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Zinovi Lvovsky (Traducteur)Jean-Baptiste Godon (Traducteur)
EAN : 9782940701094
208 pages
Editions des Syrtes (03/02/2022)
3.44/5   9 notes
Résumé :
En province, la ville imaginaire d'Okourov est séparée par une rivière. Sur une rive vivent les riches commerçants et les notables, sur l'autre, dans le faubourg, s'entassent les pauvres. Depuis toujours, les habitants s'observent, les pauvres envient les riches et les riches se méfient des pauvres. Le seul endroit où tous se côtoient est la maison close, le "Paradis de Felitsiata".
Mais, en 1905, l'atmosphère se charge petit à petit des idées de "liberté", d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Cela fait longtemps que je veux lire du Gorki. Sa personnalité m'intéresse et je pressentais vu les convictions de cet auteur que ses oeuvres m'interpelleraient. J'avais eu l'occasion de découvrir indirectement le genre d'histoire qu'il propose à travers « Les bas-fonds », le film de Jean Renoir avec Jean Gabin, mais je n'avais pas encore lu un de ses romans. La masse critique m'a permis de combler cette envie et j'en remercie Babélio et les éditions Des Syrtes car je n'ai pas été déçue par cette découverte.

« le bourg d'Okourov » est un roman bref mais intense. Il s'agit avant tout d'un récit social mais qui s'intéresse aussi aux tourments de l'âme humaine. La ville d'Okourov est séparée en deux par une rivière, d'un côté les notables, de l'autre le petit peuple. L'imminence d'une révolte populaire, nous sommes en 1905 à la veille de la grève générale, occupe les esprits et va affecter différemment les villageois selon leur statut social. L'auteur, on le sait, avait des convictions socialistes et révolutionnaires très affirmées, pour autant Gorki fait preuve d'une grande subtilité mais aussi d'un certain pessimisme. L'homme semble un peu désabusé. Il faut dire que Gorki a écrit ce roman en 1909 alors qu'il vivait en exil en Italie pour échapper à la répression féroce qui a suivi le soulèvement populaire, et tout particulièrement le triste « Dimanche Rouge » où des centaines de manifestants pacifiques ont été abattus par l'armée impériale. Dans « le bourg d'Okourov », Gorki se montre très acerbe dans sa peinture d'une bourgeoisie méprisante, oisive et dépravée. Il évoque très bien la dure vie des petites gens de la campagne mais, là aussi, il évite tout simplisme et se révèle finalement assez dur envers eux. Si la volonté de changement est là, l'agitation est palpable, les pauvres manquent d'une vision politique et leur colère s'exprime de façon désordonnée et finalement vaine. Ceci dit, le roman n'est pas déprimant malgré sa noirceur. Quelques personnages semblent peu à peu s'éveiller à une forme de conscience politique. C'est l'oeuvre d'un homme déçu mais pas résigné.

Le roman est court, à peine 190 pages, mais se révèle d'une densité et d'une profondeur remarquables. Il y a de nombreux personnages que l'auteur parvient tous à caractériser de façon fouillée et convaincante. de plus, j'ai beaucoup aimé l'écriture de Gorki. Bien évidemment, après une si jolie lecture, je compte bien lire d'autres oeuvres de cet auteur.
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Les hommes, paraît-il, sont tous les mêmes. Sans doute ne serons-nous pas, sur ce sujet, contredits par les hôtesses de la maison Felitsata, maison close attitrée de la bourgade imaginaire d'Okourov. Là se retrouvent gens du bourg et du faubourg, dans les draps et les charmes de ces dames, cependant qu'au dehors de ces murs, une vive opposition sociale les désunit. Okourov, obscure ville de la province russe, est donc le cadre imaginaire de ce court roman de Maxim Gorki. Aussi loin de la Saint-Pétersbourg encore impériale que du conflit qui verra la victoire militaire du Japon sur la Russie, Okourov ressent comme un imperceptible écho les soubresauts d'un monde qui s'apprête à basculer. Vus à travers une galerie de personnages qui caractérisent, pour Maxim Gorki, la Russie profonde, et en ce sens, véritable, ces prémices qui annoncent les événements révolutionnaires d'octobre 1917 ont la saveur lointaine des événements tels que peuvent les ressentir les marges : point de déflagration violente ni de bouleversement radical, mais un aiguillon à peine sensible qui pourtant excite ceux qui y goûtent.

