En 1658, à l'âge de vingt-sept ans, il fit un voyage en Italie, et le fait est curieux à noter ; il tendrait à prouver que Philippe de Champaigne regrettait de n'avoir pu faire ce voyage au temps de sa jeunesse, et comprenait que le talent d'un grand artiste doit nécessairement s'alimenter à la flamme pure de l'antiquité classique. Ce voyage fut pourtant d'assez courte durée; Jean-Baptiste était de retour en 1659, et c'est probablement à sa considération, pour le lancer, comme on dirait aujourd'hui, que l'ancien décorateur du Luxembourg et du Palais-Royal accepta de peindre les appartements de Louis XIV au château de Vincennes. Il avait terminé depuis quelque temps déjà les travaux qu'il exécutait dans les appartements d'Anne d'Autriche au Val-de-Grâce ; le règlement de ces travaux est en effet du Ier septembre 1657 et l'on sait qu'au XVIIe siècle la cour ne se hâtait pas de payer les gens qu'elle faisait travailler.
Richelieu ne cessa jamais de préférer Philippe de Champaigne aux autres peintres qu'il employait, et c'est en vertu de ses ordres que l'église de la Sorbonne, commencée en 1635 et terminée seulement en 1653, onze ans après la mort du tout-puissant ministre, fut ornée dans sa partie supérieure de médaillons dus au pinceau du maître.
Philippe de Champaigne était au milieu des siens depuis quelques mois, lorsque l'intendant général des bâtiments de la reine mère, le sieur Maugis, abbé de Saint-Ambroise, lui écrivit de la part de Sa Majesté pour lui annoncer officiellement la mort de Nicolas Duchesne, et pour lui offrir la place que cette mort laissait vacante. Refuser de pareilles propositions eût été une folie : Champaigne accepta donc et revint au plus vite et, dès son retour, il fut nommé peintre de la reine, avec un logement au Luxembourg et une pension de 1,200 livres, qui vaudrait plus de 5,000 francs de notre monnaie; pour un peintre de vingt-six ans, c'était la fortune. Il continua sans retard la décoration du palais de Marie de Médicis,
La première question qui se pose quand on étudie la vie de Philippe de Champaigne (ou de Champagne) C'est pourtant comme si l'on se demandait s'il faut écrire et prononcer Espaigne, Bretaigne, montaignard, compaignon, etc. Les deux formes Champaigne et Champagne ont eu et ont encore leurs défenseurs convaincus; comme il arrive si souvent en ce bas monde, le vrai pourrait bien se rencontrer entre les extrémités opposées. On prononçait en réalité, à la manière de certains paysans d'aujourd'hui, Espaingne, Champaingne ; et le mot compagnon, dérivé de pain, a commencé par s'écrire compaingnon.