Citations sur Le mariage (12)
On vous fait miroiter des maisons, des équipages — tout ce qu'on trouve une fois qu'on est marié, c'est des duvets ou bien des édredons...
PLIKAPLOV : Regarde les choses en face : qu'est-ce que tu gagnes à être célibataire ? Regarde-moi ta chambre. Eh bien, qu'est-ce que tu vois ? Tiens, une bottine sale et solitaire, une cuvette, un tas de tabac sur la table, et toi-même, tu restes là, comme un loir, à attendre le dégel.
KAPILOTADOV : Ça, c'est vrai. Je suis un peu désordre, il faut dire ce qui est.
PLIKAPLOV : Pourtant, sitôt tu seras marié, tu ne te reconnaîtras plus, ni rien de ce qui t'entoure : ici, tu auras ton divan, avec un petit clebs, un piaf, là, dans sa cage, un ouvrage de dame...
J'en connais un ; le plus bel homme qui soit, des joues grosses comme ça ; il geignait tellement, il embêtait tellement son chef pour qu'il l'augmente que l'autre a fini par perdre patience — il lui a craché en pleine figure, eh oui ! " La voilà, ton augmentation, il lui a dit, fiche-moi la paix, avec ta sale gueule ! "
KAPILOTADOV : Bon, et à part celle-là, tu n'en aurais pas d'autres ?
FIOKLA : Mais qu'est-ce tu veux de plus ? Celle-là, c'est ce qui se fait de plus mieux !
KAPILOTADOV : Vraiment, de plus mieux ?...
FIOKLA : Lève-toi, puisqu'on est de bon matin, viens la regarder.
KAPILOTADOV : Là, maintenant ? Tu ne vois pas comme le ciel est gris ?... Si je sors et qu'il pleut...
FIOKLA : Tant pis pour toi ! T'as le cheveu blanc qui te pend au nez — bientôt, tu vaudras plus tripette pour les choses du mariage. Un conseiller surnuméraire, voyez-vous l'oiseau rare ! (...)
KAPILOTADOV : Quelle folle ! Attends que je me regarde dans la glace ; où tu l'as vu, le cheveu blanc ? Holà Stepane, un miroir ! Ou non, attends, j'y vais tout seul. Jésus, tout mais pas ça. C'est pire que la vérole.
On avait des officiers d'Angueulterre avec nous ; des gens, vous comprenez, comme vous et moi, des marins ; d'abord, c'était très surprenant : on ne se comprenait pas — mais après, on a bien lié connaissance, on se parlait librement ; on montre, par exemple, un verre, ou une bouteille, comme ça — ils savent tout de suite que ça veut dire à boire ; on met son poing contre sa bouche et on dit juste avec les lèvres : pff-pff — ils savent qu'on veut fumer une pipe. Vous savez, au fond, c'est une langue très facile, nos marins se comprenaient parfaitement en quelque deux trois jours.
Boudiou ! Ou c'est que je tombe mal ? Ou c'est que l'affaire est déjà dans le sac ?
PLIKAPLOV : Mince alors, quelle foule ! Qu'est-ce que ça veut dire, ce ne serait pas les fiancés ? Par quels monts et quels vaux t'as trouvé ces corbeaux, dis-moi ?
FIOKLA : Ils sont pas des corbeaux mais des gens comme il faut.
PLIKAPLOV : Mille et trois invités, pas un bien fagoté.
FIOKLA : Et toi, tu t'es vu, face de cocu ?
KAPILOTADOV : J'en suis encore tout retourné, tellement tu m'as fait peur. Et j'ai cassé la glace. Ce n'est pas donné, une chose comme ça : je l'ai achetée chez les Anglais.
PLIKAPLOV : Allez, je t'en trouverai une autre, de glace.
KAPILOTADOV : Oui, oui, une autre. Je les connais, moi, ces autres glaces. Elles vous donnent dix ans de plus, avec une gueule en biais.
Moi, une pauvre fille de moujik, j'aurais jamais fait ça. Et ça se dit noble, encore ! C'est que pour les ordures et pour les crapuleries qu'elle vous sert, votre noblesse !