C'est toujours ainsi avec la paix, n'est-ce pas ? On sème la guerre suivante.
Quand Jacob descendit la rue qui menait à la place du marché, les cloches de la ville sonnaient, annonçant la tombée de la nuit. Devant l’échoppe d’un boulanger, une naine vendait des châtaignes grillées. Leur arôme se mêlait à celui du crottin de cheval qui jonchait les pavés. L’idée de la voiture à moteur n’avait pas encore traversé le miroir et la statue, sur la place du marché, représentait un prince à cheval qui avait tué des géants dans les collines alentour. C’était un ancêtre de Thérèse d’Austria, l’actuelle impératrice, dont la famille avait chassé non seulement les géants, mais aussi les dragons qui avaient fini par disparaître de leurs domaines.
La nuit respirait dans l'appartement comme un animal tapi dans l'ombre [...] Mais Jacob aimait la nuit. L'obscurité était comme une promesse sur sa peau. Comme un manteau de liberté et de danger.
Le mouchoir qu’il tira tout d’abord du coffre était en simple coton mais, quand on le frottait entre les doigts, il en sortait deux pièces d’or. Jacob l’avait obtenu d’une sorcière, en échange d’un baiser qui, des semaines plus tard, lui brûlait encore les lèvres. Les autres objets qu’il fourra dans son sac à dos étaient tout aussi insignifiants en apparence : une tabatière en argent, une clé en laiton, une assiette en étain, un flacon en verre vert. Mais chacun de ces objets lui avaient déjà sauvé la vie au moins une fois.
Un mariage. Une fille comme monnaie d'échange et une robe blanche pour cacher le sang des champs de bataille.
Tout le monde connaissait ces histoires sur les fées. Très peu, en réalité, les avaient vues. Certains prenaient cette île pour le royaume des morts, mais les fées ignoraient la mort et le temps.
Les humains, comme les Goyls, ne vivaient pas assez longtemps pour comprendre que la veille naît du lendemain comme le lendemain de la veille
Sa main était à peine assez grande pour cacher l’image déformée de son visage, mais le verre adhéra soudain à ses doigts, comme s’il n’avait attendu que lui, et il découvrit alors dans le miroir une pièce qui n’était plus le bureau de son père.
"Autrefois, dans cette contrée, les Goyls n'étaient qu'un fléau parmi d'autres, qu'on mentionnait en passant à côté des ogres et des loups bruns. Mais leur pire crime avait toujours été leur ressemblance avec les hommes. Ils étaient les jumeaux honnis. Les cousins de pierre qui vivaient dans l'obscurité. Nulle part on ne les avait chassés aussi impitoyablement que dans les montagnes d'où ils étaient originaires. A présent, les Goyls se vengeaient. Ils n'étaient nulle part plus féroces que dans leur vieille patrie."
Dans le monde du miroir, il y avait la guerre et ce n'étaient pas les hommes les vainqueurs.