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EAN : 9782070393619
624 pages
Gallimard (06/09/1995)
4.05/5   19 notes
Résumé :
Les quatre morts du vieil homme Longoué, les fiertés de Rochebrune, la folie de Marie Celat, les résurrections de Stepan Stepanovitch, les Mémoires de guerre de Rigobert Massoul, les prédestinations d'Artémise et de Marie-Annie, et combien d'autres épisodes, avec une multitude de personnages, - les trois Anestor, le dieu du commerce et de l'invention, sans compter ces bêtes prédestinées : le cochon fou et la vache consacrée de Monsieur Lomé, le coq sauvage et le mat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
"J'appelle Tout-monde notre univers tel qu'il change et perdure en échangeant et, en même temps, la "vision" que nous en avons." Voilà la définition donnée par l'auteur lui-même qui va mêler ici roman et essai. A travers différents personnages - et ils sont nombreux- Edouard Glissant va faire apparaître une réflexion philosophique sur l'humanité. Cette vision est d'ailleurs celle qui est sous-jacente dans bon nombre de ses ouvrages. Pour cet écrivain, il fallait trouver un système afin de sauver les peuples, les sauver face à la mondialisation. Il avait inventé ainsi "la mondialité", néologisme impliquant une histoire des peuples, une communication entre ceux-ci. Il réfute le ghetto identitaire qui enferme ainsi les populations et sont la source de conflits. Il prône le métissage, seul salut pour la paix.

Je ne cache pas que si l'idée est louable, le roman reste un peu complexe. D'abord parce qu'il y a, je le disais, pléthore de personnages qui se rencontrent. Ensuite parce que la philosophie vient étroitement s'imbriquer dans la fiction. Ceci dit, je crois qu'il est quand même important (et c'est assez rare lorsque je dis ça) de buter légèrement sur ce roman, de réfléchir, afin d'en comprendre toute la teneur, tout le sel.

Je laisse la parole à l'un des personnages : "Le Tout-monde, c'est le monde que vous avez tourné dans votre pensée pendant qu'il vous tourne dans son roulis". A méditer !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Publié en 1993, et donc contemporain de Texaco de Patrick Chamoiseau, Tout-monde se place comme l'un des romans essentiels de la créolité littéraire. Edouard Glissant, à travers ses mots et ses expressions, ses images et sa syntaxe, y consacre l'oralité écrite : il ne s'agit plus de transformer la parole en un écrit susceptible d'être lu, mais de rendre pleinement et sans trahison la parole dite. Evidemment, cet héritage de la tradition littéraire orale antillaise déroute ; elle perd parfois le lecteur en des digressions qui sont importantes pour l'auteur-parleur, elle ouvre des horizons inattendus.

Le centre du roman, le poteau-mitan comme dit Glissant, c'est cette notion de tout-monde. Qu'est-ce que le tout-monde ? C'est le monde tel qu'on le connaît, qui vit et tourbillonne sans arrêt et qui pourtant use des mêmes recettes. le tout-monde, c'est l'ensemble des pays et des hommes et des femmes, des terres marquées par les passages de génération d'homme et de femmes, et tous ces gens et tous ces paysages communiquent entre eux à travers le temps et à travers l'espace.

