Le frère Joseph, novice au monastère de la Grande Chartreuse, se voit remettre en secret un paquet, qui contient le journal tenu par sa soeur Emma. Elle y relate son expédition avec une équipe scientifique sur la banquise de l'arctique Sibérien, en tant que journaliste, un an plus tôt. Une expédition qui tourne à la catastrophe. Nous lisons son récit en même temps que Saha alias frère Joseph.
L'auteur nous présente ainsi en alternance deux situations d'isolement et de huis clos, chacune en hiver :
- Celle du silence de la méditation de l'étirement du temps rythmé par les offices de la vie érémitique dans l'hiver du massif de la chartreuse.
- Celle d'un bateau en mer arctique au coeur des tempêtes, ou de divers abris de fortune dans des bâtiments abandonnés
L'hiver arctique est excessivement rude et dangereux. Mais le plus grand danger ne vient pas du climat ni des animaux sauvages, il vient toujours des hommes (je ne souhaite pas dévoiler de quoi il s'agit). de la noirceur au coeur des paysages blancs.
Patrice Gain nous amène des thèmes intéressants : l'arctique est l'endroit idéal pour parler des effets déjà visibles du réchauffement climatique, qui entre autres effets pervers va relancer la course cupide aux richesses naturelles de son sous-sol. Mais ces sous-sols ne sont pas que source de richesses, ils peuvent aussi être une boite de pandore. le pillage des défenses de mammouth et la corruption des militaires russes sont bien montrés.
Malheureusement la forme du roman ne va pas. le journal n'en est pas un, écrit au présent, avec des scènes et des dialogues qui ne sont pas racontés a posteriori. Anna tient scrupuleusement son journal quelles que soient les conditions même les plus extrêmes ; elle écrit toujours magnifiquement même lorsqu'elle est en mode survie, à bout de forces, même avec des engelures sur trois membres !! Absolument improbable. Cette incohérence m'a hélas sortie du récit, de l'immersion, de l'ambiance.
Et puis je regrette des facilités, telle que l'ouverture par Sasha du journal pile à la page du moment dramatique, pour un bel effet d'accroche. Ou encore l'interrogatoire qu'Anna fait passer à la femme Iakoute, en trois minutes elle sait tout de leur mode de vie, histoire pour l'auteur de placer ses connaissances vite fait bien fait ; mais ce n'est ni crédible ni respectueux, juste bâclé et déplacé.
Bref, ce roman présente de belles pistes, dans des contextes intéressants, mais un manque d'ambition dans leur traitement et leur développement. Malgré des personnages attachants, un joli dénouement, je reste sur ma faim (de loup ;) ).