Les romans du terroir nous installent souvent dans la vie de familles provinciales, au gré des générations qui se succèdent, avec leurs lots de joies et de peines, de conflits de succession sur fonds de rigueur de la vie ouvrière ou paysanne. Une rigueur qui s'inscrit dans les mentalités et étouffe bien souvent les sentiments au profit des questions d'intérêt.
Retour à Belle Etoile Gérard Glatt n'échappe pas à la règle, même s'il fait la part belle aux sentiments. Car Jules et Cécile se vouent un amour sincère et sans tache, le gendre est en bon terme avec sa belle-mère, l'affaire familiale est prospère et ne suscite guère de jalousie. Alors quelle intrigue ?
La guerre. La seconde de ce vingtième siècle. Elle vient noircir un tableau qui aurait pu prendre une tournure idyllique. Elle plane au dessus des têtes. On ne veut pas y croire, on sort à peine de la première. Mais avec ce fou d'Hitler, elle finit bien par déferler sur le pays. Elle commence par une lueur d'espoir avec cette période que les historiens se sont plus à baptiser la drôle de guerre. Après, elle n'a plus été drôle du tout. Comme toutes les guerres. Inutile de ressasser la litanie des malheurs qu'elle a déversés sur le pays et bien au–delà. Jules est fait prisonnier. L'absence se prolonge. Son plus cher ami, le Guilh, n'a pas eu la même chance si l'on peut dire, il n'en reviendra pas. Jules quant à lui parviendra à s'évader, mais il faudra encore vivre dans l'incertitude et la crainte du lendemain.
Là où le savoir écrire de
Gérard Glatt trouve son intérêt c'est dans la description des sentiments qui animent les personnages de cette histoire, tout au long du crescendo dramatique des événements. Les adieux bouleversants de ceux qui, abasourdis, dans leur impuissance à endiguer l'inéluctable, le rouleau compresseur de l'histoire, en veulent aux puissants qui organisent tout ça. Ils se résignent quand même et vivent alors dans la crainte de la mauvaise nouvelle.
Et puis, il y a le plus terrible. La suspicion qui s'installe. La méfiance entre concitoyens, parfois entre voisins, ou pire encore au sein même des familles. Entre ceux qui ont pris le parti de la France de Vichy et les autres, séduits par cet inconnu, ce renégat, qui les appelle à la rébellion depuis Londres. Les jalousies et les rancoeurs trouvent leur exutoire.
Gérard Glatt dresse une bonne caricature de ce climat pernicieux. Cette peur qui barbouille le paysage et se rajoute à l'anxiété de l'attente de nouvelles de ceux qui manquent au coeur, des bras qui manquent à la terre.
La paix retrouvée, il faut renouer avec la prospérité. L'horizon pourrait s'éclaircir. Mais le destin est retors et n'a pas dit son dernier mot. La succession entrevue est compromise.
Les événements qui émaillent cet ouvrage sont amenés avec la soudaineté qu'ils ont souvent dans la vie. Point de futilité dans cet ouvrage, mais une sensibilité réaliste, sans mièvrerie. Point de subterfuge de construction propre à faire monter artificiellement la tension. Que du vrai dans l'introspection des sentiments, avec la pudeur et la rudesse des gens de la terre. Avec leur silence lourd de signification.
J'ai bien aimé cette écriture franche qui s'accorde avec la spontanéité des personnages. Un bon moment de lecture, sans grande portée philosophique mais au style agréable.