Le roman suit, de loin en loin, l'itinéraire de Mathieu Béluse, parleur et poète, et de Raphaël Targin, qui fut étudiant et soldat, qui parcourt le monde à la recherche du tout-monde quand Béluse le raconte et l'explore à travers la parole. Pourtant, on perd souvent la trace de ces deux Martiniquais. L'auteur multiplie les personnages – imaginés à partir de personnes réelles que Glissant a connu, et lui-même apparaît comme personnage dans son propre roman – et les histoires, sues par les on-dit et par les témoignages dignes de foi. On découvre ainsi l'histoire d'Anestor, qui fut amoureux de deux femmes – l'une Antillaise, l'autre Africaine – et se plaisait, sous un troisième nom, à fréquenter les femmes et les hommes des quartiers arabes de Paris. On surveille l'itinéraire deux femmes aux noms mêlés, Artémise Marie-Annie qui dérivent sur les routes de l'île tout en chantant des paroles insensées. On se souvient de la guerre d'Indochine et de celle d'Algérie avec Rigobert Massoul, alias Soussoul, et on tremble avec le pharmacien antillais qui, lors de la débâcle française de 1940, doit son salut et son Ausweiss à la formidable expérience martiniquaise d'un général allemand. On suit les felouques sur le Nil au rythme des temples égyptiens où se lisent les lieux-communs qui disent tant de notre humanité, on rit des expressions scabreusement imagées des gamins cireurs de chaussure de Lomé. On s'étonne des blessures multiples de Stepan Stepanovitch, Roumain ou Russe qui survécut alors qu'il n'aurait pas eu, à la Seconde Guerreondiale, et qui électrise et hypnotise ses auditoires estudiantins à Paris. On accompagne dans son agonie, quatre fois agonie, le vieux Longoué, quimboiseur et qui prédit à Mathieu Béluse sa vie de voyage qui se terminera par une blessure, après laquelle court Béluse toute sa vie avant de la connaître, de façon décevante, lors du cambriolage de sa maison par des vagabonds. On est impressionné par la fierté d'un métis, fils de béké, qui se fait appeler Rochebrune, qui Rocamarron en Colombie, et dont les descendants, après des pérégrinations multiples et amériques, reviennent enfin en Martinique.

Il y a enfin l'histoire de cette île, partagée dans ce 20ème siècle entre le souvenir de l'histoire esclavagiste et sucrière et l'ouverture au grand monde, qui se fait dans la lumière des vitrines et les gaz d'échappement des voitures. La Martinique change, comme le monde, et en même temps elle ne change pas car les gens ont toujours la même aspiration.

Comme lorsqu'on entend un discours, on pense ne pas avoir tout compris des richesses de mot lorsque l'on ferme Tout-monde. Les idées sont là, les histoires et les personnages vivotent dans l'esprit et ont eu le temps de dessiner cette universalité d'hommes qui fait notre monde aujourd'hui. Et pourtant, en relisant un passage, on découvre d'autres hasards, d'autres horizons nouveaux, et on voudrait relire, de bout en bout, les errances de Mathieu Béluse et de Thaël, on voudrait revoir la fierté et la beauté de Marie Celat et l'horreur de Valérie. Tout-monde, c'est la chronique poétique de notre monde contemporain à travers le prisme minuscule et formidablement éclatant d'une île, la Martinique, qui toujours attire et enivre.
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Peut-être le plus sensationnel "roman total" de la créolité littéraire.

Publié en 1995, six ans après le manifeste littéraire et politique "Eloge de la créolité" dont il n'était pas partie prenante, ce roman du Martiniquais Edouard Glissant est sans doute toutefois la plus spectaculaire "mise en écriture" des intentions exposées par ses confrères Chamoiseau et Confiant.

Acceptant au fond, dans les faits, que l'englobante "créolité" puisse succèder à "l'antillanité" qu'il avait prônée (surtout pour échapper au piège de la "négritude"), Edouard Glissant plonge son impressionnante panoplie de protagonistes dans le tourbillon de ce roman total dont les héros antillais traversent les époques et les lieux, convoquant à loisr les éléments de mémoire nécessaires dans une fresque échevelée où l'arrière-pays gênois n'a pas moins d'importance que les rivages martiniquais.

Une lecture à la fois jouissive et fondamentale.

