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Jacques Berque (Autre)
EAN : 9782070322404
185 pages
Gallimard (03/06/1983)
4.15/5   20 notes
Résumé :


Edouard Glissant
Que lire après Le sel noirVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Je tourne autour d'Edouard Glissant depuis déjà de longues années, pressentant la difficulté. Je n'avais pas tort, j'avoue avoir séché.
Travaillant la syntaxe tout comme il travaillerait la terre, celle de Martinique et non celle de l'Hexagone, Glissant donne une autre forme à l'écrit, une forme personnelle, révoltée, poétique bien sûr et imprégnée de la nature qui l'entoure: la mer, les mornes, la végétation luxuriante, tout comme le passé d'esclavage, de soumission et de révolte du peuple à travers l'histoire.
Le texte est totalement dans toute cette matière organique vivante qui l'entoure et qu'il a en lui.
Je n'ai pu que lire et laisser les mots entrer en moi en essayant de me laisser aller à la musique de ces phrases déconstruites, mais je suis restée en surface malheureusement. Sans doute m'aurait-il fallu un guide.
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«  Je retrouverai une santé de fruits en flammes » , puisque « la poésie est chair », alors le tout- monde s'ouvre et s'épanouit. Il éveille la vie. Une Revenue. Renaître. Rarement poésie n'aura été aussi intensément , de tout son être, de terre, de ciel, de fleuve, de feu, d'air. « Je brasse la fougère des vagues », « les étoiles envahissent les écluses », regarde. Ouvre ton regard , regarde «  ta peau retournée est un labour rouge. Vivante » . Pulsations. La plage est «  battue d'aurores », tu te tiens devant le monde, le monde est en toi, ce monde est chant, cri, poésie , « l' homme , ce lumineux désir de chant ». Écume, éclair, le sel . Noir. Salines océanes, esprit des sables.
« Nous crions au sel. Il set aux plaies.Il convient au supplice ». le sel, l'or, qui conserve et meurtrit les chairs. Gabelle, trésor. Mémoire poussière , sel cristaux de sueur.
C'est la force, la puissance chez Glissant, tout se met à rouler, tanguer, surgir, à la fois aérien et tellurique. La force et ce courage, cet espoir jamais démenti. «  Et vous aurez beau faire, capitaine, la gymnastique de vos fers rouges sur mes lèvres ne me forcera pas vers ce pain marqué de l'escompte de ma chair ». Force, puissance, limpidité, clarté, liberté. Son chant est une liane, elle court, parcourt, embrasse, gravit, rejoint, grandit.
«  Écume pluie tête clamée battements d'eau pluie », voilà la musique du Chant. « Nous frappions langue ». La vie , la mort, la blesse en corps et puis le jour, la joie du renaître dans l' universalité de toutes les rencontres, nos rencontres avec d'autres mondes, la poétique de la grande transhumance de notre toute collective conscience.
Beauté, espoir, richesse, écrit – roc, écrit- parole, des phrases-racines, «  mamelles fécondes ».
Chant nourricier qui hurle à la vie.
Dans ce recueil le sang rivé, le sel noir, et boises sont réunis.
«  il y va de l'amour », «  Beauté sur vous ».
Lire Glissant c'est toujours aller à la rencontre de l'espoir.
Astrid Shriqui Garain
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En 1960, aux racines d'une vaste poétique créole de la relation, la poésie fondatrice du Tout-Monde, ancrée dans la sueur et la souffrance du capitalisme de plantation, et déjà armée pour le dépasser.


Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/09/26/note-de-lecture-le-sel-noir-edouard-glissant/

Au moment de la parution du « Sel noir », en 1960, Édouard Glissant a trente-deux ans. Romancier déjà reconnu (« La Lézarde » a reçu le prix Renaudot en 1958), poète actif depuis « Un champ d'îles » en 1953, il est alors vigoureusement engagé dans la lutte contre la colonisation persistante (et déjà ce qui se prépare plus ou moins subrepticement en termes de néo-colonialisme, jouant le coup d'après), aux côtés de nombre d'écrivains et d'intellectuels, période d'activisme qui culminera avec la création du Front Antillo-Guyanais pour l'Autonomie, l'année suivante, celui-ci étant aussitôt dissous par les autorités gaullistes.

Dans ce contexte, « le sel noir » (publié alors au Seuil) bouillonne intensément. S'il est encore tout imprégné du phrasé envoûtant et pourtant acéré d'Aimé Césaire, il résonne aussi de la phrase volontiers marmoréenne de Saint-John Perse, en un paradoxe (la poésie du « béké » emblématique) à l'intérieur de l'oxymore (le « sel noir » lui-même), ce qui n'échappera pas, bien sûr, au proche et fin lecteur qu'est Patrick Chamoiseau (dont l'essai poétique « Césaire, Perse, Glissant, les liaisons magnétiques » demeure toujours aussi indispensable).

