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Passeport rouge», premier roman de
Suzanne Gagnon (Ottawa : Les Éditions David, 2009), porte un titre approprié puisque la couleur rouge appliquée à un passeport canadien désigne le personnel diplomatique. Or c'est justement son expérience d'épouse de diplomate qui inspire Mme Gagnon. En effet, ce roman, qui se lit d'une traite malgré ses 325 pages, nous plonge rapidement dans l'atmosphère tendue et hostile de l'Algérie de la fin du «règne» de Houari Boumédiène, une Algérie que l'auteure a connue à la fin des années 70 alors que son mari était en poste à Alger.
Suzanne Gagnon nous présente en même temps qu'à son héroïne Anna, nouvellement mariée à un diplomate torontois de carrière, une ville offrant à ses citoyens une vie à des années-lumières de la nôtre, où l'eau comme la sécurité s'avèrent un luxe souvent hors d'atteinte.
L'écriture à la fois nerveuse et délicate de l'auteure nous confronte néanmoins en même temps qu'Anna à la pratique d'un Islam hostile aux Occidentaux, mais surtout aux Occidentales osant se montrer en public seules, à visage découvert et habillées de vêtements colorés.
L'auteure réussit au détour d'une image habilement tournée ou d'un effet d'un style parfaitement contrôlé à évoquer les chocs de la vie sensorielle d'Anna et de ses proches : appels obsédants des muezzins ; couleurs contrastant le blanc des édifices avec le noir des niqabs et le gris des burqas ; odeurs envahissantes d'épices inconnues dans les marchés publics, privations d'eau, de nourriture et de lumière imposées par l'anarchie dans la distribution des ressources naturelles de la ville.
Cependant, c'est dans le récit enlevant des relations d'Anna avec un entourage peuplé de personnages secondaires au caractère complexe — David, l'époux; Nadia, la meilleure amie ; Philippe, le médecin, Zohra, la servante — , souvent réunis dans la haine et opposés dans l'amour, que
Suzanne Gagnon réussit le mieux à nous livrer les secrets d'un pays mystérieux, tout aussi attirant qu'effrayant..