-1.html • Féminin de Claire Touzard aux éditions Flammarion https://www.lagriffenoire.com/feminin.html • La Trilogie royale (François 1er, Henri IV, Louis XIV) de Gonzague Saint Bris et Jean-Marie Rouart aux éditions Télémaque https://www.lagriffenoire.com/la-trilogie-royale-francois-1er-henri-iv-louis-xiv.html • Gonzague Saint Bris, le dernier dandy de Jean-Claude Lamy aux éditions L'Archipel https://www.lagriffenoire.com/gonzague-saint-bris-le-dernier-dandy.html • Super bande de potes de Smriti Halls, Steve Small aux éditions Sarbacane https://www.lagriffenoire.com/super-bande-de-potes.html • • • Chinez & découvrez nos livres coups d'coeur dans notre librairie en ligne lagriffenoire.com • Notre chaîne Youtube : Griffenoiretv • Notre Newsletter https://www.lagriffenoire.com/?fond=newsletter • Vos libraires passionnés, Gérard Collard & Jean-Edgar Casel • • • #lagriffenoire #bookish #bookgeek #bookhoarder #igbooks #b
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