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sur 210 notes
« A la table des hommes » est un conte intemporel qui nous hisse au-delà de la haine tout en nous ancrant dans notre temps bouleversé par une violence dont nous avions cru être protégé, la guerre, le goût de la destruction et le mépris de la vie. Mais ces périodes de chaos n'ont-elles pas exister tout au long de l'histoire de l'humanité ? ne peuvent-elles pas générer une renaissance, être l'occasion de grandir ?

Ce conte revisite la Genèse à partir de la naissance obscure d'un être qui sort par étapes successives de sa condition animale pour atteindre progressivement à la connaissance de lui-même et des autres.
Ses débuts dans l'existence sont douloureux et confus. Il perd suite à un déluge de feu et de destruction deux mères la première animale, une truie et la seconde humaine qui le nourrit de son lait peu de temps victime, elle-aussi des suites de cette catastrophe peut-être atomique.
Une daine l'adoptera, le guidera jusqu'à ce que les hommes, dont il va apprendre alors à se méfier, la tue.
Il vit dans l'instant tous ses sens en alerte et gardera cette capacité à s'extraire du temps.
« Tout ce qui n'advient pas dans l'immédiat, ou presque, est pour lui un jamais. Il vit dans la plénitude du présent au sein d'une rondeur temporelle chaque jour renouvelée, non dans l'étendue indéfinie du temps. »

Il est prénommé Babel, à cause de la confusion de son esprit, par des femmes qui l'accueillent dans un village dont les hommes ont disparu.
A partir de ce moment, différent des autres, lui qui n'est « ni beau, ni laid (mais) particulier, et émouvant avec son regard d'innocent en alarme » va attirer sur lui au fil de ses rencontres compassion, désir de protection mais aussi la haine que peut faire naître son innocence, le désir de le faire souffrir.

Il va franchir, en fuyant pour survivre à la folie meurtrière des hommes, des frontières géographiques mais aussi faire tomber des frontières intérieures qui le maintiennent dans l'obscurité dont il va s'extraire en apprenant à lire et découvrant le pourvoir et la magie des mots. Il deviendra alors Abel : de la confusion qui l'habitait quand lui manquaient les mots, il va parvenir à un souffle, un souffle de vie fragile, beau, précieux dans sa fragilité même, qui lui permettra de se sentir relié aux autres et à l'Autre mais toujours « une mémoire obscure couve en lui qui se réveille au moment propice et lui inspire ce qu'il doit faire... »

Sylvie Germain nous tend par l'intermédiaire de ce livre un fil d'ariane qui peut sembler ténu. En le tirant elle ne nous offre pas de solutions, elle nous dit que la consolation peut venir de la conscience de la beauté fragile et fugace des choses et des êtres qui nous entourent, voués à disparaître. Beauté qu'il faut effleurer, contempler, protéger sans la figer sous peine de la détruire.

Elle nous dit que Babel devenu Abel « n'est plus avide de découvrir davantage le langage des hommes, il lui suffit de faire bon usage des mots qu'il a appris, de préserver autour de chacun d'eux un espace de silence où les faire résonner. Il n'est plus désireux de plaire à ses semblables, d'être accepté par eux, il lui suffit d'avoir été aimé par quelques-uns et d'avoir aimé ceux-là. Il a reçu sa part de fraternité, des destructeurs la lui ont arrachée, mais sous la douleur de ce rapt, il conserve la joie d'avoir un jour reçu cette part d'amour et d'amitié, et cette joie, personne ne pourra la lui retirer. »
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Alors qu'une bombe éclate au-dessus d'un village, seul un porcelet et une femme font partie des rescapés. Commence alors une errance parmi les bois, rythmée par la recherche de nourriture mais aussi de chaleur et d'une présence amicale. L'histoire devient conte lorsque cet animal devient un jeune homme innocent...
De Sylvie Germain je ne connaissais qu'un recueil de nouvelles. L'écriture est toujours aussi plaisante mais j'avoue que l'histoire est déroutante. Dénonçant la haine et la violence des hommes, ce jeune homme nous touche lorsqu'il découvre les mots et leur pouvoir. Autour d'hommes et de femmes qui le prennent sous leurs ailes, cet être dépourvu de colère et de méchanceté semble bien mal armé pour notre monde...
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Un pays sort de la guerre, une guerre fratricide, peut-être celle des Balkans, elle n'est pas nommée. Un enfant sauvage, presqu'un homme, sort des bois. Il est accueilli avec méfiance par les hommes du village. Il ne sait rien. Il ne parle et ne comprend aucune langue. Une corneille pour seule amie, c'est un garçon apeuré qui s'invite à la table des hommes. Il doit tout apprendre d'eux.

