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EAN : 9782073005618
112 pages
Gallimard (05/01/2023)
3.71/5   245 notes
Résumé :
JEROME GARCIN
Mes fragiles


" C'était trop. Trop vite, trop tôt. Trop peu préparé à ce nouvel assaut de souffrance et de regrets. Trop de colère contre le destin. Trop de morts. Trop de prières et de miséricorde. Trop de Toussaint aux beaux jours. Trop de plus jamais. "

En l'espace de six mois disparaissent successivement la mère et le frère de l'auteur. Tandis qu'ils affrontent la maladie surgit un secret qui réécrit l'hi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
3,71

sur 245 notes
Alors que, sur France Inter, on annonçait le départ de Jérôme Garcin de l'émission « le masque et la plume », je me plongeais dans son dernier récit qu'il a consacré à ses chers disparus : sa mère et son frère, morts à six mois d'intervalle.

C'est avec une énorme tendresse tissée de pudeur que Jérôme Garcin nous fait entrer dans sa relation intime avec sa mère « si lumineuse et mystérieuse à la fois, et Laurent, son frère fragile « plein d'une candeur végétale, d'une bonté sans emploi »
Avec l'évocation de ces deux morts récentes survenues à six mois d'intervalle, l'auteur revient sur d'autres morts, toujours aussi douloureuses. Il y a eu celle, accidentelle, de son frère jumeau, fauché à cinq ans par une voiture. Comment se remet-on de la perte de son double ? Cette disparition s'est alourdie de celle du père, encore un accident, une chute de cheval cette fois ci.
Mais les morts restent présents, invisibles mais bienveillants
« Les morts sont patients. Exigeants et patients. Mon jumeau fauché par un chauffard a attendu que je grandisse pour grandir en moi et avec moi. »
Après ces disparitions brutales, la littérature et les livres ont été d'un grand réconfort pour Jérôme Garcin qui a pu compter aussi sur l'amour de sa femme la comédienne Anne-Marie Philipe.
Il évoque cette maison avec son jardin à Bray-sur-Seine en Champagne, maison de famille ou il fait si bon de se retrouver. Dans le jardin, et le parfum des lilas résonnent les rires des enfants mais les défunts fréquentent encore les lieux. Au hasard d'une pensée vagabonde, d'un serrement de coeur, apparaissent aussi, discrètes, paisibles, les silhouettes de ceux qui ne sont plus. Ils continuent d'habiter les lieux.
Bien sûr, les absents qui ont la vedette ce sont sa mère Françoise, morte en 2020 et de son frère Laurent, victime de l'épidémie de Covid qui partira six mois seulement après la mère.
La présence des morts, elle est essentielle, immense, pour l'auteur, et elle imprègne chacune des pages de cet essai émouvant.
On découvre ses disparus avec le sentiment de les rencontrer vraiment en les côtoyant de façon intime et c'est ce rapprochement qui rend cet essai si sensible.
« Plus le temps passe et plus je crois à la présence des morts. Ils sont là. Leur âme demeure, plane et s'obstine »
En les racontant, leur rendant la parole, Jérôme Garcin leur redonne un souffle de vie, il continue à les faire vivre grâce au pouvoir des mots. Aucune mièvrerie dans l'écriture. Sobre, sincère, sensible, elle exalte des vies trop tôt fauchées et cela nous touche au coeur.

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La mort en 1962 de son frère jumeau, fauché à six ans par une voiture, puis, dix ans plus tard, celle de son père, d'un accident de cheval à quarante-cinq ans, avaient déjà conduit Jérôme Garcin à l'écriture de deux récits : Olivier et La chute de cheval. L'auteur franchit une nouvelle étape de son douloureux pèlerinage auprès de ses défunts, « une lampe torche à la main, à pas comptés, dans le labyrinthe des [s]iens », avec cette fois les disparitions, en 2020 de sa mère de 89 ans, à bout de souffrance à force d'usure cardiaque et ostéoporosique, et six mois plus tard, de son frère Laurent, ce « grand petit garçon » de 55 ans, atteint du syndrome de l'X fragile et victime de la Covid-19.


