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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Il y a des faits divers dont on se souvient toute une vie, soit parce qu'ils ont marqué une époque, une région, ou pour leur intensité dramatique (l'affaire Grégory, ou celle d'Outreau par exemple).
Et il y a les faits divers, bien plus nombreux qui ne dépassent pas le cadre d'une région, ou qui n'impriment pas particulièrement ; allez savoir pourquoi.
Tel est justement l'objet du livre enquête d'Alice Géraud, à propos de l'affaire du violeur de la Sambre qui s'est déroulée sur une période de trente ans durant laquelle 1 homme, aura violé pas moins d'une cinquantaine de femmes, et dont la résolution fût très tardive.
Nous sommes dans le nord de la France, dans la commune d'Aulnoye-Aymeries, non loin de Maubeuge. On y trouve des usines, un noeud ferroviaire important, trait d'union entre le nord de l'Europe et Paris, à proximité de la Belgique. C'est ce qu'on appelle le Val de Sambre.
Plutôt que d'axer son enquête sur le violeur, Alice Géraud, dont on apprendra à la toute fin du livre les raisons profondes de son intérêt marqué pour cette affaire et la manière de l'aborder, va rencontrer toutes les victimes des agressions ou tentatives d'agression. Naturellement, il en résulte beaucoup de répétitions tenant au mode opératoire constant voir rituel du criminel, sans pour autant qu'on puisse y trouver une logique chronologique puisque qu'il n'était pas régulier.
Ce qui me marque en tout premier lieu c'est le regard que la police portait sur ces affaires. A la fin des années 80, nous avions des policiers qui n'étaient pas formés à l'écoute, très peu d'entre eux étaient des femmes d'ailleurs. La parole des victimes étaient d'emblée mise en doute ; lors des interrogatoires, c'est tout juste si ce n'étaient pas elles les criminelles, celles qui avaient tenté le diable, qui fabulaient. Il en résulte au départ, des enquêtes bâclées, des pièces à conviction perdues, non recueillies ou inexploitables. Souvent les plaintes ne sont que de simples mains courantes autrement dit ça ou rien, c'est pareil.
Nous sommes à une époque, où les fichiers d'empreintes génétiques sont inexistants ; aucun moyen de recouper les informations, de mettre un nom sur un résultat ADN. Il faudra attendre de nombreuses années avant que tout cela se mette en place.
Enfin, Alice Géraud met en lumière les dysfonctionnements de la justice. Je suis effarée de constater les fréquent changements des acteurs des tribunaux ; à peine arrivés ils sont mutés ailleurs ; pire encore, cette région du nord, fait partie des endroits où l'on envoie des magistrats inexpérimentés, tout frais sortis de l'école, sans vraiment de consistance, pas du tout armés pour affronter ce genre d'affaire (rappelons-nous l'affaire d'Outreau, ou encore plus loin celle du petit Grégory, et du fameux petit juge…).Il y a des coins de France vraiment délaissés .La région fera aussi l'objet d'une désertification des tribunaux lors d'une réforme visant à mutualiser les moyens….

Tout cela occupe une grande partie de l'ouvrage qui prend fin sur le procès en première instance condamnant le coupable qui finira par être confondu avec ses empreintes génétiques…. enfin ….Mais faisant appel !
On y découvre une justice marchande de tapis, qui après le temps des assises, se réunit en catimini pour évaluer le pretium doloris, autrement dit le prix de la douleur. Comme si la douleur, ou la vie fichue avait un prix….
Et les victimes dans tout cela ? Peu ont eu la force de s'en sortir, d'aller au-delà, de parvenir à construire une vie personnelle et sociale. Beaucoup ont gardé d'énormes séquelles physiques, psychiques, ont vu leur vie intime saccagée.
Le travail de la police a fort heureusement évolué en trente ans. Les conditions de recueil de témoignage se sont humanisées, on fait davantage appel aux femmes pour s'occuper des femmes. La paroles des femmes est davantage écoutée. La notion de viol a elle aussi changé, sa définition est beaucoup plus large, plus en adéquation avec l'étendu de la perversité masculine ; on ne parle plus d'attouchement, ou d'attentat à la pudeur.
Je ne saurais dire si j'ai aimé ou non cet ouvrage. Il m'a intéressée à bien des égards parce qu'il m'a éclairé sur un domaine régalien ô combien capital dans une société civilisée et démocratique.
Mais il m‘a aussi un peu agacée par un aspect catalogue dans l'exposé de cette cinquantaine de crimes. Cela étant, je le comprends. Par respect pour les victimes, l'auteur ne pouvait en exclure certains ou profit d'autres. C'était tout ou rien.
Il n'empêche que le récit est souvent difficile à lire, moralement parlant. Voir le calvaire de toutes ces femmes se succéder des années durant et constater l'impuissance des pouvoirs publics est insoutenable.