Difficile de parler de ce beau roman sans trop dévoiler l'argument, il faut y rentrer comme on rentre en poésie, avec curiosité et sensibilité. L'écriture de Sylvie Germain très charnelle et organique devient visuelle.

Les bois, l'eau, le froid, les animaux de la forêt, le village supplicié, tout est décrit avec une langue forte et belle. Si ce roman était un tableau ce serait : « Chasseurs dans la neige » ou « Jeux d'enfants » de Breughel l'ancien.

Oeuvre singulière, fable philosophique et poétique sur la construction d'un être humain et la reconstruction d'une société humaine après l'effroyable chaos d'une guerre. « A la table des hommes » nous emporte très loin en littérature pour peu que l'on accepte le voyage.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Y a t-il en chaque porc un homme qui sommeille? Il en existe au moins un dans l'imagination de Sylvie Germain, qui nous propose là une fable moderne.
La guerre fait rage dans le pays (que l'on situerait volontiers du côté des Balkans, mais peu importe). Un petit être rose et soyeux a survécu dans les ruines d‘une ferme : il faut une série de circonstances favorables et un lâcher prise de la part du lecteur pour que se mette en place le scénario ce petit porcelet se réveille brutalement dans le corps d'un ado. Nu, sans langage, sans connaissance, seul si l'on excepte l'amitié fidèle d'une corneille.
Tel un enfant sauvage, Babel découvre la compagnie des hommes, leur férocité, leur faiblesse, leur rejet de la différence. Tout en s'efforçant de s'approprier le pouvoir des mots, dits puis lus.
Le danger reste grand pour un être sensible mais naïf, qui ne possède pas les codes sociaux et se pose d'emblée en cible facile pour la bêtise humaine. La fuite est nécessaire. Ailleurs compagnie de marginaux, avec lesquels il pourra lentement développer sa conscience, et son humanité

Babel est une métaphore de l'enfance qui accède au langage, mais à la différence des enfants humains au sein d'une famille, nul n'est là pour lui conter ce qui fut avant qu'il ait conscience de sa propre existence. C'est une tabula rasa, qui n'a guère d'autre choix que de faire face sans filet à ce que l'humanité a de moins glorieux. L'apprentissage est rude, et forge un être unique, insoumis, sans concession. terriblement seul aussi.

Hormis les brutes stupides croisées dans les premiers temps, et qui contribueront par leur violence à construire le futur Babel, les autres personnages qui servent de tuteurs, comme une tige de bambou guide la croissance d'une plante, sortent de l'ordinaire : des jumeaux asociaux, chacun à sa façon, la fille d'un ex-clown qui s'est perdu, un libraire et un droguiste.

Les animaux accompagnent le jeune homme, la corneille bien sûr, mais aussi les pensionnaires d'un zoo, et la nature environnante, elle aussi maltraitée par la folie des hommes.

« La forêt est son royaume, il y flâne des journées entières, parfois il s'y attarde tant qu'il ne rentre qu'à l'aube. Il aime assister au déclin de la lumière dans le ciel qui semble s'arrondir à mesure que le bleu se sature, se violace puis se fonce en noir indigo, et, au même rythme, à la montée des ombres entre les fûts des arbres jusqu'à leurs frondaisons ».

Si la première partie a un réel pouvoir d'attraction, invitant le lecteur à assister à l'éveil de l'adolescent, vierge de toute science, sans haine et sans malice, et empreint d'une volonté d'accéder à la culture, tout ce qui se produit après le départ est plus obscur. Certes les messages sont délivrés mais ne font plus corps avec l'intrigue, l'évolution de Babel qui devient Abel devient abstraite.

Le genre n'est pas nouveau, les ours qui deviennent écrivains, ou les humains qui se transforment en scarabée sont monnaie courante en littérature. Sylvie Germain intellectualise le propos, servi par une écriture superbe.