Jérôme Garcin est doué pour l'écriture et sa belle narration intelligente et sensible, lumineuse de tendresse pour ses « fragiles », ne peut qu'émouvoir, alors qu'empli de chagrin, il revient sur leur fin de vie et sur l'impuissante sollicitude longtemps éprouvée face à leur vulnérabilité sans remède. Si ses pages nous touchent, ce n'est pas seulement pour la perte éprouvée par le narrateur qui leur survit. C'est aussi parce qu'elles sont pleines de cette inquiétude si désarmée de n'avoir pu protéger ces êtres chers et vulnérables de la souffrance qui fut la leur : la souffrance d'une mère rendue aussi frêle qu'un oiseau par une maladie atrocement douloureuse, mais aussi torturée par l'idée de laisser derrière elle un fils fragilisé par le handicap, sans même qu'elle se doute jamais du diagnostic tardif dont on aura préféré lui épargner le poids, jugé culpabilisant, de son origine génétique ; la souffrance d'un frère dont la déficience intellectuelle et les angoisses profondes rendent plus terribles encore sa confrontation avec la mort, de sa mère d'abord, de lui-même ensuite, qui plus est dans l'isolement hospitalier imposé par le contexte pandémique.


Pour autant, si beau et respectable soit-il, ce texte arrimé à la relation autocentrée d'une expérience de la maladie et du handicap, de la vieillesse et de la mort, du deuil enfin, parce qu'il ne quitte jamais le registre personnel pour atteindre à l'universel, laisse infuser chez son lecteur un sentiment diffus de désappointement : celui de lire le journal intime, de grande qualité certes, mais pas une oeuvre majeure, d'un nom célèbre du monde littéraire parisien.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Préambules : je ne m'intéresse qu'au livre, je préfèrerais lire les textes sans connaître leurs auteurs, je n'avais jamais lu Jérôme Garcin.
« Mes fragiles » a pour lui d'être bien écrit - et c'est déjà beaucoup.
Pour le reste, il est la synthèse parfaite de tout ce que j'abhorre : autofiction, livre d'ennui pandémique, microcosme parisien, souvenir lacrymal et production mineure de personne connue.
Garcin n'a pas été cherché son histoire très loin puisqu'il évoque sa famille. Il y a quelque chose d'agaçant dans sa manière de l'ériger en exception. Beaucoup de familles ont été touchées par la maladie. La sienne est unique, génétique, c'est le syndrome de l'X fragile. On a tous des amis proches qui sont venus au chevet de nos anciens. Les siens s'appellent Erik Orsenna ou Michael Lonsdale. Les souffrances de l'auteur sont d'une facture inédite, ses épreuves, autrement plus romantiques. Cette impression récurrente que l'auteur se place au-dessus d'une mêlée que je le soupçonne de mépriser un peu.
Vieillesse, maladie, peur de la mort, perte d'un être cher, liturgie des messes d'enterrement, secret de famille… Des thèmes que l'auteur aborde sur un registre plus personnel qu'universel ; voilà ce qui distingue un journal de bord d'un roman.
À défaut de trouver son propos original, je retiendrai donc sa belle écriture, sans occulter des tournures prétentieuses, comme cette manière de transformer les auteurs en adjectifs : un vitrail claudélien, un souvenir proustien ou un jardin giralducien (p78).
Un bon livre ? Non, mais une excellente dissertation de Khâgne dont le sujet était « Racontez votre déchirure familiale ». À l'école, lieu d'apprentissage, ça vaut 20/20, ailleurs…
Bilan : 🔪
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Faire d'un proche disparu un personnage de roman, c'est le maintenir vivant,une façon de le ressusciter et de lui rendre hommage. Ce que Jérôme Garcin a déjà réalisé plusieurs fois. Rappelons l'ouvrage Olivier, en mémoire de son frère jumeau, fauché à six ans par un chauffard, en 1962. Un absent qui l'habite, vit en lui, grandit avec lui.
Puis celui sur son père, tué accidentellement d'une chute de cheval, en 1973. le voilà comme pris dans une spirale dramatique, fatale. Écrire, n'est-ce pas prolonger la vie des disparus? Les rendre immortels ?
Lui qui est «  dans la révolte » face au destin.
Il poursuit le portrait de ses défunts avec d'autant plus de courage qu'il fut doublement touché en 2021. Qui sont donc ses « fragiles » ?
IL commence par le dernier parti, le 22 mars 2021 ce frère artiste, dont il a eu la charge par le juge des tutelles. Inconsolable depuis la disparition de leur mère, six mois avant, le 14 septembre 2020.
Jérôme Garcin retrace le parcours médical de son frère Laurent à l'hôpital Pompidou. Atteint de plusieurs comorbidités auxquelles s'ajoute le syndrome de l'X fragile. Victime d'une crise d'épilepsie, il est terrassé ensuite par le covid. le narrateur confie avoir refusé l'acharnement thérapeutique, décision qu'il a jugée sage. Il évoque ses visites épuisantes, limitées à une heure durant des semaines, endossant la tenue de cosmonaute, avec des instants d'espoir.

