C'est le dernier album de Blueberry et jamais la série n'aura été aussi progressiste, que ce soit par l'omniprésence des femmes ou le regard nouveau porté sur les Apaches...
Mais, on a été prévenu par le « Démon rouge », personnage anachronique qui reflète plus notre contemporanéité que le mythe de l'Ouest, il y aura du sang.
Toutefois, rien n'est gratuit dans le scénario. Chaque personnage a un background suffisamment fouillé pour donner un sens à la violence qu'il emploie, quoique souvent illégitime.
Il est d'ailleurs amusant de voir comment Campbell réagit lorsqu'il tue un homme... Comme pour mieux nous rappeler l'horreur et l'immoralité de ces crimes.
Si le rythme n'est pas aussi effréné qu'à l'époque de
Jean-Michel Charlier, avec des moments de désillusion, de sidération. Il y a aussi des sursauts, des rebondissements.
On sent que Giraud a travaillé son scénario, pour que tous les bouts se rejoignent, mais aussi pour nous attendrir et nous surprendre. Personnellement, je ne me suis pas du tout ennuyé.
D'ailleurs, j'ai été stupéfait par les derniers souvenirs que Blueberry, dit Tsi-Na-Pah (« nez cassé »), nous donne de son récit avec Geronimo.
Bien sûr, c'est une fiction. Mais j'apprécie la réflexion portée par Giraud, sur l'éducation des Amérindiens, punis pour garder leur culture, pour parler la langue de leurs ancêtres. J'admire aussi le rôle pondérateur, nuancé, de la maîtresse d'école, mue par des valeurs universelles et bienfaitrices...
Et je ne peux qu'applaudir qu'en Giraud fait le parallèle entre l'ethnocide des Amérindiens et la « mission civilisatrice », celle portée par
Jules Ferry en France et dans ses colonies, idéologie teintée de nationalisme, de racisme et de xénophobie. Pas si lointain...
Quelle BD aura fait un chemin aussi approfondi, engagé, autant dans sa recherche d'esthétisme, que dans une volonté de dire des choses sur le mythe de l'Ouest, d'en tirer des leçons sur notre lecture du passé, parfois biaisée, et pour notre présent ?
A l'heure où les idées fascistes et rétrogrades gagnent du terrain en Occident et que les bourreaux se font parfois passer pour des victimes...
...La justesse du propos de cette BD est malheureusement d'une grande rareté.