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Citations sur L'Antiquité rêvée : Innovations et résistances au XVIIIe siècle (19)

Par ailleurs les arts visuels, comme la poésie, et comme le suprême modèle des uns et de l'autre, la nature, sont assujettis à la loi harmonique des convenances, internes et externes, qui devrait les prévenir de tomber aussi bien dans l'excès d'ornementation et de séduction que dans le désordre contraire, l'excès de sécheresse et de lourdeur, l'un et l'autre trahissant la nature. D'où la nécessité de combattre ces hérésies, qu'on les qualifie selon les époques de maniéristes, naturalistes, baroques, ou rocaille, pour ramener l'aiguille de la beauté au milieu, dans son orientation juste.
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Pour Boileau, ces maîtres étaient apparus dans les grands siècles de l'Antiquité gréco-latine, souche mère de la Renaissance du XVIe siècle qui avait fait de la Poétique d'Aristote la pierre angulaire de la théorie de la poésie et des arts européens. Pour Perrault, puisque le Grand Siècle français résume, contient et dépasse tous les précédents, y compris la Renaissance, les maîtres et modèles en langue française qui y on surgi, en poésie et dans les arts visuels, dans les sciences et dans les techniques, s'imposaient désormais à l'imitation et à l'émulation des Européens, sans faire de détour par les modèles antiques. Molière tenait lieu de Térence, Racine d'Euripide, et Le Brun de Raphaël.
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Winckelmann est un antiquaire de stature européenne qui, une fois à Rome, peut mettre au service de sa science des dons d'historien et d'orateur longuement mûris à la lecture de Montesquieu et de Voltaire. Son Histoire de l'art chez les Anciens introduit une véritable révolution copernicienne dans la littérature artistique. Le point de vue privilégié par Winckelmann n'est plus celui de l'artiste et des divers paramètres poétiques et rhétoriques à l'intérieur desquels son talent devient fécond et sa production classique. Le thème hégélien de "la mort de l'Art" est présupposé dans ce changement radical d'optique. La supériorité de l'art grec classique, irrépétable à jamais, Winckelmann l'explique de l'extérieur par le climat, qui fit croître de superbes modèles d'humanité, et par la liberté, qui instaura une fertile émulation entre pairs. Toutes ces conditions d'apparition sont refusées aux spectateurs tardifs, mélancoliques, bannis de la liesse méditerranéenne, mais transportés hors d'eux-mêmes à la fois par la beauté sublime et disparue des modèles de l'art grec et par l'art suprême avec lequel les sculpteurs grecs, qui avaient ces modèles sous les yeux, en ont fixé pour notre mémoire les archétypes idéaux.
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Au cours des années 1760 -1770, un phénomène esthétique majeur prit corps dans le nord de l'Europe, en réaction contre l'impassible idéalité de l'esthétique antique prôné par Johann Joachim Winckelmann. Ainsi, en 1766, Gotthold Ephraim Lessing, dans un ouvrage publié à Berlin, Laokoon ou Des frontières des la peinture et de la poésie, attaquait le théoricien allemand, romain d'adoption, en critiquant l'absence de charge émotionnelle de l'intouchable statuaire antique. Dans ses Pensées sur l'imitation des oeuvres grecques en peinture et en sculture de 1755, Winckelmann avait exalté en effet la maîtrise des affects jusque dans la plus extrême douleur, maîtrise qui se lit sur les statues antiques et qu'incarne parfaitement, selon lui, le célèbre Laocoon, conservé au Vatican (fig. 147) : " Pareille âme se révèle sur le visage de Laocoon, pourtant dans la vive souffrance (...). Et pourtant c'est sans fureur sur son visage ni dans toute son attitude que s'exprime une telle douleur (...). Laocoon souffre, mais il souffre, comme, chez Sophocle, Philoctète : sa détresse pénètre dans notre âme, mais nous voudrions la supporter comme ce grand homme la supporte" (Winckelmann, 2005 (1), p. 38-39)
Lessing reprit et osa discuter ce passage célèbre en s'appuyant justement sur la tragédie de Sophocle Philoctète, citée par Winckelmann. A rebours de l'antiquaire, il insista sur l'hybris de la pièce, mettant en exergue les hurlements de douleur du héros dûment mis en scène par le dramaturge pour exprimer l'incurable souffrance de son personnage. En regard d'une telle intensité, la retenue des moyens plastiques de sculpture antique lui semblait un aveu de faiblesse. En bref, Lessing osait dénier à la sculpture antique la capacité de parvenir à l'intensité expressive de la poésie.