« Comment engouffrer tout un pays dans une cale, en une seule nuit ?... Tout un pays, sauf un corps fantôme que vous repoussez. Valérie Valérie.
C'était blême dans cette cale, avec un goût de chose grise qui suffoquait ! Thaël emplit soigneusement la cale pour étouffer le goût. Il l'emplit de tout ce qui avait été connu de lui et de tout ce qui le serait, du matin et du soir, de hier et de demain, de la couleur de l'eau et de la couleur enfouie des fours à charbon. de tous ceux qui avaient entassé leurs corps dans la miséricorde passée ou qui les délaceraient dans la fatalité à venir. Et Thaël pressentait, il en avait des crispements amers, que Mathieu Béluse raconterait leurs histoires, dans ces livres sans retenue ; mais il ne supposait pas que Mathieu ne serait pas le seul à ainsi risquer le trouble et l'obscur du monde dans les bonheurs et les malheurs de ce lieu-ci qu'il quittait à cette heure. Il ne savait pas que nous sommes combien à fouiller dans cette roche. Tous ceux qui avaient donc poussé le cri et le pousseraient encore dans cet avenir plus connu que tous les passés troubles, il les fit descendre dans cet abîme.
Dlan Médellus Silacier, vagabondant après un djob.
Monsieur Pérelle qui, sans un mot qui se forme dans sa tête, commençait d'étrangler sa femme.
Epiphane, huit ans, fils des rhasiés, les yeux blancs de maladie, qui avait retrouvé sans le savoir la trace de l'enfant Gani.
Cet enfant Gani lui-même, comme un tronc consacré, un assistant d'un dieu méconnu, dont personne ne voudrait croire qu'il avait réellement vécu.
Artémise râlant sous les corps de ses clients, - et Marie-Annie au contraire, plus raide qu'une plaque à manioc.
Longoué qui distribuait les destinées sans pouvoir accorder à qui que ce soit sa croyance.
Le vieux Laroche qui n'en finissait pas de moquer Senglis, son voisin et ennemi. Ces békés sont insondables.
Anne Béluse sous les trois ébéniers, glacé dans cette pluie, qui regardait couler l'eau de pluie rouge hors de la gorge ébréchée, ou peut-être de la poitrine, de Liberté Longoué. Et vous ne savez plus où se trouvent ces ébéniers, ni si ce sont.
Et ces géreurs fous, Maho qui avait marronné comme un nègre des bois, et Garin qui avait cherché partout pourquoi il s'entêtait tellement à rentrer l'arrogance de ces mêmes nègres-là dans leurs gueules grandes ouvertes.
Ces trois-là, sans un nom, qui tombaient sous toutes sortes de balles de gendarmes à toutes sortes de grèves dans les champs de canne ou de banane, et qui toujours se relevaient. »
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10 ans après sa mort, je découvre un roman-poème-conte tourbillonnant d'Édouard Glissant. Roman de voyage où l'on suit les périples de nombreux personnages-rhizomes aux quatre coins du monde, rassemblés par la voix d'un auteur, poète, conteur, narrateur, figure du Tout-monde; poème foisonnant où la langue française, de sa rencontre avec le créole, se met à chanter et vibrer populairement; conte enfin, des origines et des fins, des temps jadis et du contemporain, où les mythes remontent dans le présent, sous la forme de traces, de lignes mouvantes et soufflantes, forces poétisantes du monde.
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Lecture agréable qui m'a sorti de ma zone de confort littéraire. le jeu avec la langue est admirable, on sent le poète derrière beaucoup de tournures. Il y a un humour aussi, distillé de ci de là, qui m'a par moment franchement fait sourire.
Le ton est parfois léger mais n'empêche pas d'aborder certains concepts, et là on sent l'essayiste, sans nécessairement nommer ces concepts, comme le colorisme, ou ses critiques à la négritude de Senghor, trop essentialisante et figée à son goût, lui qui préfère l'indéterminé et le fluide.
La structure narrative m'a parfois perdu (la fameuse zone de confort dont j'ai été sorti), mais je soupçonne que c'est intentionnel. Tel le Tout-Monde, foisonnant, toujours changeant, dont le perpétuel mouvement nous échappe, le fil du roman est parfois insaisissable et nous promène dans le temps et l'espace, et l'on n'est pas certain qu'un personnage ne se soit pas trouvé parfois en deux lieux et deux temps distincts "au même moment".
Si les questions de racisme et de préjugé sont abordées de manière intéressante, j'émets un gros bémol pour ce qui se dit des femmes et la manière dont c'est dit. On pouvait s'attendre à plus d'empathie de l'auteur pour ses personnages féminins, qui auraient pu être plus riches.

