Encore une fois, voici un livre largement plébiscité par de (très) nombreux lecteurs enthousiastes, qui n'a pourtant pas réussi à me plaire… C'était pour moi une première découverte de cette autrice qui s'est désormais fait un nom dans le monde du polar/thriller (même
Pierre Lemaître parle d'elle dans son «
Dictionnaire amoureux du polar », à côté d'impardonnables oublis, comme il dit lui-même), mais pour l'anecdote : j'ai plusieurs de ses livres dans ma PAL, quelques autres dans ma wish-list… et finalement c'est celui-ci, qui n'était ni dans l'une ni dans l'autre, , que j'ai lu. En effet, sur un coup de tête, je l'ai emprunté auprès de Lirtuel, la bibliothèque belge francophone virtuelle et gratuite, le jour où je l'ai découvert dans le catalogue alors que je cherchais autre chose – je ne sais même plus quoi !
Mon principal reproche, si je puis dire, c'est que ce livre est incroyablement long, et l'autrice aurait pu (aurait dû ?) le réduire d'au moins une centaine de pages sans rien enlever ni à l'intrigue (de toute façon, quand on y pense, il ne se passe pas grand-chose, dans ce livre…) ni à la tension qu'elle essaie d'instiller, et qui marche jusqu'à un certain point, qui semble avoir marché avec tant et tant de lecteurs, tandis que moi ça m'a tout simplement lassée ! Voyons pourquoi.
Ce livre nous raconte l'histoire d'une bande malfrats : Raphaël, le beau gosse issu des quartiers, ayant grandi sans père, devenu braqueur « à l'ancienne », se lance dans un énième casse, dans une bijouterie de luxe, cette fois avec son petit frère William à qui il tient plus que tout, et deux quasi-inconnus qui lui ont été plus ou moins recommandés. Sauf que l'affaire tourne mal : une passante et un flic sont grièvement blessés, de même que William, si bien que nos quatre malfrats n'ont d'autre choix que de fuir au plus loin, tout en cherchant comment sauver Will avant qu'il ne soit trop tard, et sans passer par l'impossible case « hôpital ». Coup de chance (ou pas) : en arrivant dans un village isolé, ils parviennent à contraindre (armes à l'appui) une jeune vétérinaire à les héberger chez elle et à soigner Will, ce qu'elle va faire, sans jamais tout à fait accepter sa nouvelle condition de victime dans sa propre maison, et va les prier à plus d'une reprise de partir avant qu'il ne soit trop tard… Mais bien sûr, Raphaël lui rit au nez, lui qui ne sait pas encore…
C'est là qu'arrive un énorme retournement de situation, et je me bénis (si, si !) de ne pas avoir lu, pour une fois !!, les commentaires à l'avance, car un nombre incroyable d'entre eux sont spoilants sur ce point, ce qui est éminemment dommage ! car, vraiment, même si ledit twist est magistralement amené, je ne m'y attendais pas du tout.
Pour le reste, à partir de là, on n'est plus tellement au niveau du purgatoire, mais bien davantage dans un « Enfer des innocents (ou pas) » ; à vrai dire, ce livre aurait même pu s'intituler « Petit manuel pratique à l'usage des tortionnaires psychopathes pervers et de préférence pédophiles ». On entre dans un huis-clos barbare, abominable, où l'autrice nous sert une surenchère de détails plus sordides et écoeurants les uns que les autres.
Alors, certes, ce n'est jamais agréable à lire, mais ceux qui me suivent le savent : je suis lectrice de thrillers, et celui-ci n'est, a priori, pas pire qu'un autre. Concrètement, et je préviens d'avance, je vais comparer avec d'autres lectures qui ont, quant à elles, réellement rempli leur job : les scènes décrites ici sont extrêmement noires, mais elles ne parviennent pas tout à fait à remuer les tripes : on n'atteint pas le frisson insoutenable qu'avaient provoqué certaines scènes de «
Brasier noir » de
Greg Iles, par exemple (mais bon, le KKK n'a de toute façon pas besoin du manuel mis ici à disposition par
Karine Giébel). Dans le même temps, on touche du doigt mais sans y arriver tout à fait, l'innommable que représente un détraqué sans doute inspiré par le tristement célèbre Marc Dutroux et son épouse, comparse sous emprise mais pourtant jugée responsable de ses actes. Sur ce point de la séquestration de jeunes filles, d'ailleurs, en bien moins de pages mais avec une maîtrise autrement impressionnante, je recommanderais le très bon (et pourtant très glauque) «
La cave aux poupées » de
Magali Collet.