C'est que la vérité de cet objet de gabelle à échelle planétaire, à travers la sueur de l'esclave, est celle de l'horreur du capitalisme de plantation, dont, déjà alors, on dit qu'il faudrait savoir l'oublier, qu'il est loin, que les contemporains n'en sont pas coupables (alors que l'esclavage n'a été alors aboli qu'à peine un siècle plus tôt, pour céder la place le plus souvent à des ségrégations officielles ou officieuses, et que le foncier antillais, tout particulièrement, appartient encore presque partout aux descendants des planteurs et de leurs fortunes « durement gagnées » sur le travail forcé et le sang de la chicotte et des cales de la traite).

La lame poétique d'Édouard Glissant, si elle laisse déjà deviner, en beauté, ce qui conduira à ses réflexions fondamentales sur la relation, sur la créolisation et sur le Tout-Monde, doit d'abord crier – comme il le faut encore aujourd'hui, et comme le chantent de leur musique si belle et spécifique une Rivers Solomon ou un Michael Roch – et rappeler qu'il y a des crimes fondateurs qui ne disparaissent pas « comme ça », parce que Le Blanc « en a marre d'entendre les récriminations posthumes ».

Dès la première suée de sel, le recueil-titre (mais aussi « le sang rivé » et « Boises », qui l'accompagnent de près ici) est pleinement inscrit dans l'histoire comme dans la géographie. Parole, chant, souffrance, certes, mais aussi – sans doute surtout – épopée d'imagination créatrice : comme le Derek Walcott d'« Omeros » (face à qui, coïncidence, le poète martiniquais échouera d'une seule voix pour l'attribution du prix Nobel de littérature en 1992, huit ans avant sa mort), Édouard Glissant inscrit au coeur de sa poésie combattante et mémorielle un dépassement épique, un réagencement profond de l'usage du sel, qui doit faire oublier qu'il servait aussi, comme à Carthage, à rendre définitivement infertiles les terres de l'ennemi, et accepter maintenant d'être piment et ferment.

Au moment où, de l'autre côté de l'Atlantique, dans un Nigéria déjà au bord de la guerre civile meurtrière, le tisserin Christopher Okigbo commence à propulser ses traditions ibo et yoruba vers un siècle qui aurait pu être de clémence et d'indépendance, Édouard Glissant invente une voix originale, celle d'une voie échappant à la fatalité construite avec détermination par le commerce triangulaire, celle d'une émancipation ne reniant pas ses ancrages mortifères mais s'en servant de point d'appui pour explorer un ailleurs toujours en devenir, fraternel, solidaire et joueur.

Lien : https://charybde2.wordpress...
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Ce recueil regroupe le sang rivé (1947-1954), le sel noir (1960) et Boises (1979). Comme Myriam3 ou ATOS l'ont dit dans leurs critiques, il met en exergue, surtout pour les deux premiers, les éléments. La terre, par le surgissement de rocs et les coulées de roches en fusion, d'argile et de boues. L'eau de ses boues revenant par une omniprésence de la mer, et par les images de l'embrun et de l'écume comme creuset d'eau et de vent, géniteur de ce sel noir, fruit ou source de la poésie. Glissant est bien sûr nourri de ses origines antillaises, ce qui transparaît dans une poésie marquée par l'insularité et la douleur de l'histoire coloniale et de l'esclavage. Mais elle est pourtant complètement universelle par les visions de ce monde foisonnant et tonitruant qu'il nous donne à voir. Monde où le vivant n'est jamais figé, où le brassage constant des éléments, cette écume, cette cendre, cette flamme et cette brume, métaphorisent notre irrésistible désir d'ailleurs.
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Un joli recueil fait d'embruns salés et de côtes ravagées ; où l'on se perd entre rivages africains et îles des Caraïbes, entre prose et splendides rimes, entre succession de mots soignée et fouillis verbal dont on distingue difficilement le début et la fin...

Lire Glissant est assez déroutant ; certains passages sont magnifiques et évocateurs, d'autres m'ont simplement laissée perplexe. Cette hétérogéité dans le rythme et dans les poèmes m'ont empêchée de savourer pleinement ma lecture, faite d'à-coups. Intéressant tout de même !
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Afrique


[…]
J’entends l’an marteler sur tes pistes son cri atone
J’entends le tambour lent des terres qu’on des-
souche entends
La terre dans la bouche et le vocable dessillé
Comme un ban de tribus qui vont rouvrir la
guerre, et c’est
Le chaud du sel aux mains païennes d’adversaires.
Sens

L’ardue nécessité en vain tordre ton corps, famine
Où poussent vents sagaies mers et fureurs, forêts
surprises
La maille du vent lèche le brasier, des enfants
crient
Une case brûle, un guerrier meurt, des herbages
fument
Au ciel brûlé famine, et famine dans ta verdeur

Et dans le mot scellé monotone j’entends famine
Oho mots de nos sangs que voici marteler le
temps
De jours quatorze fois balancés dans le feu ter-
rible
Je vois ce cœur tressé de fer, les jours crépus, le
sang
Et au butin ce rien de sel à goût d’herbe brûlée

p.112
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LE SANG RIVÉ (1947-1954)/Saisons

MOURIR, NON MOURIR
à Jean Laude


Les parfums ont tari sur les plages de mes étoi-
les. L'écume des hauteurs n'éblouit pas, le livre est
là, et sa moisson.