Il n'en reste pas moins qu'il faut être très disponible et sans doute s'offrir une deuxième lecture, voire plus pour en saisir toute la portée.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Ce nouvel opus de Sylvie Germain démarre d'une façon pour le moins étrange.
On ne sait pas avec précision dans quel pays on se trouve, mais on comprend que la guerre y fait des ravages.
Nous voici dans une porcherie détruite par un incendie brutal et dévastateur.
Ne sont épargnés qu'une jeune femme qui vient de perdre son enfant et un porcelet qu'elle va allaiter. Lorsque cette mère nourricière mourra à son tour, notre petit cochon, après quelques autres péripéties deviendra un jeune garçon aux cheveux presque blancs, à la peau d'un rose laiteux qu'une vieille femme prend sous son aile et prénomme Babel parce que « sa langue est aussi brouillée que les briquetiers de la tour de Babel ».

En revisitant le mythe de l'enfant sauvage, Sylvie Germain nous propose un conte philosophique doux- amer où les relations entre homme et animal sont disséquées à travers la bêtise et la violence des humains mais aussi la difficulté à appréhender le langage et à exprimer sa pensée.

« Avec les humains, tout est toujours compliqué, équivoque, et souvent inquiétant ».

J'ai apprécié une fois de plus l'écriture simple et poétique de l'auteure, mais j'ai regretté que le propos philosophique soit trop présent, au dépend du reste de l'histoire.
Une agréable lecture tout de même.


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J'ai apprécié le roman de la de Sylvie Germain, un agréable moment de lecture. Une guerre civile fait rage, que voit-on sortir du bois ? Un enfant sauvage, nous dirons plutôt presque un jeune homme. Recueilli par des hommes, cet enfant va découvrir qu'ils ont des faiblesses, apprendre qu'ils aiment détruire et qu'ils ont le mépris de la vie. L'enfant sera appelé Abel, entre ces femmes qui n'ont plus d'hommes, ceux-ci sont partis à la guerre, elles vont lui apprendre le langage ; tout doucement il va apprendre à vivre et surtout…….réapprendre à faire confiance aux hommes qui n'ont pas toujours été agréables avec lui. Des idées noires vont se révéler à un moment de sa vie. Il saura ce qu'il devra faire.
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Un conte philosophique comme une belle parenthèse entre deux romans noirs .

Mais de la noirceur, on en trouve également beaucoup dans cet ouvrage .

Noire, la guerre qui ravage la campagne où nait Babel, 

Noirs , les charniers laissés par les soldats, 

Noire , la trace de sang rouge lorsque les chasseurs traquent le gibier,

Noires, la haine et la bêtise des gamins du village où est recueilli l'enfant sauvage,

Noire , l'intolérance aveugle qui caractérise notre époque .

Seulement , comme une note d'espoir , il y a aussi de la lumière :

celle de la jeune mère qui a perdu son enfant et donne son lait au petit être arraché à sa famille 

celle des animaux qui de leur chaleur et de leur présence réconfortent le petit ,

celle des belles personnes qui vont croiser le chemin de Babel et l'emmener plus haut et plus loin dans la connaissance jusqu'à ce que Abel a appris lui suffise pour supporter le poids du reste de sa vie.

Et puis la corneille Doudi, mémoire vivante du monde dont il est issu et qui le suit comme une ombre bienfaisante .


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« Le ciel au-dessus de lui [est] déchiré par des traînées de feu stridentes, la terre autour de lui [...] ébranlée par des déflagrations, empuantie par des gaz. »
Pays ravagé par la guerre, où l'on a perdu toute trace des hommes de 15 à 65 ans, même après la fin du conflit.
Période indéterminée, lieu indéfini... Pas grave, ces imprécisions, on sait bien que l'Histoire de l'humanité se répète : « le problème n'est pas que le monde ne tourne pas rond [...], il ne l'a jamais fait et ne le fera jamais, mais plutôt qu'il s'acharne, précisément, à tourner en rond, en vrille folle sur lui-même, toupie ventrue gavée de sang et de fureur, ivre de ses propres cris et vrombissements, siècles après siècles, continûment. »

Personnages principaux : un porcelet, une corneille. Et surtout, un jeune garçon sorti de nulle part (pas tout à fait, pour le lecteur). Ceux qui l'ont trouvé l'ont surnommé Babel. Il lui manque « sa mère, son nom, sa langue maternelle, son pays, toute son enfance. »
« Il est né au seuil de l'adolescence, nu de corps, de mémoire et d'esprit, et il s'en accommode. »
Il est fasciné par la nature, la forêt, les animaux et, dans le monde des humains, par la langue et les mots : « Plus il avance dans le territoire des mots, plus celui-ci s'évase, s'accroît, il s'accidente, se creuse ou s'élève. Il y a des moments où Babel oscille entre angoisse et vertige devant cette immensité qui lui semble en écho à l'infinité de l'univers - en expansion continuelle. »

