La Hollande couronne une reine, mais voici que le vrai roi surgit, que sa gloire se ravive, jaillit encore une fois du lointain de l’Histoire et des ténèbres de la mort. On a mieux fait que de centraliser, dans un seul musée, à Amsterdam, les œuvres de Rembrandt éparses en Hollande, ce qui serait atteindre La Haye, Rotterdam, dans leur gloire locale. En attendant la date du troisième centenaire de la naissance de l'artiste, en 1908, où l'on devrait, où l'on pourrait donner à voir, complet, dans son ordre chronologique, l'œuvre de Rembrandt, on a fait appel aux musées et aux collections d'Europe, et voyez la merveille,
les musées et les collections ont entendu
et ont répondu. On s'est résolu à faire
voyager les tableaux, comme cela se passe
depuis longtemps en Angleterre, en Amérique.
Le respect de ce qui existe et la
consécration de l'esprit cosmopolite se
manifestent donc à la fois.
Le repos, je croyais aussi le trouver, par contraste, aux salles de la ‘Royal Academy, et tout d’abord, il est vrai, un apaisement naît de la belle ordonnance des deux cent huit œuvres de Rembrandt, du silence recueilli des visiteurs, du jour terne qui tombe des vitres dépolies. Mais, sitôt que l’on se trouve en face de certaines toiles, l’agitation recommence : Rembrandt vous dit de toute sa puissance qu’il n’y a pas de séparation entre la vie et l’art, et que toutes ces images diverses, multipliées, ces gesticulations, ces expressions, que nous voyons tous les jours, viennent aboutir à ces dessins rapides, à ces peintures profondes.
Rembrandt n'a pas tout vu ni tout dit, parce qu'un seul homme, ni même tous les hommes ne sauraient épuiser l'univers toujours renouvelé, mais il a senti directement, et tout ce qu'il a pu prendre, il l’a pris, allant de plus en plus vers la signification complète et la force du résumé.
"L'enfermé" de Gustave Geffroy.