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C'est par des chemins de traverse, ces sentiers buissonniers que devait apprécier Elisée, que Thomas Giraud évoque l'enfance d'Elisée Reclus et les cailloux de rencontre qui ont jalonné ses choix. L'imposante et tortueuse figure du père, Jacques, pasteur calviniste aux discours profus, pour qui l'existence est toute concentrée dans l'impérieuse nécessité de prier, se place en point d'opposition et de contraste avec ce fils qui "déplace les pierres" alors que Zéline, la mère aux méthodes pédagogiques novatrices, chuchote les mots qui déjà rendent compte d'un monde autre.
A la suite d'Elisée - ou plutôt en sa compagnie et stimulée par le regard que lui offrent les mots de Thomas Giraud - j'ai marché de Neuwied à Sainte-Foy-la-Grande, les yeux grands ouverts sur ce que voyait le marcheur du XIXème siècle, sur ce qui a façonné sa pensée, nature, ruisseaux, villes, enfants au travail, ouvriers en grève, ruisseaux, pierres, mouvements-ruisseaux et pierres.
Thomas Giraud se place loin de la biographie romancée ou documentaire et nous offre un roman fascinant, presque hypnotique, qui nous invite à mettre nos pas dans ceux de cet homme en devenir, cet homme qui nous devient familier tout en restant in-connu. Plus qu'un fil de vie ce sont les linéaments d'une pensée que dessine subtilement ce roman atypique, à l'écriture qui passe de la mouvance fluide du ruisseau au chaos rocailleux de la montagne.
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« On connaît plus précisément la terre sur laquelle on a dormi, ses odeurs, son grain. Ces endroits de sieste lui donnent une connaissance détaillée, en fin de compte, de milliers de lieux-dits, d'arbres égarés, de rus entre deux champs ».

Thomas Giraud a choisi, dans ce premier livre, de se pencher sur le géographe Elisée Reclus, et plus particulièrement sur ses années de jeunesse. de la personne d'Elisée Reclus, il retiendra : qu'il dû s'arracher à l'emprise de son père qui avait décidé pour lui d'un destin de pasteur, qu'il portait un grand amour à sa mère, la douce Zeline, institutrice, qu'il eut de nombreux frères et soeurs. Son frère aîné, Elie, fut une figure tutélaire qui lui ouvrit la voie vers la libération. Elisée aimait marcher et refusait de manger de la viande. Il eut ce grand projet, qui demeura inachevé, de faire une représentation du monde à une échelle qui soit presque celle de la réalité. Ce qui montre qu'il est impossible de coller de trop près à la vérité, ou plutôt que la vérité ne se trouve pas dans un décalque du monde, sans part de création, ou d'imagination.

Suivant ce que son personnage lui enseigne, Thomas Giraud n'a pas fait oeuvre biographique. Seules quelques indications de temps et de lieu sont données au lecteur, l'écrivain préférant opter pour un point de vue intimiste, une tentative de cerner le personnage par quelques détails signifiants et une compréhension « de l'intérieur ». Il adopte ainsi la démarche de l'apprenti géographe : une prédilection pour le détail, une absence de hiérarchie, une pensée ouverte. de petits faits font l'homme plus que la grande histoire, de petites pensées également, que Thomas Giraud nous fait partager sous l'appellation de « bout de pensée » qui ponctuent le récit. Elisée Reclus fut un être libre, un être d'étonnement. On le suit dans son long voyage à pied, de Sainte Foy à Neuwied, en Allemagne, dans ses années d'apprentissage, puis dans ses pérégrinations à sa sortie de l'école, alors qu'il a définitivement rejeté la profession de pasteur et qu'il quitte le collège avec pour tout bagage des carottes, des oignons et des pommes de terre. Marcher, écrire, on le pressent à la lecture du livre, seront les deux occupations essentielles de sa vie.

« Bout de pensée : demain je pars. Respirer, respirer, respirer, enfin »

Thomas Giraud scrute son personnage par le prisme de l'imaginaire et de la sensibilité, avec un instinct sûr, pour le faire exister par l'écriture. Il a su dégager ce qui fondait la conscience et la liberté de l'homme en devenir, le sens d'une vie. Premier livre d'une grande maturité, porté par une langue dense et parfois proche de la prose poétique.