Qu'est-ce qui a donc manqué, qu'est-ce qu'il aurait fallu de plus… ou de moins, pour que ce livre marche pour moi aussi ? D'abord, comme indiqué plus haut, l'autrice montre bien les choses, dans un réalisme assez froid, détaché, qui dessert sans doute un peu son propos – je préfère la suggestion, ou l'attachement à l'un ou l'autre personnage qui permet alors une identification, aussi improbable qu'elle soit. Hélas, ici, on se prend certes d'affection pour Raphaël (et son frère), mais on a trop vu que c'est un malfrat plein de regrets, mais aussi plein de violence et ce fameux « code d'honneur » qu'on admire bien un peu mais auquel on ne peut tout à fait adhérer, de telle sorte que cette affection reste limitée, on se rappelle trop souvent qui il est, ce qui nous empêche de prendre fait et cause pour lui à 100% ! Idem pour la jeune Jessica : je n'ai pas réussi à ressentir sa terreur, toute l'horreur de ce qu'elle vit, peut-être parce qu'elle réagit avec une trop grande « sagesse » et une force intérieure que je peine à imaginer chez une si jeune fille issue d'un milieu plutôt privilégié, et qui n'avait la veille encore d'autre souci que réussir (ou pas) une interro de maths… C'est écrit de manière hyperréaliste, mais le fond n'est pas plausible, dès lors l'incohérence devient gênante: là aussi, on ne parvient pas à s'attacher à la jeune fille, ce qui aurait pourtant pu sauver les meubles.
Ajoutons à ça que le décor de ce qui est quand même un fameux huis-clos, manque singulièrement de détails « géographiques ». On sait que ça se passe dans une annexe à la grande maison de la vétérinaire et de son mari, on sait que ladite maison est isolée, on sait qu'il y a plusieurs chambres à l'étage… mais de façon générale, la description des lieux, qui ont un rôle si important à jouer dans l'ensemble, est plus que sommaire. Dès lors, il est assez difficile de réellement saisir le contexte ; il n'aurait pourtant pas fallu de longues descriptions, juste quelques mots plus précis sur ces lieux (tant qu'à écrire des pages et des pages !), ou pourquoi pas un plan, un schéma ?
Et justement, en parlant de ces pages : les premières scènes de torture (car il s'agit vraiment de ça, à répétition) font frémir ; quand elles se répètent c'est pire encore car il y a un certain crescendo, puis tout à coup une relâche, et un espoir constant aussi, notamment à travers le personnage assez central de Sandra – si vous voulez savoir qui c'est, même pas besoin de lire le livre, il suffit de lire certains commentaires qui sont, comme je disais plus haut, ultra-divulgâchants !
Et c'est là que ce texte, qui pourrait paraître maîtrisé, montre à quel point il ne l'est pas, justement. En effet, dans un texte maîtrisé, l'autrice aurait su quand il était temps de passer à autre chose ; ici, elle s'est complètement fourvoyée, ces scènes immondes (et une longue lecture du Marquis de
Sade!) ne cessent plus de se répéter, au point de perdre toute crédibilité, tout en donnant ce sentiment que, décidément, nos protagonistes sont des super-héros, pour supporter tout ça ! Ainsi, même si la lente évolution de Sandra continue d'alimenter un très vague espoir, on a envie qu'il se passe quelque chose « pour de bon », que cette surenchère superflue dans la barbarie s'arrête, puisque ça semble quand même ne mener à rien : à quoi bon ?
Pour le dire encore autrement : ce qui aurait pu être insupportable, insoutenable au point de retourner le coeur du lecteur (ou, plus précisément : de la lectrice que je suis) comme parviennent à le faire les bons thrillers qui nous hantent ensuite un moment, mais avec le sentiment d'avoir lu un « bon livre » aussi terrible qu'il soit, dans le cas présent, c'est tout simplement devenu répétitif, inutile, lassant… et j'ai été à deux doigts d'abandonner ma lecture, alors qu'il me restait à peine une centaine de pages !
J'avoue : c'est là que j'ai décroché, et été lire quelques pages des derniers chapitres du livre, en espérant en finir au plus vite (vous le savez: je n'aime pas abandonner un livre, même si je m'y ennuie terriblement!). Tout n'était pas hyper-clair pour moi à ce moment-là, mais j'ai tout à coup vu qu'il y aurait quand même une issue, ouf ! Et donc, il ne me restait plus qu'une centaine de pages, après 500 qui n'en finissaient plus de me lasser : j'ai risqué malgré tout, et j'ai repris là où je m'étais arrêtée, puisque enfin « ça allait bouger ». Et en effet, les choses s'accélèrent brusquement (mais trop tard), avec juste ce qu'il faut encore de contrecoups pour que le lecteur trépigne, mais désormais c'est parce que l'espoir a pu renaître… un espoir mêlé d'une horreur qui prend enfin une vraie mesure humaine, et j'ai dû aller chercher un (énorme) paquet de mouchoirs, car tout à coup, enfin !!!, l'autrice avait réussi à me toucher… après 500 pages !?
Rassurez-vous (ou pas) : on entrevoit brièvement à un happy end, sans réussir à y croire tout à fait cependant, car notre espoir est trop fragile, il a été trop malmené… et en réalité, sans vouloir spoiler, je peux vous dire que la fin-fin est tout simplement déchirante ! (ce qui est un point positif, puisque enfin on est réellement touché!)
En conclusion, je suis désormais très dubitative quant à ma capacité d'apprécier les quelques (autres) livres de cette autrice que j'ai dans ma PAL. La seule chose qui me console, finalement, c'est que j'ai trouvé, même parmi les quelques (rares) commentaires négatifs à ce livre, quelques fans de l'autrice, qui soutiennent qu'ils n'arrêteront pas de la suivre malgré le ratage qu'est ce livre. Me risquerai-je à leur faire confiance, et à lire un jour un autre de ces livres ? Peut-être après tout… mais pas demain !