Citations sur Le bourg d'Okourov (15)
Ils hurlent dans les forêts, les champs
La gueule levée au firmament.
Je suis au loup, par mon angoisse,
Lié comme un frère par le sang.
Comme lui, nuisible on me chasse.
Je n’ai pas ma place parmi les gens.
Et je traverse cette terre hostile
À pas feutrés, comme le loup gris,
Comme lui, traqué par l’homme, je crains
De crier fort mon chagrin
Aussitôt, la foule s'agita, tourbillonna comme la poussière d'automne chassée par le vent.
Mais à cet instant, ses sentiments, pareils à une masse nuageuse dans un ciel de plomb, flottaient confusément dans son âme. De temps en temps, un petit feu follet bleuté scintillait et s'éteignait aussitôt.
Tiounov avait également oublié que ces hommes avaient coutume de vivre et de penser pour eux seuls, déshabitués de longue date à faire confiance à quiconque. S'ils sortaient dans la rue, ce n'était pas pour partager leurs idées, mais pour y prendre celles d'autrui, les saisir, les ramener chez eux, les broyer, les concasser entre les lourdes contraintes de leur immuable quotidien. Chaque maison du bourg était une prison pour la pensée qui, dépérissant dans cet espace étroit et sombre, finissait par disparaître sans avoir rien produit, comme la graine d'une fleur, emportée par le vent dans le marais, croupit sur la tourbe sans jamais croître, s'épanouir ou montrer au ciel son sourire éclatant.
— À part les oiseaux, tous piétinent la même terre. L'homme qui marche, la tête inclinée, perdu dans ses pensées, en regardant le sol... Les loups qui hurlent en hiver de faim et de froid... Nous avons tous peur des loups. Quand ils se mettent à hurler, je suis comme grisé d'effroi, et je ne prends pas le temps de les écouter...
La lune qui brillait dans leur dos projetait devant eux deux ombres rampantes: l'une, longue et saillante, avançait par secousses régulières, l'autre, plus courte, tantôt s'écartait de la première, tantôt la rejoignait en une tache sombre et informe qui glissait convulsivement sur le sol.
[Le soir, au coucher du soleil, et la nuit, Sima aimait s'asseoir sur une colline près de la grand-route. Il restait silencieux, les genoux enserrés dans ses bras, à l'affût du flot mélodieux de la vie qui coulait paisiblement autour de lui: les stridulations des sauterelles affairées, le sautillement des campagnols, l'envol des oiseaux quittant leur nid, le passage des ombres sur les collines, le murmure des herbes, le doux parfum du millet, de la citronnelle et de l'éponge d'eau douce, le ciel bleu-vert constellé d'étoiles...
Tchetykher contemplait à travers les touffes rousses de ses sourcils le scintillement argenté de la voie lactée, l'éclat joyeux des étoiles, la marche lente du croissant de cuivre et la course tranquille des nuages.
Dans ces instants-là, il était particulièrement beau et le savait mieux que personne. Son corps vigoureux demeurait agile dans l'étreinte et le feu qui couvait dans son regard embrasait la passion et la douce volupté féminine. « Je n'ai plus de volonté, plus de liberté, Lodka! » gémissait Vavilo. Sa maîtresse le contemplait de ses prunelles avides, des larmes scintillaient au bord de ses cils, elle l'enveloppait de son haleine ardente comme un nuage humide embrasse la terre accablée de chaleur.
La rue principale de Chikhane, appelée Poretchnaïa ou Berejok, était pavée de gros cailloux. Au printemps, quand la jeune herbe commençait à pousser entre les pierres, le maire de la ville, Soukhobaïev, faisait arracher la végétation par des prisonniers dont les silhouettes grises et pesantes rampaient en silence sur la chaussée.
La nuit, le hurlement lugubre des loups retentissait dans la plaine. Au milieu des grosses étoiles bleuâtres et glaciales, la sinistre Vénus verdoyait telle une émeraude.