A lire, ne serait-ce que pour la langue. Si vous êtes de métropole, vous allez découvrir que vous ne maîtrisez pas aussi bien que vous ne l'imaginez la langue française. Une langue est de toute façon trop riche pour être jamais "maîtrisée". Mais là est la leçon, précisément.
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critiques presse (1)
Liberation
05 avril 2018
En dépit d’un léger voyeurisme sur la vie privée de l’écrivain martiniquais mort en 2011, la biographie de François Noudelmann a l’avantage de faire revivre sa pensée.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
J'appelle Tout-monde notre univers tel qu'il change et perdure en échangeant et, en même temps, la "vision" que nous en avons. La totalité-monde dans sa diversité physique et dans les représentations qu'elle nous inspire : que nous ne saurions plus chanter, dire ni travailler à souffrance à partir de notre seul lieu, sans plonger à l'imaginaire de cette totalité. Les poètes l'ont de tout temps pressenti. Mais ils furent maudits, ceux d'Occident, de n'avoir pas en leur temps consenti à l'exclusive du lieu, quand c'était la seule forme requise. Maudits aussi, parce qu'ils sentaient bien que leur rêve du monde en préfigurait ou accompagnait la Conquête. La conjonction des histoires des peuples propose aux poètes d'aujourd'hui une façon nouvelle. La mondialité, si elle se vérifie dans les oppressions et les exploitations des faibles par les puissants, se devine aussi et se vit par les poétiques, loin de toute généralisation.
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On avait commencé, ici aux Antilles, par moquer les fils, ceux qui étaient nés là-bas en France (les sociologues disaient : ceux de la deuxième génération), on racontait à leur propos des histoires de calimordants (leur manière à eux de nommer les crabes et de pérorer le français quand ils revenaient au pays et qu’ils étaient débarqués de ces Boeing 747 où on vous traitait presque comme un bétail ou une cargaison), plus tard on les appela des Négropolitains, ils en revendiquèrent parfois l’appellation, et la question se posa donc, à quoi nul ne porte réponse, de ce qu’ils sont en vérité.
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Il y en a beaucoup, le sel de la Diversité, qui ont traversé les premiers, ils ont dépassé les limites et les frontières, ils mélangent les langages, ils déménagent les langues, ils transbahutent, ils tombent dans la folie du monde, on les traque du knout de l'identique, on les fouaille de la cravache de l'exclusif, on les refoule et les exclut de la puissance du Territoire mais écoutez, ils sont la terre elle-même qui jamais ne sera territoire, ils vont au devant de nous, leurs souffrances nous ouvrent des espaces nouveaux, ils sont les prophètes de la Relation, ils vivent ce tourbillon ils voient, loin devant, ce point fixe qu'il faudra dépasser une fois encore.
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C'est vrai, il y a les hauts où l'herbe l'eau la branche se mélangent sans pas un espace pour faufiler une lumière et il y a les bas où la plante la boue sont séparées net par ses chemins en talus où vous trottinez, comme si vous avez distingué avec votre corps le rouge d'avec le vert d'avec le jaune qui tremble dans le soleil. Tout un tourbillon de verdure qui soudain non pas soudain mais à douceur précipite dans la clarté d'en bas. Comme si vous descendez de Basse-Terre en Grande-Terre, ou de la Tracée dans la plaine du Lamentin.
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La terre est un Chaos. Le Chaos n’a ni haut ni bas, et le Chaos est beau.
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Vidéo de Edouard Glissant
#EdouardGlissant #créolisation #CulturePrime
Avec son idée de la créolisation, le poète et philosophe Edouard Glissant en appelle à un "Tout-Monde" visionnaire, où nos identités dynamiques et ouvertes sont une clé pour penser notre futur. Réinterprétée, réappropriée aujourd'hui par divers courants de pensées, l'idée de créolisation théorisée par Edouard Glissant plonge ses racines - ses rhizomes - dans son expérience singulière des Antilles et de la langue créole.
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