Retisser un lien entre l'homme et son environnement ; retrouver l'harmonie entre la civilisation et la nature ; enfin, sauver la planète de l'action destructrice de l'être humain : voilà, rien que cela, l'ambition avouée d'al Gore qui dévoile dans cet essai datant pour une part des années 1990 son programme basé sur une série de propositions solides et argumentées. Utopique ? non, espérons-le, même si, à cette lecture, le découragement vient parfois car les efforts à fournir seront énormes et les petites gens que nous sommes nous sentons souvent bien impuissants face à l'inertie, la corruption, l'indifférence apparentes de ceux qui nous gouvernent et des puissances qui gouvernent ceux-là.
Convaincre les puissances émergentes de renoncer à suivre le modèle de consommation effrénée qu'a érigé en système pendant des décennies les sociétés occidentales ? Ben voyons. Persuader les grandes entreprises semencières et chimiques de moins penser à leurs profits immédiats et davantage à l'épuisement de la diversité de plantes à travers le monde, provoqué par leurs manipulations génétiques effrénées ? Un beau défi. Et tant d'autres devront suivre...
Pourtant, tous sont censés se sentir alarmés : somme toute, c'est l'avenir qu'on hypothèque en pensant constamment à court terme. Les parents du monde entier ne souhaitent-ils pas laisser un monde meilleur (ou en tout cas, pas plus abîmé qu'il ne l'est déjà) à leurs enfants ? Les aberrations, cependant, continuent. Comme le souligne
Al Gore avec pertinence, pourquoi la destruction de son environnement par un pays dans des buts de très court terme - et purement financiers - n'entre-t-il pas en compte dans les calculs des PNB ? Cela pourtant devrait tomber sous le sens. La belle affaire si un pays gagne des fortunes durant une dizaine d'années en vendant des essences rares si au bout de ce laps de temps les neuf dixièmes de ses forêts ont disparu ! Pensons à l'Ethiopie, l'un des pays où l'on meurt le plus de faim dans ce monde. La destruction des zones forestières a provoqué des sécheresses dévastatrices avec les conséquences que l'on sait.
Cet essai éclaire ainsi d'une lumière sombre l'état de notre planète, du moins tel qu'il se présentait il y a une quinzaine d'années. Il ne se dépare pas cependant d'un optimisme résolu : "l'avenir de l'humanité est entre nos mains" et tout est encore possible. Et il est vrai que des choses ont été faites depuis, l'interdiction progressive des CFC, par exemple, qui détruisait peu à peu la couche d'ozone (c'était le cri d'alarme permanent des années 1990). Il est donc permis de ne pas désespérer.
Un essai remarquable, dans son fond, que ne gâche pas la plume fort marquée de religiosité de l'auteur, chrétien fervent. C'est une patine typiquement américaine qui surprendra davantage le lecteur français tout pétri de laïcité. le contenu est édifiant et suffit à convaincre que, sous le grand patronage d'un Dieu quelconque ou du Suprême Rien, il est temps de faire quelque chose.