Avec beaucoup de délicatesse, le narrateur détaille l'enfer que vit la famille proche, le maelstrom qui s'empare des pensées intérieures. Comment ne pas flancher. Difficile d'imaginer quand l'animateur du  « Masque » orchestre l'émission phare avec bonne humeur, qu'il vient de courir d'un hôpital à l'autre. Juste le temps de changer de masque. Il recourt à la métaphore de l'orage qui se rapproche avant le foudroiement, et convoque une phrase du Général de Gaulle qu'il adapte : «  Maintenant , et pour toujours, Laurent est comme les autres ».

Après le portrait de Laurent, il dresse le portrait de cette mère « invincible », qui a dû faire face à deux disparitions accidentelles. Il expose sa formation artistique, sa carrière de restauratrice de tableaux pour Le Louvre, met en lumière son talent de peintre.
Il évoque ce qu'elle a été, une artiste passionnée par l'art italien, dotée d'une «  inexpugnable joie de vivre » et « d'une propension à l'émerveillement ». Une lectrice de Colette, de Christian Bobin, de François Cheng. Une oreille qui aime écouter Brahms, Mozart, Debussy.
Par petites touches, il compose un touchant tableau pétri de déférence, il met en valeur sa générosité envers un peintre sdf.

A 89 ans, « cette vaillante maman capitulait », souffrant le martyre, «  même la religion, qui était son socle et son Ciel, ne semblait plus lui être d'aucun secours ».
On suit ses transferts successifs d'hôpitaux, puis dans un établissement spécialisé en soins palliatifs. La phrase : «  elle entrait ,en plein été, dans son dernier hiver » convoque le titre : «  le dernier hiver du Cid », opus dans lequel Jérôme Garcin évoque les dernières heures de Gérard Philippe. Comme sa famille lui avait remis un portable pour la tranquilliser, elle n'a eu cesse d'appeler au secours afin de quitter cet enfer/prison.

L'hécatombe s'est poursuivie avec le décès de sa tante ( en août 2022) qu'il considérait comme sa seconde mère. « Le destin le prend au collet » une fois de plus.
Les cérémonies d'adieu récurrentes qui se déroulent au cimetière de Bray-sur-Seine convoquent le tableau émouvant du peintre Emile Friand, «  La Toussaint » représentant l'hommage d'une famille pour ses morts. Comme un instantané photographique, l'impression d'un travelling sur le cortège.

Jérôme Garcin reconnaît être taraudé par cette idée de culpabilité et se demande encore s'il a bien fait de cacher à sa mère le secret de cette maladie génétique rare, sans traitement spécifique, difficile à diagnostiquer. Il explique en ses propres termes et non ceux d'un médecin ce qu'elle implique. « La culpabilité est un sentiment illégitime et légitime » pour lui, porteur sain. Il se sent « responsable d'avoir propagé », à son insu, ce dont il a hérité. Et descendant d'une dynastie de médecins, il fait le constat que «  les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés ».

Dans une émission, le narrateur confie son apaisement de constater que les peintures de son frère Laurent , « peintre débordant »,vont être consultables de façon permanente. le psychanalyste Henri Bauchau avait d'ailleurs compris «  combien l'art était son vrai langage... ».
« L'exposition annuelle de ses tableaux aux couleurs vives de vitraux favorisait ses dons clandestins et négligeait de reconnaître ses handicaps visibles ».

Dans ce récit, l'écrivain décline son amour absolu pour son épouse,Anne-Marie, sa profonde gratitude envers sa famille «  qu'il aime d'une façon exclusive et animale », « qui le serre, le consolide, l'étaye et l‘empêche de chuter trop bas » et forme « une digue impérissable ».

Quand vient le moment douloureux de vider l'appartement, le journaliste retrouve un cahier , sorte de journal tenu par sa mère, où figure son ami Michael Lonsdale, tombe sur des lettres dont ses propres lettres. Il les relit, en consigne quelques-unes, ce qui fait défiler sa vie et celle de ses parents. La malle aux souvenirs déborde avec les lettres amoureuses de son paternel adressées à sa femme, quand il voyageait en tant que directeur des Presses Universitaires de France. L'époque du bonheur comme il le souligne.