Le lecteur pourra prendre connaissance, avec intérêt et plaisir, de quelques traces du travail de Thomas Giraud sur le site Remue.net qui a accueilli des pages du journal d'écriture d'Elisée.


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Portrait sensible d'Élisée Reclus (1830-1905), de sa jeunesse et de ses années de formation.
(...)
Ce beau texte donnera à ceux qui s'intéressent à la pensée de cet auteur, quelques clés de compréhension à travers ses années de formation.


Article complet sur le blog.
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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"Je veux l'ombre des arbres et pas celle de mon père."

Ode à la rêverie buissonnière, à la contemplation paresseuse, à l'égarement des pensées, "Elisée avant les ruisseaux et les montages" est un roman aussi léger que profond, où l'on découvre sous la finesse et la subtilité des mots, comme l'humus riche et puissant sous les feuilles des chemins forestiers, les strates d'un récit où sourdent à la fois les principes réjouissants d'une philosophie de la nature, un plaidoyer écologique en forme de roman initiatique et, pour parler comme un philosophe hédoniste contemporain, l'éloge, à travers la trajectoire d'un enfant, d'une sagesse sans morale.

En 130 pages, d'une écriture vive, tendue, maîtrisée de bout en bout, où l'on sent toute la tendresse que l'auteur porte au personnage d'Elisée Reclus, Thomas Giraud nous offre un premier roman d'une grande virtuosité. A travers la jeunesse imaginée du géographe libertaire et anarchiste, l'auteur réussit à peindre l'enfance comme d'autres les paysages. Elisée, face à Jacques le père. Jacques, ce sont les Alpes, "cette grande architecture, leur raideur accidentée et leur sourd mouvement". "Des montagnes, presque des murs." Incontournable ? Infranchissable, le père ? Elisée, avec Zéline, sa mère. Zéline, c'est "l'horizon de l'autre rive", "quelques vallons très doux", "le frôlement des mots qu'on chuchote". Classicisme des contrastes. C'est dans cette géographie familiale que grandit Elisée, entouré d'une opulente fratrie de douze frères et soeurs.

C'est aussi dans ce climat, entre la froideur du glacier paternel (est-il caricatural d'estimer qu'un pasteur calviniste fait rarement preuve d'une chaleur excessive ?) et la douceur maternelle des eaux de la Dordogne, que naît et s'installe la contradiction. le début d'un effondrement. le deuil d'une évidence. Car "Elisée avant les ruisseaux et les montages" est aussi, et peut-être avant tout, le roman d'une colère rentrée, la genèse d'une rébellion. Et là excelle l'auteur : dans cet art hasardeux et délicat d'imaginer dans leur complexe simplicité les pensées d'un enfant de 11 ans qui sent grandir en lui l'appel presque physiologique des mouvements de la nature, bien plus que celui de la foi et du flambeau à reprendre. le roman est ainsi ponctué de ces "bouts de pensées" qui sont autant de ruminements enfantins que les prémices de la déconstruction d'une route déjà tracée.

"Bout de pensée : Jusqu'à quand devrais-je lui obéir ?"
"Bout de pensée : Il voit de la paresse là où il ne sait pas regarder. Quelle différence fait-il entre fainéant et paresseux ?"
"Bout de pensée : Je voudrais passer ma vie à transporter les pierres dorées et à ne plus avoir à exécuter les ordres de mon père."

Il est temps pour Elisée de chiffonner le paysage de son avenir figé. Délaissant les études qui devaient le mettre dans les pas de son pasteur de père, il décide de suivre les lignes sinueuses des ruisseaux argentés, les ondes mystérieuses des collines et le murmure des pierres.

