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Citations sur Ana non (38)

La neige se remet à tomber, sereine, fidèle, enveloppant dans son suaire le cadavre d’une femme nommée Ana Paücha, soixante et quinze ans, qui fut épouse, mère et veuve de quatre hommes Paücha, fauchés par la guerre civile espagnole et ses prisons de la haine. Nulle pierre tombale ne perpétue ces cinq noms :
Ana Paücha
Pedro Paücha
Jose Paücha
Juan Paücha
Jesus Paücha dit le « petit »
Nul œil ne les pleure.
Nul mémoire n’en garde trace.
Ce ne sont que les noms de cinq saints sans église. Des anti-noms.
Des non.
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La main qu'elle tend vers la charité n'est pas sa main. Caressée par les mains fortes de son mari, elle avait mis au monde trois autres paires de mains, fortes elles aussi, qui auraient su toujours porter à sa bouche le pain du travail, garnir ses poches de l'argent nécessaire pour se procurer le feu et les chaussures, le lit de la nuit et la lumière du jour. Mais la guerre a amputé ces prodigues mains d'hommes. La main qu'elle tend maintenant lui a été greffée par la guerre. La fière Ana non n'a pas une âme de mendiante. Sans cette amputation sa main aurait continué de confectionner les filets pour ses hommes de mer.
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Ma solitude, c'est quatre lits où s'épanouissaient quatre corps d'hommes, jadis. Vides, les lits. Morts, les hommes. Ma solitude, c'est une barque blessée dans son corps , qui se dessèche au bord de la mer, barque désertée que n'accueille plus le salut des mouettes tous les petits matins de la joie du retour. Ma solitude, c'est ce nom heureux que je ne pourrai pas donner à mes petits-enfants, morts avant d'être nés. Ma solitude, c'est ce nom de grand-mère que je n'entendrai jamais, sauf dans le trou noir de mes rêves.
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Petite fille, j'ai toujours eu les joues parsemées de petits boutons provoqués par la barbe de mes douze pères*… qui ne se rasaient pas très souvent. Quand j'y pense maintenant, je sais que ce n'était que l'éruption d'un trop-plein de bonheur.


*(son père et ses 11 frères ainés)
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Quatre noms à prononcer : Pedro, Juan, José, Jésus, à modeler dans sa bouche comme quatre globes terrestres, à articuler selon ses humeurs, avec amour ou colère, et d'un seul coup, plus personne à appeler, plus rien à dire. Trente ans de silence, au jour, à l'heure, à la minute près. Trente ans de nuits. Bien sûr, elle disait bonjour et au revoir, que c'est gentil à vous et merci bien. Mais ça, ce n'est pas parler. C'est aggraver le silence.
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J’ai pleuré toute seule la mort de les Paücha, l’absence de mon petit. Si on peut appeler ça pleurer, ce silence qui m’a cousu la bouche depuis qu’ils ont quitté la maison pour ne plus y revenir. C’est ça la guerre. Cet après qu’on souffre en solitaire lorsque le silence en revient. C’est ce que vous appelez la paix. C’est votre affaire.
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Seule, [la date] de son arrivée l'inquiète, sa rencontre avec le Nord, avec son fils, sa mort. Fera-t-il jour ou nuit ?
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C'est là que le général Millan-Astray, compagnon de massacre du général Franco, a crié : "Mort à l'intelligence ! Vive la mort !". Cri de haine entendu et suivi par tout le monde. Sans exception.
C'est là que le grand philosophe de l'existentialisme, Miguel de Unamuno, poète de la dureté, lui a répondu : "Vous vaincrez. Vous ne convaincrez pas !". Cri silencieux, étouffé par tout le monde. Sans exception.
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Ana Paücha mange son casse-croûte et ne se mêle pas à la conversation. Elle se sent étrangère aux choses de la terre. Elle est femme de mer. Même à moitié endormie, elle pourrait indiquer les meilleurs moments pour pêcher les écrevisses, récolter les algues grasses pour nourrir les cochons, ramasser des grappes de pouces-pieds qu'on cuit arrosés de vin blanc, chercher des bouts de corail polis par les vagues. Elle connaît tous les secrets de la mer, mais aucun de la terre. Elle peut prévoir l'approche de la tempête par le rire hystérique des mouettes, mais le sifflement moqueur du merle au bec jaune ne lui apprend rien. Le ventre plein, elle se laisse aller au sommeil.
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Ana Paucha, réveille-toi. Quitte ta maison avant que renaisse le soleil. La lune est morte. Personne ne verra ton départ. Personne. Ni bête. Ni étoile. Il ne faut pas de témoins pour ce que tu as à faire. C'est bien ce que tu désirais lorsque tu t'es assoupie sur ta chaise tout à l'heure : partir sans laisser de traces. C'est le moment. Ce voyage, tu dois l'entreprendre dignement, sans peur. Avec l'espoir que moi, je ne serai pas aussi mesquine avec toi que la Vie.
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