Je recopie beaucoup d'extraits, parce que la richesse de ce livre est dans les mots, dans la plume de l'auteur, si juste et si belle (mais sans maniérisme).
Les thématiques abordées sont intéressantes, certes, mais la plupart peuvent paraître galvaudées : maternité charnelle, famille, langue, guerre, nature, arrogance et sentiment de supériorité de l'humain (lui le plus cruel, le plus indigne de tous les animaux*)... Tout est dans l'art de Sylvie Germain pour exprimer ces idées. J'apprécie particulièrement la pertinence de ses propos sur la violence humaine, sur la langue.

Entre « fabuleux et réalisme le plus contemporain » (quatrième de couverture), ce roman m'a longtemps rebutée. J'ai souvent oscillé entre ennui (lyrisme, nature) et coup de coeur. Grâce à tous les passages sublimes que j'ai relevés, mon impression globale reste très positive et je conseille cet ouvrage « fabuleux » (dans tous les sens du terme).

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* « [...] les animaux et les humains, quelle que soit leur parenté, ne peuvent pas être confondus et tomber sous les mêmes jugements ; les premiers vivent en paix avec leur finitude, en droite conformité à leurs instincts, en plein accord avec le monde, ils vivent la vie en plénitude ; les seconds, taraudés par l'idée d'infini, sont en lutte avec leur finitude, en conflit constant avec leurs instincts qui n'en prennent pas moins le dessus la plupart du temps, en violent désaccord avec le monde, ils vivent la vie par à-coups plus ou moins réussis. »
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J'ai bien aimé ce conte, tantôt planté dans l'imaginaire, tantôt planté dans le réel. J'ai bien aimé aussi ne pas saisir l'époque et parfois la toucher du doigt. Tout est tangible et intangible à la fois. Ce basculement du rêve à la réalité est une petite danse constante. J'ai aimé l'histoire de cet enfant sauvage, né d'une union incroyable, qui se construit au contact des hommes, avide de comprendre et de partager mais sans renier son attachement à la terre.



J'ai apprécié les descriptions de la nature, des animaux, les sons, les odeurs. On sent la grande passion de son auteure pour la flore et la faune. On se glisserait facilement dans la peau de l'animal pour ressentir ses besoins et ses liens avec son environnement. Tout y est admirablement retranscrit, précis ; l'écriture est poétique, travaillée et pourtant facile.



Sylvie Germain s'invite à la table des hommes et le constat est accablant. Les digressions de l'auteure sur les drames du quotidien dont les hommes parsèment leur chemin, sont listés, précis, parfois trop précis et pointent des faits d'actualité récente et nous sortent alors du contexte de la fable. Les hommes n'ont pas le beau rôle ici et leurs méfaits envers eux-mêmes, la nature et les animaux sont redoutables et nombreux. Mais malgré leurs défauts, l'auteure arrive quand même à saluer l'amour et la fraternité qu'ils arrivent parfois à partager.



Décidément j'aime le regard que Sylvie Germain pose sur les Hommes. A chaque roman que je parcours, je suis toujours éblouie de son analyse et de la précision quasi-chirurgicale qu'elle utilise dans le choix de ses mots pour poser décor et personnages.



Albel semble né de la forêt. Il ne sait rien, ne dit rien. Il hume le vent, cueille des baies et des racines, observe la nature et comprend les animaux. Sa seule compagne est une corneille.
Puis, Abel est recueilli par une vieille femme dans un village dévasté par la guerre. Petit à petit, il apprendra des hommes... il apprendra aussi à rire et à pleurer.


Lien : http://mespetitesboites.net
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Belle idée que celle du conte d'un petit cochon métamorphosé en jeune adolescent vierge de tout.
de l'animal vivant en symbiose avec ses congénères et les éléments naturels au choc de la confrontation avec la violence des hommes et du lent et difficile accès à l'état d'humain.
L'occasion de dénoncer les guerres, toutes les guerres, les religions sources de conflits meurtriers, la haine, la férocité entretenue.
L'animal, sans passé ni futur vit la minute présente, assouvit sa faim et la soif.
L'homme détruit le passé dans lequel il ne se reconnaît pas et endeuille le futur de sa violence, de son absence d'humanité.
Un excellent roman, comme tous ceux de Sylvie Germain.
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