Thomas Giraud, dans un texte où les mots sont choisis et pesés avec un soin d'orfèvre, habillant le récit d'un voile poétique d'une grande élégance, nous invite à suivre son héros, mais aussi, peut-être, à trouver dans les mouvements de la nature, bien plus que dans les pesanteurs poussiéreuses et doctrinales des principes d'une religion moribonde, une spiritualité en harmonie avec le monde.
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L'enfance imaginée d'un géographe libertaire hors du commun.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2016/09/28/note-de-lecture-elisee-avant-les-ruisseaux-et-les-montagnes-thomas-giraud/

Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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J'ai pris le temps de lire Élisée avant les ruisseaux et les montagnes, de le lire doucement, de laisser s'installer ses phrases, sa voix, sa pensée, de m'imprégner de la quiétude et de la sérénité insufflées par ce livre beau et paisible. Il y a de ces écritures qui en une phrase vous saisissent, et d'autres qu'il faut laisser se déployer, qu'il faut peut-être écouter plus que certaines, des écritures qui respirent calmement. Celle de Thomas Giraud s'installe avec retenue, mot après mot, pas après pas. Dans ceux d'Élisée, on progresse doucement. Il faut écouter, prêter attention aux détails, aux motifs, aux répétitions, à leurs variations.
Critique complète sur mon blog.
Lien : https://lesfeuillesvolantes...
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Quelle idée lumineuse de faire revivre pour quelque 130 pages la jeunesse d'Élisée RECLUS. RECLUS est connu pour ses travaux de géographe, ses convictions et son militantisme anarchiste, végétarien et naturaliste. Mais ces idéaux, ces convictions, il lui a bien fallu les rencontrer, s'en faire siens, s'emparer des sujets. C'est ce que ce petit bouquin sorti en 2016 chez nos chères et tendres Éditions de la Contre Allée tente d'expliciter. Et le résultat est là.

Né en Gironde en 1830, mésentente cordiale avec le père pasteur, Jacques RECLUS (Jacques est par ailleurs le vrai prénom d'Élisée), adepte de longs sermons, d'interminables monologues moralistes. Élisée est élevé dans un protestantisme dur, strict, dans une famille très nombreuse : quatorze enfants parmi lesquels Élie, qui va beaucoup influencer le petit Élisée. Élie est parti à Neuwied en Prusse, son frère le rejoint alors qu'il n'a que 12 ans. Il y restera deux ans, chez les luthériens.

Retour en France, en famille, avec des bribes de convictions à développer et explorer. Car Élisée est curieux de tout. Il semble prêt. « Prêt pour quoi, en fait ? Rétrospectivement, on peut seulement dire qu'Élisée se prépare à la suite même si l'on sait que la suite c'est géographe (et anarchiste, et végétarien, et naturiste). Si chaque chose entreprise prépare ce qu'il va devenir, il se construit sans méthode. Ce défaut, cette absence de méthode plutôt puisque parler de défaut serait évoquer quelque chose qui manque et qui aurait dû être, le définit assez bien ».

Il se proclame adepte de Jean-Jacques ROUSSEAU et trouve son inspiration dans la marche, les longues marches solitaires durant lesquelles il médite et assis les fondements de ses théories à venir. Mais pas que, car c'est un prétexte idéal pour étudier Dame Nature. En même temps qu'il perd définitivement la foi transmise par son père (mais l'a-t-il eu un jour, cette foi ?), il harangue, échange afin que chacun arrête de manger de la viande, dans un esprit de liberté animale et de respect de la nature (c'est Élisée qui parle) : « On ne peut pas vivre avec humanité et manger des animaux. Les manger, c'est d'abord les tuer, lâchement, après avoir organisé soigneusement leur vie pour en faire une petite vie. Je ne veux que regarder les animaux. Apprendre en les observant ».

Il aiguise son militantisme, qui deviendra libertaire, anti-autoritaire. Élisée RECLUS est un être assez fascinant qui a été de tous les combats, un humaniste révolutionnaire, érudit, intelligent, touchant. Lire le parcours de ses premières années de vie, c'est aussi apprendre à le connaître plus intimement, balbutiant les thèmes qui finiront par lui être chers. Il peut à ce titre être défini comme l'un des pères de l'écologie.

