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Citations sur Manosque des Plateaux - Poème de l'olive (14)

A propos de l'olive...

On a des moulins à l'électricité. ce qui me fait plaisir c'est qu'une fois ça marche, l'autre fois ça ne marche pas; l'huile a le goût du pétrole, sans compter que toutes ces inventions, ça finit par jeter le sort sur les meilleures choses.
Avant, du temps des beaux moulins, du temps de la cueillette, c'état de l'huile, croyez moi.
Et, mars venu, avec sa pluie folle et ses vents fous qui vous retroussent et vous gèlent le dessous des robes, quand la ménagère se sentait une bonne envie de colline et qu'elle ne pouvait pas sortir, elle allait au placard, elle trempait son petit doigt dans la burette, elle se mettait, comme ça, une goutte d'huile sur la langue, et voilà qu'elle était tout soudain si lourde d'arbres, de genévriers et d'odeur de terre que ça l'obligeait à s'asseoir.
"ah, soupirait-elle, pour que ça réjouisse tant le cœur il a bien fallu que ce soit fait avec le cœur."
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Là se prend le grand lavage qui fait désormais partie de ma vie. Du thym, des lavandettes, de la sauge, de l'herbe dure, de courts genets, une autre herbe plus charnue et le vent. N'est-ce pas, durant l'hiver, on s'est imbibé d'air saumâtre, on a mis le nez sous les couvertures, on a tisonné l'âtre, bu de la pluie par les narines et lu des petits livres. Il faut bien un jour et une nuit à nager dans les herbes. Puis au matin du deuxième jour, on ouvre l'oeil : on est propre.
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Vous êtes fait de meurtre quotidien, vous êtes comme des roches aux angles en épines ; vous avez déchiré la peau des bêtes, abattu les arbres, écrasé les herbes, mais tout ça est dans vous et vous ne pourrez plus vous reposer de votre inquiétude parce que vous n’avez jamais donné d’amour. Respirez-le votre or ; a-t-il le parfum du thym matinal ? Entassez-le votre or, vous êtes comme des enfants qui comptent des rondelles de soleil dans l’ombre des platanes et puis, un coup de vent efface leur richesse ; entassez-le et, soudain, vous laisserez tomber vos bras fatigués et vous rêverez à ces grands plateaux couleur de violettes où l’autre Manosque est bâti et où vous n’irez jamais.
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Au printemps, un amandier solitaire s'éclaire soudain d'un feu blanc, puis s'éteint. Du haut du ciel, le vent plonge; la flèche de ses mains jointes, fend les nuages. D'un coup de talon, il écrase les arbres et il remonte. Parfois, un aigle roux descend des Alpes, mais l'air des plaines proches ne le porte plus; il nage à grands coups d'aile et il crie comme un oiseau naufragé.
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La patate, il y avait tous les goûts de la terre dedans, des goûts du fond du diable, comme on dit ; ça fondait au chaud de la langue comme un beurre. C’est bête ce que je vais te dire, mais ça avait un goût d’ombre, de terre fraiche et d’air.
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L'odeur du thym fume jusqu'à la lune. un beau nuage s'est envasé dans un bras mort du vent; il ne peut plus arracher sa proue de l'azur immobile et à bout de forces, il ondule lentement de la poupe.
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Manosque des plateaux

Ce beau sein rond est une colline; sa vieille terre ne porte que des vergers sombres. Au printemps, un amandier solitaire s'éclaire soudain d'un feu blanc, puis s'éteint. Du haut du ciel, le vent plonge; la flèche de ses mains jointes fend les nuages. D'un coup de talon, il écrase les arbres et il remonte. Parfois, un aigle roux descend des Alpes, mais l'air des plaines proches ne le porte plus; il nage à grands coups d'aile et il crie comme un oiseau naufragé.
Si on quitte le chemin, il y a des olivaies envahies par les roses. C'est comme une peau de bélier qu'on a jetée sur les arbres. C'est épais et ça saigne. On a chaud là-dessous d'une lourde chaleur de laine; l'herbe sue. Pour sortir de cette ombre, il faut s'écorcher les mains. Un mois après, on trouve une rose séchée dans sa poche.
De grands talus se chauffent au midi, fleuris de serpents immobiles. Les lézards sont épais comme le bras. Ils dorment au soleil puis sautent, happent, et mâchent longuement des abeilles à goût de miel. Ils en pleurent des larmes d'or qui grésillent sur la pierre brûlante. La lagremuse est toute grise, avec des pattes comme un fil, une queue qui semble une ombre; mais elle a un coeur énorme, un coeur déchaîné dans elle comme un orage et elle en est là, palpitante. Un mariage de gros frelons assomme les scabieuses de son vol aveugle. Les sauterelles se déclenchent et passent tout éperdues dans un saut puis elles ouvrent leurs ailes rouges. Une caravane de fourmis, large comme une route d'homme, coule sous les feuilles. Une procession de chenilles adore lentement un pin dans ses spirales. Une maison aux murs en coque de noix, bombés et ocre, craque doucement, écrasée sous sa charge de tuiles, de poutres et de soleil. L'ombre transparente des oliviers tient dans sa toile d'araignée la sieste d'une toute petite fille. Elle dort dans l'herbe chaude. Elle a remonté toutes ses robettes et, sans ouvrir les yeux, elle gratte à pleine griffe son ventre sucé par les mouches. Un chevreau lutte avec une guêpe. L'odeur du thym fume jusqu'à la lune. Un beau nuage s'est envasé dans un bras mort du vent; il ne peut plus arracher sa proue de l'azur immobile et, à bout de forces, il ondule lentement de la poupe.
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CE BEAU SEIN ROND
EST UNE COLLINE