Okourov, ainsi que le décrit Gorki, est un petit bourg de province. Une rivière sépare le bourg proprement dit, ses artisans et ses institutions, du faubourg où vivotent de fort diverses façons de pauvres gens qu'unissent un même mépris des bourgeois et une même incapacité à s'en sortir. Seul demeure comme point de rencontre de ces destinées si différentes la maison close de Felitsata, dans lequel trois jeunes femmes offrent leurs grâces tarifées à qui les désire. Passé l'imposant gardien Tchekhyev, dont la force physique n'a d'égale que sa soumission morale à sa patronne, on rencontre alors Vavilo Bourmistrov, une brute du faubourg ou encore Sima Devouchkine, jeune et fragile poète aux vers aussi niais que touchants, qui traînent là leurs guêtres et leurs mauvaises réputations au milieu des plus nobles éminences d'Okourov. Hors de ce lieu de perdition morale mais de retrouvailles sociales, gens du bourg et du faubourg s'évitent soigneusement, se toisent, se méprisent. Y revenant à plusieurs reprises, Maxim Gorki, dont on connaît l'engagement politique fort, qui lui valut exil au temps de l'empire et élévation sociale à celui de la révolution bolchevique, semble là décrire tous les bourgs, toutes les provinces russes. Là est l'âme de cette nation, dit-il, dans ce cloisonnement social très marqué : noblesse, hautes autorités administratives, fonctionnaires, commerçants, artisans et, enfin, gens de rien. Roman essentiellement masculin, le bourg d'Okourov n'offre aux femmes que les places de putains, mère marquerelle ou vieille domestique, dont la puissance est secrète, et tient dans les soins - fort divers, il est vrai - qu'elles procurent aux hommes.

En marge de ces inimitiés et de ce petit monde provincial, Gorki introduit un personnage, Tiounov, dont l'aspect (il est borgne) rebute d'abord, mais dont l'attitude attire à lui les sympathies des femmes du faubourg, et les curiosités des hommes. Il faut dire que l'homme est mystérieux. Originaire du village, il a, sait-on assurément, voyagé en Russie ; s'étant ouvert aux idées nouvelles du socialisme, il a connu les prisons impériales. de ses voyages, il est revenu plein de convictions qu'il ne révèle qu'avec discrétion à quelques initiés, à l'écart des foules et des maisons. Tiounov, cependant, ne sera pas de ceux qui, lorsque les agitations politiques et sociales de l'automne 1905 parviendront à Okourov, prendra la parole et voudra galvaniser les foules. A l'inverse, c'est Vavilo qui monte sur l'estrade pour haranguer le peuple d'Okourov et se croire, l'instant d'une soirée de revendications - lesquelles agitent et affolent les autorités politiques et économiques de la ville -, l'homme fort, le meneur qu'il s'est toujours cru être.