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L'Angleterre, depuis l'iconoclasme du XVIe siècle, n'avait eu d'artistes que transplantés des Flandres. Ses rares amateurs d'art et mécènes avaient été Charles 1er et ses amis catholiques.L'Angleterre d'après 1688 est bien décidée à mettre fin à cette carence. Le comte de Shaftesbury, dans ses Characteristics (1711-1714), fait du goût pour les arts un trait légitime du gentleman moderne, et John Richardson, dans un recueil commenté d'oeuvres d'art conservées en Italie (1722), fait de ses nobles compatriotes des Anciens réapparus parmi les modernes, héritiers, par droit de nature, de la supériorité noble dans les arts : " Nulle nation sous le ciel ne ressemble autant que nous aux anciens Grecs et Romains. Il y a chez nous un port altier, une élévation de pensée, une grandeur dans le goût, un amour de la liberté et une droiture que nous héritons de nos ancêtres, et qui nous appartiennent au titre d'Anglais."
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Dans son discours, Reynolds identifie ainsi le Grand Style comme l'ambition ultime de chaque peintre de parvenir à une décantation de la forme portant vers le "générale et délestée des "détails", unie au choix d'un sujet qui "n'est bon que s'il excite un intérêt général. (...) Tels sont les grands évènements de l'histoire et de la fable grecque et romaine. (...) Tels sont les sujets que fournit l'écriture sainte". À ce principe régénérateur du Grand Style qu'est la "généralité" Reynolds oppose le "style décoratif" produit "par la répétition, par l'accumulation, de plusieurs petits détails" et dont il désigne les instigateurs : "Un style purement décoratif s'est répandu en Europe : Rubens l'a porté en Flandre, Vouet en France, et Luca Giordano en Espagne et à Naple." S'exprime donc le refus d'une certaine veine, ample, coloriste et favorable au grand décor, que nous qualifierions aujourd'hui de baroque.
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Contrairement à Bouchardon, bien sûr, mais aussi à ses élèves Falconet et Pajou, voire Caffieri, Lemoyne ne s'appuie pas sur le modèle antique pour composer ses figures. Le drapé de l'Histoire est chargé de becs et de rigoles qui n'ont rien à voir avec le goût grec. La lourde robe de chambre de l'Étude abonde de plis amples et cassés, offrant des effets multiples de creux et de bosses. Le costume de Minerve est conçu avec des plis très larges qui ne tombent pas en direction du sol, comme les chutes d'étoffes antiques.
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Partagé entre une tension héroïque de la forme, qui peut aller jusqu'à la démesure, et une dimension de grâce, qui peut tomber dans la mièvrerie. Dès que l'on quitte les sommets - artistes du calibre de David et Canova, Clodion et Houdon, Piranèse et Füssli, ou théoriciens aussi sensibles et réactifs que Caylus et Winckelmann, ou poètes aussi originaux que Chènier et Keats - , on chemine dans un labyrinthe de variations sur les mêmes thèmes et les mêmes formes. Né de la copie, le néoclassicisme se laisse volontiers "mesmériser" par une compulsion contagieuse de copie.
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Le Klassizismus et le néoclassicisme incarnent la dernière culture européenne globale avant que des mouvements nationalistes ne tentent, à l'époque romantique, de définir les particularismes et l'origine des langues et des peuples, contribuant ainsi à élever des frontières.
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Dans cette tradition classique et académique, il est possible qu'une copie soit supérieure à son original, lequel se révèle alors copie affadie ou atrophiée d'un original disparu, que son imitateur a fait ressurgir intact.
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