Je crois la rhétorique plus forte que les idées.
Madame, il fait si froid que vous me manquez déjà.
Les temps ont changé à mon insu. La langue, elle aussi, a été bousculée. La République veut, jusque dans la grammaire, de la concision, de la mathématique et du rendement. La belle prose est tombée avec la Bastille, et je ne m'en étais pas rendu compte.
On m'explique que, dans la Théorie de l'ambition, ce recueil de poncifs et d'aphorismes sentencieux dont vous semblez si fier, vous n'avez pas craint d'écrire cette ineptie : "Il faut distinguer avec soin le cerveau femelle du cerveau mâle. Le premier est une sorte de matrice, il reçoit et il rend ; mais il ne produit pas".
Une fois l'art répudié et la monarchie abattue, la terre et ses alliés souterrains reprenaient donc leurs droits, plus conquérants encore d'avoir été conquis, et plus victorieux d'avoir été vaincus. Je n'imaginais pas qu'une telle oeuvre conçue, depuis le plus discret salon de verdure jusqu'à la régalienne galerie des Glaces, pour défier les siècles et se moquer des hommes, pût si vite tomber en ruine.
Chez lui, me disiez-vous, c'est le cheval, et non l'homme qui vous avait d'emblée conquise.
Car j'étais de cette race d'épicuriens qui ont besoin de lois pour jouir et, au tribunal comme au réduit, de stratégies pour gagner.
Même à la veille du supplice, je persiste et je signe. En politique comme ailleurs, y compris en amour, le succès est à ceux qui savent jouer, sur la scène publique, des rôles de composition et connaissent les lois de l'éloquence.Je crois la rhétorique plus forte que les idées. Je crois le mensonge plus prégnant que la sincérité. Je crois qu'il faut apprendre très tôt à taire ses enthousiasmes, ses détestations, et même ses idéaux; ne jamais offrir à l'ennemi l'occasion de vous percer. La franchise, qui est d'ailleurs une illusion, ne m'a jamais valu que d'être méprisé et davantage critiqué. Je crois que l'habit fait le moine, que l'acteur est dans ce qu'il proclame et dans les poses qu'il ne laisse de prendre sous des costumes d'emprunt.
Je suis toujours parti du principe que le monde dans lequel je vivais était corrompu ( qu'il fût coiffé d'une couronne ou d'un bonnet phrygien n'y changeait rien) et qu'il était non seulement ridicule mais surtout vain de lui opposer une morale. L'Histoire nous a appris que la vertu ne peut rien contre le vice et que , pour triompher des cyniques, il s'agit d'être plus cynique encore.
« Et pourtant, malgré mes postures et mes impostures, mes petits calculs et mes grandes prétentions, mes infimes courages et mes vraies lâchetés, mes enfantillages, mes contradictions, mes foucades, j'y ai cru à cette Révolution, cette folie, cette effrayante et magnifique machine conçue par des mains anonymes pour fabriquer du progrès »
Il faut des traîtres à la Révolution et, lorsqu'elle en manque, elle les fabrique ; je suis donc son homme idéal. Elle m'a retiré ma particule quand je la servais, faisant de moi le citoyen Hérault, elle me la restitue à l'instant de m'exécuter. Si ce n'était tragique, ce serait comique.