Pourtant, et à rebours de ce que l'on pourrait penser d'un auteur comme Maxim Gorki, le bourg d'Okourov est moins un roman politique qu'un roman social, et même qu'une de ces peintures de l'âme humaine, dans la grande tradition de la littérature russe. Loin d'afficher une tendresse appuyée pour ses personnages populaires du faubourg, Gorki montre en chacun d'eux les tourments d'hommes ordinaires, confrontés à l'amour, à la solitude, à la mélancolie des temps perdus. de Vavilo qui rumine son infériorité physique éprouvée face au gardien Tchekhyev et sa jalousie de voir son aimée réduite à partager la couche de trop nombreux hommes à Sima, qui compose des vers religieux à la fois innocents et vrais, et qui obtient les faveurs de Lodka (aimée de Vavilo), Gorki promène sa plume parmi le bon peuple russe, qui parfois se montre désespérant. Vavilo en est alors l'archétype, dont la force parfois brutale peut conduire aux pires extrémités, volontiers fort en gueule, amoureux transi et excessif, et qui porte sans rien dire le poids de ses immenses responsabilités. Quant aux bourgeois, Gorki les évoque à peine, pointe simplement leurs origines allemandes, les montre ridiculement faibles lorsqu'ils sont au paradis de Felitsata, et terriblement durs lorsque leurs intérêts sont menacés ou que leur quotidien est irraisonnablement troublé. Peintre sans concession de ce peuple qu'il regarde, au moment de l'écriture du roman, depuis les rives de son exil italien, Gorki nous dit que les grands évènements historiques n'ont parfois l'importance que celle que leur accordent les historiens, et que leurs effets sur les peuples peuvent être bien pauvres. Okourov bouillonne gentiment, s'excite vite, et redevient placide. L'important, pour ces gens-là, est ailleurs.
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En février dernier, les Éditions des Syrtes ont publié ce titre de Alexis Pechkov, plus communément connu sous son nom de plume Maxime Gorki : il s'agit d'une édition, traduite par Zinovy Lvovsky, traducteur franco-russe déporté et décédé à Auschwitz, et révisée par Jean-Baptiste Godon, lauréat du Prix Russophonie 2007 pour la traduction d'Au diable vauvert de Evgueni Zamiatine. Certains passages n'avaient, en effet, jamais été traduits en français, en particulier les passages relatifs aux Allemands de Russie. La première traduction du Bourg d'Okourov date de 1938 et a été publiée sous le titre Tempête sur la ville. Cette première édition fut amputée de ces passages et placée sous la « liste Otto » qui recensait tous les ouvrages interdits en France par la propagande nazie. Cette nouvelle édition plus fidèle à l'oeuvre d'origine s'appuie ainsi sur la publication des Oeuvres Complètes de Maxime Gorki.


Maxime Gorki est connu pour avoir donné vie au réalisme socialisme russe. Exilé à deux reprises en Italie, la réputation de l'homme est marquée par son engagement social, qui empiète largement sur son engagement en littérature. Il s'est aventuré dans l'exploration et l'étude des moeurs des classes populaires de son pays. Ce qui explique son activisme auprès des Bolcheviques. le bourg d'Okourov n'est pas son oeuvre la plus connue, la plus épaisse, néanmoins, elle contient les thèmes chers à l'autodidacte russe : l'étude des moeurs sociales, les mécanismes de dominations des bourgeois sur les plus démunis, la liberté, sa valeur, son prix, son coût, l'autoritarisme et cet idéal d'un homme nouveau. Est passé au microscope Okourov, cette ville en forme de croix, divisée en deux : à Chikhane les beaux quartiers de la bourgeoisie, les commerçants qui prospèrent, fonctionnaires, membres du clergé, à Zaretchie les gens moins fortunés, qui survivent d'une façon ou d'une autre. À Okourov, on ne se mélange pas, évidemment.

Le charme de ce livre, c'est d'abord celui de découvrir toute cette micro-société dont chaque personnage porte une fonction, le poète, l'usurier, le-s commerçant-s, le poivrot de service, la fille de joie, ses clients, en total reflet avec les sociétés des villes de l'époque. Cela m'a fait penser à la façon dont Balzac explore ainsi ses personnages dans ses romans. Si le village est bien découpé en deux, la maison close, quant à elle, est en marge du faubourg, mais au centre du roman, le seul endroit qui attire bourgeois comme prolétaires. Gorki en fait l'élément central, le seul lien qui unit les deux parts d'Okourov. Aussi bien les bourgeois que les autres fréquentent les filles de la maison, Pacha, Rosa et Lodka. le seul point en commun entre les gens de Chikhane et Zaretchie, c'est celui de l'amour, la sexualité, mais aussi le réconfort qui rassemblent les uns et les autres dans cette même condition humaine dans les bras de ces filles. Scène centrale du roman par bien des côtés.