La langue de Thomas GIRAUD est très belle, intimiste, parfaitement adaptée à ce genre d'écrits, c'est un réel plaisir de se plonger dans cette biographie romancée, vivre aux côtés de la famille RECLUS qui, comme chaque famille, possède ses contradictions, qui amèneront d'ailleurs en partie Élisée à devenir ce qu'il est devenu. Bien entendu on en redemande (Thomas GIRAUD a récemment écrit la biographie d'un musicien maudit des 60's, Jackson C. FRANK, chroniquée quelque part dans nos lignes), le format semble parfaitement convenir à l'auteur, qui par ailleurs paraît avoir une tendresse toute particulière pour le biographé RECLUS. Et, imitant un graffiti quelque part visible sur un rideau de fer, ne nous gênons pas pour proclamer « ÉLISEZ LES RECLUS » !
https://deslivresrances.blogspot.fr/

Lien : https://deslivresrances.blog..
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Ecriture agréable, douce, mélodieuse, fluide. Je ne sais pas exactement ce qui relève de la biographie ou du roman mais j'ai trouvé l'histoire simple et juste.
Thomas Giraud décrit parfaitement le poids du père tout comme l'amour d'Elisée pour la nature, les détails et le vivant.
Un petit roman à dévorer!
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Un court roman récit sur l'enfance, la vie d'Elisée Reclus. Tout commence à Saint Foy la Grande (Gironde) où l'enfant Elisée Reclus aime déambuler sur les chemins et dans les forêts. L'auteur va nous parler alors de sa famille et en particulier du rôle de son père, pasteur calviniste et ses perpétuels prêches mais aussi Zéline sa mère, qui est très novatrice dans les méthodes éducatives. Puis le jeune Elisée va rejoindre son frère à Neuwied pour recevoir une éducation religieuse, mais il va préférer quitter cet établissement. Puis il va rejoindre à pied Saint Foy et l'auteur va alors nous parler des ruisseaux et des montagnes longés ou traversés. Un texte avec une belle écriture et qui est bonne introduction pour continuer la découverte de la vie et l'oeuvre d'Elisée Reclus.
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Thomas Giraud fait, dans ce premier roman, un portrait d'Élisée Reclus dont j'ignorais totalement l'existence avant de lire cet ouvrage. Élisée Reclus est un géographe de la seconde moitié du XIXème siècle et l'auteur de deux récits géographiques et poétiques à la fois 𝘏𝘪𝘴𝘵𝘰𝘪𝘳𝘦 𝘥'𝘶𝘯 𝘳𝘶𝘪𝘴𝘴𝘦𝘢𝘶 (1869) et 𝘏𝘪𝘴𝘵𝘰𝘪𝘳𝘦 𝘥'𝘶𝘯𝘦 𝘮𝘰𝘯𝘵𝘢𝘨𝘯𝘦 (1880). Thomas Giraud nous raconte la vie de cet homme atypique pour son époque : géographe, anarchiste, végétarien, naturiste et écrivain.

Le texte de Thomas Giraud est comme l'homme qu'il décrit, atypique et libéré des contraintes biographiques. Il est constitué de « bouts de pensée », d'épisodes de l'enfance et de l'adolescence, de déambulations dans la nature, d'observations. Il évoque les relations d'Élisée avec ses parents : tendresse et confiance du côté maternel, dirigisme et conflit du côté paternel. Il parle aussi des débuts dans l'écriture de ce promeneur solitaire, écologiste avant l'heure.

Voici un passage qui évoque justement les balbutiements dans l'écriture : « il s'entraîne, il regarde s'il est capable, de quoi il est capable exactement.(…) Il s'acharne, gratte, enjolive, tourne dans sa bouche, fait trotter les phrases des heures dans sa tête avant de les allonger. Il fait de la poésie tout le temps. Il voudrait faire de la littérature, de la géographie, écrire pour les hommes. (…) Là, pour le moment, c'est net, c'est précis, mais c'est ennuyeux à mourir. Ça ne vit pas. L'eau qu'il décrit stagne, les arbres n'affolent rien, les montagnes écrasent. (…) Il lui manque de la lenteur, du temps perdu, de l'espace entre les mots.»

Une belle découverte aux éditions de la contre allée. J'ai retrouvé la jolie plume de Thomas Giraud découverte dans 𝑨𝒗𝒆𝒄 𝑩𝒂𝒔 𝑱𝒂𝒏 𝑨𝒅𝒆𝒓, une autre personnalité originale.
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