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Citations sur Le bourg d'Okourov (15)

Ils hurlent dans les forêts, les champs
La gueule levée au firmament.

Je suis au loup, par mon angoisse,
Lié comme un frère par le sang.

Comme lui, nuisible on me chasse.
Je n’ai pas ma place parmi les gens.

Et je traverse cette terre hostile
À pas feutrés, comme le loup gris,
Comme lui, traqué par l’homme, je crains
De crier fort mon chagrin
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Tiounov avait également oublié que ces hommes avaient coutume de vivre et de penser pour eux seuls, déshabitués de longue date à faire confiance à quiconque. S'ils sortaient dans la rue, ce n'était pas pour partager leurs idées, mais pour y prendre celles d'autrui, les saisir, les ramener chez eux, les broyer, les concasser entre les lourdes contraintes de leur immuable quotidien. Chaque maison du bourg était une prison pour la pensée qui, dépérissant dans cet espace étroit et sombre, finissait par disparaître sans avoir rien produit, comme la graine d'une fleur, emportée par le vent dans le marais, croupit sur la tourbe sans jamais croître, s'épanouir ou montrer au ciel son sourire éclatant.
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Sima se trouva devant le percepteur qui, affalé sur un canapé, souriait de tout son visage.

– Alors, animal, il paraît que tu as écrit une poésie que tu déclames partout, et je n’en suis pas informé ? C’est quand même moi qui te l’ai commandée, pas vrai ?

Sima, submergé par la haine et l’angoisse, entonna soudain d’une voix forte et perçante qu’il ne se connaissait pas :

– En l’honneur de Sa noblesse, Evseï… Joukov.

Il prit une pause et poursuivit en se balançant sur ses jambes et comme s’il flottait dans un brouillard :

– Je n’ai pas mentionné votre patronyme car il se prête mal à la versification : Liodorovitch… personne ne s’appelle ainsi !

– Quoi ? dit Joukov, surpris. Récite plutôt ton poème, imbécile !

Sima commença :

Je n’aurais pas l’audace

De vous le dire en face.

Si je déclamais tout,

Vous me briseriez le cou.
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Tiounov ajusta son cafetan et articula soigneusement :

– Nous sommes tous des bourgeois. Nous allons, pour plus de clarté, parler de manière triviale. A quoi sommes-nous prédestinés ? Trivialement : quelle place, quelle fonction nous est réservée sur cette terre ? Question !

N’obtenant pas de réponse, il poursuivit :

– Les nobles, les marchands et même les moujiks, couche sociale la plus vile de la population terrestre, tous remplissent telle ou telle fonction. Quelle est notre fonction ?

L’orateur soupira et, jaugeant son public du regard, sourit triomphalement.

– J’ai consulté des savants, des étudiants versés dans la politique, deux prêtres, un officier, politique également, nul ne peut expliquer ce qu’est un bourgeois en Russie, ni la fonction qui est la sienne !

Klioutchnikov poussa Vavilo du coude.

– T’entends ça ?

– Va te faire voir ! grommela Vavilo.

– Cependant, continua Tiounov, j’ai rencontré un vieil homme qui écrit notre histoire et l’écrit depuis treize ans : il a noirci, à vue de nez, un demi-poud de papier.

– Kojemiakine ? demanda Vavilo, maussade.

Le borgne reprit sans lui répondre :

– « Je travaille surtout pour les bourgeois, dit cet écrivain, pour eux, parce qu’ils ont été incroyablement outragés et oubliés par tous les dons de la nature. Je montrerai, précise-t-il, à quel point le peuple des bourgs est asservi, comme toute la vie qui s’y trouve. »

– As-tu lu son histoire ? interrogea Bourmistrov.

– Non, mais je connais quelques-unes de ses conclusions. Nos noms de famille, par exemple, suggèrent que nous descendons d’archers, de canonniers, de juges : brefs de gens utiles, et nous sommes tous de sang russe, même si nous venons du petit peuple !

– Où veux-tu en venir ? l’interrompit de nouveau Vavilo.

Tiounov déclara en se frottant les mains :

– Où ? Eh bien, précisément, à la place à laquelle je suis prédestiné, rien de plus !

Il promena son œil brillant sur l’assistance et, notant l’ennui déjà visible sur de nombreux visages, poursuivit d’une voix plus vive et plus forte :

– N’est-il pas légitime de se demander pourquoi les Russes de souche sont rabaissés tandis que les premiers rôles sont occupés par les Vogel, Strechel et autres barons étrangers?
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Aussitôt, la foule s'agita, tourbillonna comme la poussière d'automne chassée par le vent.
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Mais à cet instant, ses sentiments, pareils à une masse nuageuse dans un ciel de plomb, flottaient confusément dans son âme. De temps en temps, un petit feu follet bleuté scintillait et s'éteignait aussitôt.
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— À part les oiseaux, tous piétinent la même terre. L'homme qui marche, la tête inclinée, perdu dans ses pensées, en regardant le sol... Les loups qui hurlent en hiver de faim et de froid... Nous avons tous peur des loups. Quand ils se mettent à hurler, je suis comme grisé d'effroi, et je ne prends pas le temps de les écouter...

La lune qui brillait dans leur dos projetait devant eux deux ombres rampantes: l'une, longue et saillante, avançait par secousses régulières, l'autre, plus courte, tantôt s'écartait de la première, tantôt la rejoignait en une tache sombre et informe qui glissait convulsivement sur le sol.
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[Le soir, au coucher du soleil, et la nuit, Sima aimait s'asseoir sur une colline près de la grand-route. Il restait silencieux, les genoux enserrés dans ses bras, à l'affût du flot mélodieux de la vie qui coulait paisiblement autour de lui: les stridulations des sauterelles affairées, le sautillement des campagnols, l'envol des oiseaux quittant leur nid, le passage des ombres sur les collines, le murmure des herbes, le doux parfum du millet, de la citronnelle et de l'éponge d'eau douce, le ciel bleu-vert constellé d'étoiles...
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Tchetykher contemplait à travers les touffes rousses de ses sourcils le scintillement argenté de la voie lactée, l'éclat joyeux des étoiles, la marche lente du croissant de cuivre et la course tranquille des nuages.
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Dans ces instants-là, il était particulièrement beau et le savait mieux que personne. Son corps vigoureux demeurait agile dans l'étreinte et le feu qui couvait dans son regard embrasait la passion et la douce volupté féminine. « Je n'ai plus de volonté, plus de liberté, Lodka! » gémissait Vavilo. Sa maîtresse le contemplait de ses prunelles avides, des larmes scintillaient au bord de ses cils, elle l'enveloppait de son haleine ardente comme un nuage humide embrasse la terre accablée de chaleur.
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