J'ai été déçue au fur et à mesure de la lecture de ce roman autobiographique.
Cette déception n'est pas seulement liée aux différentes bifurcations que prend la vie de l'auteur dans sa quête d'identité sexuelle, mais surtout par la manière dont cette recherche est racontée.
Commenter  J’apprécie         50
Je viens tout juste de finir ce livre.
Je suis mitigée quant à mon opinion sur ce dernier. J'ai apprécié la lecture, parce que l'intersexualité est un sujet qui m'intéresse ; en revanche je l'ai trouvé relativement redondant.
Pour justifier cela, je trouve qu'il y a un peu trop de revirements de situation. Evidemment, il s'agit d'un roman autobiographique alors on ne peut pas en vouloir à l'auteur. Cependant, je pense que si l'auteur s'était abstenu de certains détails, cela aurait donné de la légèreté au livre.
Je conseille aux personnes qui s'intéressent à ce sujet de le lire car la lecture est facile par la plume agréable de l'auteur et par son histoire tout de même très poignante.
Commenter  J’apprécie         10
Une préface très documentée, avec une approche scientifique, qui permet de s'ouvrir aux différences et mieux comprendre le témoignage qui suit.
Un livre boulversant.
Commenter  J’apprécie         00
Plus tard, j'apprendrai ce qui s'est exactement passé ce jour là, à l'hôpital. Je saurai que le professeur qui m'a examiné en a déduit que je suis né avec un micropénis, des testicules non descendus, un scrotum ouvert avec des lèvres, et peut-être un début de vagin... Sans tissus ovariens et bien sûr sans utérus, incompatible avec la présence des testicules. Je saurai également que les médicaments que l'on m'a contraint à avaler chaque jour étaient en fait des extraits thyroïdiens et de la téstostérone, chargés de développer mes attributs masculins. J'en déduirai que mon père avait du voir dans la salle de bains un sexe de garçon anormalement petit. Plus tard, j'aurai la certitude que je suis né ni fille ni garçon, intersexué, et que mon père a décidé de faire de moi un homme.
Lorsque nous sommes rentrés à la maison, cet après-midi là, ma mère m'a serrée dans ses bras en me demandant si j'allais bien. Je me suis mise à pleurer, sans savoir pourquoi. Le lendemain de mon rendez-vous à l'hôpital, je commence à prendre de nouveaux médicaments qui selon mes parents me permettront de rester en bonne santé. Les jours suivants, je me mets à observer les autres, à me comparer, à regarder comment ils sont faits pour pouvoir m'évaluer. Les paroles du professeur ne cessent de résonner dans ma tête : "Il y a quelque chose de bizarre chez ce garçon." Mais je ne suis pas un garçon, je ne me sens pas garçon, c'est fait comment, un garçon ?
Et puis, il y a mon père, partout, encore et encore, jusque sur la porte de ma chambre. "Tu seras un homme, mon fils". Sacré Kipling, maudit Kipling... Il aurait mieux fait de rester couché le jour où il a écrit ce poème. Parce que, maintenant, mon père en a fait sa maxime préférée. Elle trône comme une épée de Damoclès, punaisée au dos de la porte de ma chambre. Et chaque fois que je franchis le seuil, je tombe nez à nez avec ce tract, ce leitmotiv qui vient me rappeler un idéal de vie comminatoire. Je pourrais me rebeller, prendre la décision de l'enlever et le jeter au feu... Pourtant, je n'y parviens pas. Cette injonction entre dans mon cerveau à grands coups de burin. Elle fait partie de moi.
Il me faut être un "mâle", coûte que coûte.
Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que mon père a vu dans la salle de bains?
A dix ans, je ne sais pas encore à quoi ressemblent un garçon et une fille à cet endroit là. Bizarrement, ce sont des questions que je ne me pose pas. La colère de mon père me paralyse et les larmes de ma mère me font de la peine.
Alors je reste là, accrochée à elle, dans la cuisine.
Ma mère revient vers nous et dit : "lundi, je prends rendez-vous à l'hôpital et je m'occupe de lui". Je ne comprends toujours pas. Je ne suis pourtant pas malade.
Un nouvel échelon est gravi dans l'omniprésence paternelle et, à l'aube de ma rentrée en classe de cinquième, un réel changement s'opère. D'abord, j'ai pris l'habitude du rythme que m'impose mon père et me suis fait des copains au collège. Et puis, il se passe des choses à l'intérieur de moi. J'ai l'impression de devenir insensible. Tout glisse, comme si je me foutais de tout. Je fais ce que l'on m'ordonne, comme un automate. En moi gronde une sorte de turbulence.