Je ne pourrai jamais retrouver le vrai visage de ma terre : cet oeil pur des enfants, je ne l'ai plus.
Quand j'étais petit, je jouais, puis j'avais faim. Ma mère taillait alors une plate tartine de pain, elle la saupoudrait de sel, elle l'arrosait d'huile par un large 8 de la burette penchée ; elle me disait : "mange." Ce sel, il me suffisait de humer le vent odysséen ; il était là avec l'odeur de la mer ; ce pain, cette huile, les voilà tout autour dans ces champs de blé vert dessous les oliviers. Ainsi, s'est aiguisée de longue habitude l'ardente faim de mon coeur.
Jamais assez de ce pain...
Jamais assez de ce sel, de cette huile, ma mère.
Avec mes joies, avec mes peines, j'ai mâché des quignons de ma terre ; et maintenant, la ligne où se fait le juste départ, la ligne au-delà de laquelle je cesse d'être moi pour devenir houle ondulée des collines, la ligne est cachée sous les frondaisons de mes veines et de mes artères, dans les branchages de mes muscles, dans l'herbe de mon sang, dans ce grand sang vert qui bout sous la toison des olivaies et sous le poil de ma poitrine.
Ce beau sein rond est une colline ; sa vieille terre ne porte que des vergers sombres.
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Il y avait une allée d'ormes. Ils étaient là depuis qui sait combien ? Des troncs humains avec des cals et des blessures, une chevelure de mousse au fond de l'eau, des mouvements de haute mer. La vague de feuilles commençait là-haut vers le Soubeyran, elle coulait d'arbre en arbre en soulevant une écume d'oiseaux. Par là-dessous cet antre frais, le promeneur rompait son pas ; Il poussait devant lui un poids toujours plus lourd de douceurs et de chants, puis il devenait lui-même immobile ; il écoutait, il s'imbibait de haute vie et de santé verte...

   On a coupé l'allée d'ormeaux au ras du sol. Chaque fois qu'un grand tronc tombait, tout le dessous de la ville gémissait et frissonnait...

   C’est ce soir là que je rentrais des collines sans savoir. Je rencontre Pétrus Amintié. Il me bouge à peine un bonjour, il me dit à voix basse :

   - Je suis dégoûté de la vie.

   Je réfléchissais, je pensais : " Comment, dégoûté ? " Pétrus ? Pas possible ! Et cette grande provision de rêve ? Où est-elle passée ? Il en était un grenier plein.

   Et puis, au détour de la rue, j'ai vu tous mes arbres par terre.

   Ah ! voilà une chose qui vous vide. C'est encore plus cruel que le ver pour l'amande. Le ver, au moins, y met du temps à ronger ; elle a le temps de s'habituer. Mais, là, tout d'un coup, se sentir debout sur la terre avec seulement de la viande et des os ! N'avoir plus qu'un cœur de viande, vous pesez bien tout le cruel de ça pour ceux qui sont seuls avec les grandes choses de la terre. Ah, mes pauvres amis, Pétrus et vous, tous ceux qui êtes d'Aubette - entendons-nous, même si vous habitez par là-bas loin - la voilà tarie d'un seul coup la source de vos rêves ; je sais que nous en ferons d'autres ; je sais  qu'au fond de nous, nous sommes toujours ombragés par cette belle allée d'ormeaux. Mais, ce jour-là, d'un seul coup, on a mangé l'amande et il faudra encore beaucoup de sang et beaucoup de souffrances pour en cailler une nouvelle...

   Coupez les ormes, faites des douanes pour fouiller les charrettes de foin, timbrez d'un timbre sec toutes les feuilles esclaves de vos légumes de marchés, allumez dans les abattoirs des brasiers de sang, vous êtes trop petits. Voyez, peints en bleus sur le pourtour de l'horizon, ces troupeaux immenses de collines...

   En vérité, en vérité...

   Vous êtes fait de meurtre quotidien, vous êtes comme des roches aux angles en épines ; vous avez déchiré la peau des bêtes, abattu des arbres, écrasé les herbes, mais tout ça est dans vous et vous ne pourrez plus vous reposer de votre inquiétude parce que vous n'avez jamais donné d'amour. Respirez-le votre or ; a-t-il le parfum du thym matinal ? Entassez-le votre or ; vous êtes comme des enfants qui comptent les rondelles de soleil dans l'ombre des platanes et puis, un coup de vent efface leur richesse ; entassez-le et, soudain, vous laisserez tomber vos bras fatigués et vous rêverez à ces grands plateaux couleur de violettes ou l'autre Manosque est bâti et où vous n'irez jamais...
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Poème de l'olive
Ce temps des olives ! je ne connais rien de plus épique.
De la branche d'acier gris jusqu'à la jarre d'argile, l'olive coule entre cent mains, dévale avec des bonds de torrents, entasse sa lourde eau noire dans les greniers, et les vieilles poutres gémissent sous son poids de nuit.
Sur le bord de ce grand fleuve de fruits qui ruissellent dans le village, tout nôtre monde assemblé chante...
Ça c'est le temps de la cueillette, le temps où l'on trait l'arbre comme on ferait pour traire une chèvre, là, mains à poignées sur la branche, le pouce en l'air, et puis cette pression descendante.
Mais au lieu de lait c'est l'olive qui coule...
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