Livres d'allées où l'eau est rare, livre des Morts et
des Léthés, en ce pays du nord occupé de vendan-
ges, souterraines ô souterraines.

Ouvre, les nuits sont splendides au Livre. (La
mort mesurait ses fruits et son sel. L'été de la nuit
allumait l'été.)

J'apprends, j'apprends qu'il y a eu bataille,
après quoi l'amour ne revient, elle est morte ; et le
champ est désert, il n'y eut pas de combattant, mais
une seule éternelle défaite.

Et vois l'eau de la toilette des morts; l'épouse l'a
nappée sous les pas du clergé.

La Mort et ses nochers sont abjurés
De laisser au cœur la mer immense qui com-
mence.

p.55-56
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L'AVEU


Chaque visage est un appel miroir brisé
Soupesant dans leurs mains le désespoir
D'en face, tremblants ils se taisent.

C'est leur manière de fleurir, l'aveu.

            *

Espace pour ces mains
N'y laissant trace d'amitié,
Secrète si secrète
Qui ose dire si son visage
Tient à son corps ou si sa face
Est transparente ?

Miroir, nul n'y passe ô falaise.

Elle est oiseau mouvement pur
Que vent consume.

p.48
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GORÉE


Vivait son cri à tout un arbre : ses racines
coulèrent en ravines par hèlement.

Il fut nouer dans la gorge du temps le cru des
profonds, et soutint du regard plus d’une voile nue
de vent.

Il n’eut l’espace de héler dépassement, ayant dri-
vé entre rive et haut bord, dans l’île d’amarrage où
les rêves d’hier tuent au garrot les rêves de demain.

p.149
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Vous, qui avez noué la sarabande et le vertige des forêts. À goulées franches dans ta forêt d’astres tu dresses le bûcher des nuits. Dans ta forêt les orgues (ma vie inconnue) des feux de salve du jour. A goulées pleines, la terre surgie imminente, par-delà les eaux respirables du poème tu joues le soleil, tu gagnes. Dormir au fleuve bêcher le silence Laisse tes mains dans les buissons atlantiques Entre les mornes que juillet soudainement éclate ô liberté des larmes dans la terre parmi les arbres réconciliés Et par le cran d’arrêt de la logique suspendue.

C’est un pays qui bat des hanches contre l’aveuglement Races races flèches des cannes sagaies Je neige et gèle sous le tambourin des baobabs
Ce que d’autres écrivent
En étoiles capitales
je le sens qui rumine sa floraison doucement étale entre mes bras ses boussoles multipliées. Les oiseaux flèchent vers la soif écrasée des volcans. Tel qui coud le silence de fil blanc n’a droit au tournoi ivre. Je dis que la poésie est chair.

Et aussi, râpant de son unique dent (d’orage de sang de larme) la grand’lèche de l’acceptation. Une mâchoire de sables de déserts de brousse, que l’autre soit d’astres de pollens : qu’il y jette les étoiles les cous brisés le fouet le maître qui sépulcre et les cannes qui sifflent l’attente et la douleur et le sang, sa poésie et son boucan de poésie. Comme, parfilant d’inouïs étages tropicaux, la noire brèche sous le vent. Écoute,
accoudé au silence,
les barrissements.
Il y a une rosée de galères dans les prairies de sel marin Dans la sève l’étincellement J’ai décanté l’eau verte l’eau rouge, récolté assassins les cannes et les couis À boire Le soleil est une lanterne visée abattue Splendeurs, voyageurs de l’écume !
Ma maison tressée en défi vers la foudre, de joncs échappés des hougans d’octobre, ma maison ma maison de cristal marin longue muraille d’Amérique. Le rebelle mis à l’index pour enseigner aux enfants qu’il n’y a qu’un doigt dans la main. Je brasse la fougère des vagues. Mon réveil est de chien traînant sa niche sous les ponts.
L’errance prise au piège, désuète
quand quand et quand les cloches
décharnées de l’inaudible ?
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Vidéo de Edouard Glissant
#EdouardGlissant #créolisation #CulturePrime
Avec son idée de la créolisation, le poète et philosophe Edouard Glissant en appelle à un "Tout-Monde" visionnaire, où nos identités dynamiques et ouvertes sont une clé pour penser notre futur. Réinterprétée, réappropriée aujourd'hui par divers courants de pensées, l'idée de créolisation théorisée par Edouard Glissant plonge ses racines - ses rhizomes - dans son expérience singulière des Antilles et de la langue créole.
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