Certains paragraphes contiennent des phrases très longues, comme si elles reflétaient le poids à supporter pour « la petite famille démantibulée » ou des énumérations décrivant chacun des tableaux. D'autres contiennent des étincelles de poésie comme dans l'évocation du pays d'Auge : «  les trilles des mésanges, le staccato des rouges-gorges..., le bruit d'eau cristallin » jailli des «  ramures des peupliers ». Un style d'une élégance et d'une délicatesse qui transcende le livre.

Le désir de poursuivre la conversation avec les absents rappelle la démarche identique d'autres écrivains terrassés par la perte d'un géniteur : Premier sang d'Amélie Nothomb et plus récemment l'opus d'Albert Strickler Petit père.

Jérôme Garcin livre un témoignage poignant sur une maladie méconnue, découverte en 1991, « le syndrome de l'X fragile », dont ses descendants ont aussi hérité .
En même temps il décline une radiographie de la situation des hôpitaux, frappés de plein fouet par la vague du covid et de la recherche médicale. On est saisi d'empathie. La lecture pourrait s'avérer éprouvante pour les âmes sensibles, mais elle est adoucie par les tableaux tissant un cocon réconfortant pour la famille de l'auteur. Ceux chamarrés de Laurent, le cubiste, qui «  éclairent, embellissent son souvenir » et ceux de la mère paysagiste qui apportent de la sérénité à Jérôme Garcin. En plongeant son regard dans leurs toiles, véritables « épiphanies », il sent leur présence en permanence, «  une compagnie invisible, heureuse et bienfaisante ».
Le tombeau de papier dans lequel il drape ses disparus revêt une portée universelle. le lecteur quitte ce bouleversant récit autobiographique secoué, chamboulé. le chemin de la résilience sera long.
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Jérôme Garcin a perdu en 6 mois sa mère et son frère handicapé. Il leur redonne vie dans ce court récit très bien écrit. Cela fait du bien de lire cette si belle langue. Il évoque avec tendresse et amour sa mère, artiste peintre et son frère Laurent peintre aussi et atteint du syndrome de l'X fragile. Il évoque également son frère jumeau Olivier mort à 6 ans et son père. Il explique ne pas être croyant mais être certain que les morts nous accompagnent dans nos vies. C'est touchant sans être impudique.
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critiques presse (6)
LesEchos
20 février 2023
Dans « Mes fragiles », le journaliste et écrivain évoque deux membres de sa famille emportés en l'espace de six mois par la maladie. Sa mère, Françoise, et son frère cadet, Laurent, porteur du syndrome de l'X fragile. Un livre bref et douloureux qui nous éclaire et nous émeut.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LaCroix
23 janvier 2023
Après la mort de sa mère et de son frère handicapé, Jérôme Garcin, journaliste culturel et producteur de l’émission Le masque et la plume, sur France Inter, livre un récit déchirant, précis de courage et traité de spiritualité.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeFigaro
19 janvier 2023
Un bouleversant tombeau littéraire dédié à la mère et au frère de l’écrivain.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
16 janvier 2023
Mes fragiles est une nouvelle étape du récit de son long et douloureux compagnonnage avec ses disparus. Ses deuils sont le creuset de sa vocation littéraire. Ecrire est une manière de prolonger les vies.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
09 janvier 2023
C’est un cri de douleur, un livre de larmes et de recueillement, un chemin de croix par temps de pandémie qu’il est impossible de suivre sans trembler d’émotion.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LesInrocks
04 janvier 2023
Jérôme Garcin signe un beau récit pour rendre hommage à ses disparu·es, dans la veine de La Chute de cheval et d'Olivier. Bouleversant.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
La mort en 1962 de son frère jumeau, fauché à six ans par une voiture, puis, dix ans plus tard, celle de son père, d’un accident de cheval à quarante-cinq ans, avaient déjà conduit Jérôme Garcin à l’écriture de deux récits : Olivier et La chute de cheval. L’auteur franchit une nouvelle étape de son douloureux pèlerinage auprès de ses défunts, « une lampe torche à la main, à pas comptés, dans le labyrinthe des [s]iens », avec cette fois les disparitions, en 2020 de sa mère de 89 ans, à bout de souffrance à force d’usure cardiaque et ostéoporosique, et six mois plus tard, de son frère Laurent, ce « grand petit garçon » de 55 ans, atteint du syndrome de l’X fragile et victime de la Covid-19.