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Un livre fort bien documenté qui pointe du doigt les dysfonctionnements de notre société ces 30 dernières années. En effet, un homme a pu violer impunément pendant 30 ans un nombre incalculable de femmes !
Il y a 30 ans, la parole des femmes était souvent remise en question. Elle n'était pas crue lorsqu'elle voulait aller porter plainte pour viol et agression. La communication entre les différents commissariats étaient déficiente. L'analyse de l'ADN n'existait pas et quand il a été mis en place, on ne savait pas trop quoi en faire. Les plaintes et mains courantes disparaissaient. Les juges n'étaient jamais les mêmes. Lorsqu'on lit le livre, on se dit : ce n'est pas possible, à notre époque, de pareils dysfonctionnements ! Et pourtant si...
Maintenant que tout cela est connu, peut-être que la justice pourra mieux faire son travail... #me too est passé par là aussi, la parole des femmes est de plus en plus prise en compte.
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Il y a des livres que l'on sait d'avance destructeur, Sambre en est un. Je ne peux imaginer ce que les victimes de cet homme ont vécu car, elles ont fait l'objet, pour la plupart, d'une double peine. Cette activité insidieuse de banaliser l'être et les faits a empêché l'ensemble de ces femmes de se reconstruire. le jugement, la mise en doute de l'histoire de ces femmes et l'organisation administrative catastrophique a permis à un homme, pendant 30 ans, de vivre ses pulsions en toute impunité. le travail de l'autrice est incisif, restant factuel dans les moments les plus sombres. J'ai lu difficilement cette oeuvre.

Le sujet est pourtant d'actualité et révélateur d'un comportement social qui tend à évoluer, trop lentement. Quant arrivera-t-on à accueillir les victimes de viols/agressions de façon correcte ? Je reste mesurée dans ma notation et ne sais comment juger cet ouvrage. Dois-je évaluer l'enquête ou la narration ? le choix est difficile …

Ce livre doit être lu. Il permet de comprendre qu'écouter mal quelqu'un peut avoir de très grosses répercussions !
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La journaliste effectue là un véritable travail de reconstitution d'un fait divers incroyable, les méfaits d'un agresseur en série. Elle dépeint de manière méthodique l'impéritie administrative (conflits entre gendarmerie et police, succession de jeunes juges d'instruction, pratiques différentes entre Belgique et France,…) qui ont permis à Dino Scala d'agir sans être inquiété pendant toutes ces années. Elle met aussi en valeur les quelques héros du quotidien qui ont permis de l'arrêter. le livre se lit de manière plaisante, comme un thriller du réel.

En revanche la volonté de donner la parole aux « victimes », dans le systématisme qu'elle présente est un peu plombante. Ainsi, l'autrice ne présente jamais qu'un seul aspect des choses (sans doute le plus important bien sûr). Par ailleurs, à la fin elle se présente elle même comme une victime comme si on ne pouvait comprendre les victimes qu'en étant soi même une victime. Elles sont par ailleurs toutes réduites à cette condition, soit elles sombrent, soit elles s'en sortent, mais même dans ce cas, c'est parce qu'elles ont voulu aller au delà. Sans même envisager l'hypothèse que certaines victimes sont passées à autre chose comme une péripétie de la vie qui ne les définit pas forcément…

De même les propos consistant à dire que le droit français est mal fichu en faisant du viol un « bloc » et en ne reconnaissant pas le côté « serial » est tout à fait vrai. Mais comment justifier que l'autrice mette dans le même sac l'intimidation, le « pelotage », la fellation et les viols qualifiés. Pour elle tout est du pareil au même ce qui amoindrit son propos…en voulant absolument réduire les victimes à leur seule condition et en qualifiant les actes de « viol » à tout bout de champ, sans nuances, elle ne rend pas service à la cause en pensant le faire et sort de son rôle de journaliste. On se prend à rêver d'un Philippe Jaenada ou un Grégoire Bouillier s'emparant de cette histoire et ce qui l'en aurait fait…Dommage, car l'idée était bonne.
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Sambre a le don de mettre en lumière les lacunes, les failles et la passivité du système judiciaire. du moins quand ce dernier n'a pas décidé de se mettre en route.
Avis aux âmes sensibles, les faits décrits et dénoncés dans ce récit font froid dans le dos. Qu'ils soient le fait de D.S ou bien les paroles d'autres protagonistes, rien ne vous sera épargné.
A mesure que l'on progresse dans la lecture de ce récit, on se rend vite compte que tout, ou presque, aurait pu être évité. Il apparait aussi que, malgré la répétition des actes et des paroles du monstre qu'est D.S, on ne peut s'habituer aux atrocités décrites. Des images se gravent nécessairement dans notre esprit. L'horreur à forme humaine.
Tout au long du récit, l'auteure nous gratifie de quelques lignes, des groupes de 3-4 phrases au maximum, disséminées entre les chapitres, pour évoquer la vie simple et normale d'un homme presque ordinaire, du moins pour les autres. Elles soulignent à quel point l'ignorance, l'inaction et le refus de croire sont des armes aussi néfastes et destructrices que les actes
eux-mêmes. Elles ajoutent du dégoût à l'horreur ressentie à la lecture de ces histoires de vies bouleversées et bouleversantes.
Ceci n'est pas une fiction.
Bonne lecture.
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