Citations sur On ne s'endort jamais seul (14)
Pour ceux qui n'ont pas de famille, Noël est le moment le plus dur de l'année, les nuits sont interminables, tout, autour de nous, parle de bonheur, de foyer, de tendresse. Les arbres illuminés font le ciel encore plus noir.
Dédicace :
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A Jean-Claude Izzo abattu de deux cartouches de cigarettes en pleine poitrine.
Quand on gagne sa vie comme moi avec des machines à sous,des tables de jeu et des cigarettes qui traversent l'Europe incognito,on fait des envieux,beaucoup d'envieux.C'est à chaque seconde qu'il faut la protéger sa vie,tu ne peux pas te balader derrière moi jour et nuit avec un fusil de chasse sous le bras.
Durant toute son enfance Antoine était venu là dès les premières tiédeurs d'avril au lieu d'aller à l'école. Il pouvait rester des heures immobile sous l'immense lumière de la mer à regarder les bateaux franchir la passe, danser entre les îles et se dissoudre dans les embruns. Antoine était né rêveur et doux, la vie l'avait rendu timide. Cette existence avec Marie lui convenait très bien, lentement il oubliait les femmes, celles que l'on étreint, pas celles avec qui on vit.
Cent fois il posa aux mêmes voisins la même question:"Marie? Marie? Marie?" Comme si de prononcer ce nom,inlassablement,de jour,comme de nuit,sur chaque placette ou escalier du quartier,ramenait dans sa main la petite main de l'enfant qui était la lumière et la chair de sa vie.
Il lui sembla que cette femme était comme un mouvement très léger de piano, peut-être du Chopin, mais il connaissait mal la musique.
Elle se retira sur la pointe des pieds, aussi silencieuse qu'un sourire.
Ils la regardèrent s'éloigner.Malgré vingt ans de fatigue et de trottoir, ses jambes minces accrochaient toujours la lumière de chaque étoile,de tous les néons et de ce soleil forgé au plus profond des enfers.
Ivre il l'était,d'épuisement,de douleur.Chaque jour la folie s'incrusta plus loin dans son corps,ses cellules,ses muscles,sa peau.Halluciné il traversait des carrefours,des rails,des bretelles d'autoroute,des stades,s'engouffrait dans des tunnels.Marie n'était plus nulle part.Il la voyait partout.
La chaleur faisait fondre la ville. Seules les boutiques côté ombre servaient de refuge aux touristes qui avançaient la bouche grande ouverte, avalant des morceaux de fournaise.