Jérôme Garcin est doué pour l’écriture et sa belle narration intelligente et sensible, lumineuse de tendresse pour ses « fragiles », ne peut qu’émouvoir, alors qu’empli de chagrin, il revient sur leur fin de vie et sur l’impuissante sollicitude longtemps éprouvée face à leur vulnérabilité sans remède. Si ses pages nous touchent, ce n’est pas seulement pour la perte éprouvée par le narrateur qui leur survit. C’est aussi parce qu’elles sont pleines de cette inquiétude si désarmée de n’avoir pu protéger ces êtres chers et vulnérables de la souffrance qui fut la leur : la souffrance d’une mère rendue aussi frêle qu’un oiseau par une maladie atrocement douloureuse, mais aussi torturée par l’idée de laisser derrière elle un fils fragilisé par le handicap, sans même qu’elle se doute jamais du diagnostic tardif dont on aura préféré lui épargner le poids, jugé culpabilisant, de son origine génétique ; la souffrance d’un frère dont la déficience intellectuelle et les angoisses profondes rendent plus terribles encore sa confrontation avec la mort, de sa mère d’abord, de lui-même ensuite, qui plus est dans l’isolement hospitalier imposé par le contexte pandémique.


Pour autant, si beau et respectable soit-il, ce texte arrimé à la relation autocentrée d’une expérience de la maladie et du handicap, de la vieillesse et de la mort, du deuil enfin, parce qu’il ne quitte jamais le registre personnel pour atteindre à l’universel, laisse infuser chez son lecteur un sentiment diffus de désappointement : celui de lire le journal intime, de grande qualité certes, mais pas une œuvre majeure, d’un nom célèbre du monde littéraire parisien.
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Rien , en apparence du moins, ne l'avait jamais détournée de sa vocation au bonheur de sa propension à l'émerveillement. Ni la mort d'Olivier, mon jumeau-nous avions à peine six ans, et elle tout juste trente, renversé un dimanche sur une route de campagne par un chauffard.

Ni dix ans plus tard, la chute de cheval,un trotteur dément lancé au triple galop dans la forêt de Rambouillet, qui coûté la vie à son mari, à notre père, et fit d'elle une jeune veuve que rien n'avait préparée à devoir porter, seule, une famille démantibulée
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Laurent s’est éteint, glissant sur l’eau de l’aube, à quatre heures et deux minutes du matin. Avant de m’effondrer, j’ai pensé à notre mère, dont il était le beau, le terrible, l’irrésistible souci, et à qui cet immense et ultime chagrin aura été épargné, et je me suis rappelé alors le mot du général de Gaulle, lorsque sa fille trisomique, Anne, mourut à vingt ans dans ses bras, derrière un rideau de cretonne de la Boisserie et ses vieux murs cachotiers couverts de lierre : « Maintenant, elle est comme les autres. »
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Mais plus le temps passe et je crois en la présence des morts. Ils sont là. Leur âme demeure, plane et s'obstine. Ils s'annoncent souvent entre chien et loup, dans une lumière tamisée de petit matin ou de fin de jour, dans un pépiement têtu, une flagrance indistincte, entre les pages pelucheuses d'un vieux livre massicoté, la traînée blanche d'un avion, sous le sabot d'un cheval, près d'un muret en pierre, au cœur battant d'une forêt de pins maritimes. Je leur parle en silence depuis si longtemps. p. 81/82
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Je cherchais en vain, sur son visage émacié de combattante acharnée, une trace d' accalmie, un indice de béatitude que, sans doute, elle avait convoitée, une preuve du bonheur qu'elle avait incarné et merveilleusement répandu autour d'elle. On eût dit qu'elle avait encore mal. Et c'était insupportable à regarder. J'étais partagé entre l 'effroi et le chagrin. Je savais que j'allais vivre désormais, jusqu'à mon dernier souffle, avec cette image, et que son éclatant sourire serait toujours assombri par son ultime grimace.
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Vidéo de Jérôme Garcin
Jérôme Garcin vous présente son ouvrage "Écrire et dire : entretiens avec Caroline Broué" aux éditions des Équateurs. Entretien avec Jean-Claude Raspiengeas.
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