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Critique de Fabinou7


“Bon pour Paludes.” Cette phrase devrait toujours nous faire sourire, et le club des lecteurs de Paludes peut en user à la manière d'un code, pour toute occasion où la vie donne matière à l'écriture.

“Non ! pas cela ! pas cela ! Recommençons. Je déchirai.” La sotie du jeune André, parue en 1895, entraine le lecteur dans les coulisses de la fabrication du roman. Rien d'étonnant à ce que les amoureux de l'artisanat littéraire s'y retrouvent, à l'image de Stéphane Mallarmé, Roland Barthes ou Nathalie Sarraute car Gide s'adresse à son milieu littéraire. Il dépeint avec ironie la société des gens de lettres, le va et vient entre la banalité du réel et l'écriture, dans un rapport d'inspiration réciproque, mais aussi de travestissement de la réalité pour le lucre de l'Art, de la phrase et de l'émotion.

“Il faut porter jusqu'à la fin toutes les idées qu'on soulève ” : un principe, une tyrannie que s'impose le jeune narrateur, mis n'est-ce pas une conduite inatteignable ? 



“Ne pourrons-nous jamais poser rien hors du temps – que nous ne soyons pas obligés de refaire.” Exécrant l'habitude, le jeune narrateur, bourgeois bohème avant le terme, insatisfait chronique, n'y tient plus, il faut voyager, ne vivre rien que d'inédit, il faut risquer quelque chose. En essayant de tourmenter la jeune et tempérée Angèle, le narrateur de Gide annonce la vocation littéraire de l'auteur : inquiéter les consciences.


L'inquiétude est d'abord une angoisse à l'idée de s'extraire d'une confortable coquille d'illusions avec toute l'incertitude quant au succès de cette entreprise morale, on peut aussi se demander à quoi bon et à quel prix inquiéter ? Quoiqu'il en soit, les bouffées aphrodisiaques et jouissives à peine étouffées du narrateur éclateront, que dis-je déborderont deux ans plus tard, dans les Nourritures Terrestres.

Gide qualifiera, dans une série d'entretiens, de “comique” et “saugrenu” cette comédie de jeunesse qui, si elle en partage la finesse n'atteint pas la drôlerie d'un ouvrage comme Les Caves du Vatican, écrit dans la maturité du Prix Nobel de Littérature. Mais déjà le style, la construction, le clin d'oeil au lecteur, sont tout à fait singuliers, l'humour, l'amoralisme embryonnaire, et le charme pastoral en font un objet littéraire aussi rare que divertissant.

Qu'en pensez-vous… et pour paraphraser le narrateur “ne me dites pas que je devrais mettre cela dans Paludes. – D'abord ça y est déjà” !
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