Si la Russie est un pays immense, aux frontières presque irréelles, le bourg d'Okourov est un véritable microcosme qui se suffit à lui-même, porteur de frontières invisibles mais réelles qui semblent maintenir ses habitants à l'intérieur du bourg. Cette opposition de deux-mondes, outre la dimension financière, me semble opposer une vision traditionaliste de la Russie, avec son église à coupoles multicolores, et une vision plus moderne, avec son église d'une blancheur plus simple. Gorki livre une vision de la Russie divisée en deux catégories : ceux qui vivent confortablement, le reste qui est exploité, qui dépérit ou qui s'alcoolise. Gorki a restitué cette guerre des classes, ou le plus fort a asservi les plus pauvres. le contraste entre les deux mondes est saisissant : tandis que du côté de Chikhane, les rues fleurent bon le luxe, chez leurs voisins, c'est un retour au Moyen-âge, les familles y sont frappées par l'impôt, amassé par l'inspecteur. Les habitants du faubourg évoluent à la limite de l'anarchie, dans une zone de non-droit que moujiks des forêts environnantes et bourgeois des beaux quartiers évitent soigneusement.


Il y a Tiounov, le borgne, le philosophe, le sage, et il y a le poète Dima, l'un et l'autre comme porte-parole de l'auteur : le premier qui déclame, le second qui écrit les vérités, peut-être celles que porte Gorki, le premier une vision large et nationale, une vision qui englobe la russe et le peuple. le second s'exprime par le biais de ses vers, décrivant la vie à Zaretchie et ses habitants, qui bien souvent déplaisent. La sagesse de l'un compense la franchise de l'autre. On découvre la parole politique qui annonce l'avènement du bolchevisme à travers Tiounov. Alors que Tiounov le borgne, l'idéologue, passé par Moscou et la prison, le plus expérimenté de tous, vient professer la parole du russe travailleur, celui qui construit, utile à la société, cette idée de l'homme pur, sage, loin de ce que représente le bourgeois, qui en parasite profite d'une société qu'il n'a pas construite et dont il ne fait que profiter.


L'imaginaire Okourov, ses drames, ses conflits, est un aperçu de cette Russie scindée divisée en deux et dont les deux parties, bourg contre faubourg, se méprisent : La révolution bolchevique est déjà là, ne serait-ce que dans les esprits qui s'échauffent de cette classe de russe qui meurt de faim et d'ennui, avec des relents xénophobes envers cette communauté allemande, dont les sonorités des noms résonnent comme une fausse note qui agresse l'oreille. L'expression qu'utilise Tiounov à plusieurs reprises d' »homme prédestiné » m'a particulièrement marquée : si l'on en croit sa biographie en russe, Gorki aurait été marquée par l'idée du rêve Nitzschéen d'homme nouveau, qui surpasserait en force et en intelligence, dans un premier temps. Cette conception d'un homme nouveau aurait évolué avec le temps et il s'incarnerait en la personne d'un homme simple, tourné vers la vie, tourné vers la protestation sociale. Voilà qui ressemble beaucoup à Tiounov. Sans oublier Dima, dont l'image du poète, le rêveur mal dégrossi, qui a le malheur d'énoncer leurs quatre vérités aux interlocuteurs, est bien malmenée : portée à dérision par l'auteur, il fournit de savoureux passages, qui donnent à ce roman un pléochroïsme intéressant, où l'humour et le sarcasme côtoient drame et tragédie.


Je ne connaissais pas Gorki, j'ai pris le parti de débuter avec un roman court, rapide et agréable à lire, mais qui annonce la révolution de 1917 alors même que son auteur est en exil après une première tentative avortée de révolution lors de sa rédaction. C'est une première approche appréciée que je compte bien approfondir.


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Bienvenue à Okourov, une petite bourgade fictive de la province russe, oubliée du reste du pays et scindée en deux par une rivière. D'un côté les riches bourgeois civilisés, de l'autre les ruraux des “bas-fond”, truands et illettrés. le lien entre eux : une maison close où chacun peut se rendre qu'importe sa situation et que tous appellent “Le Paradis”.

Ce roman est assez introspectif, on va être témoin des pensées des habitants, et notamment de ceux du Faubourg qui se réunissent et s'interrogent sur la vie, sur ce qui est, quel est leur rôle, leur place ? Menés par le sage Tiounov, un homme au passé trouble, ayant voyagé hors du village durant de nombreuses années, qui les poussent à s'interroger sur la Russie et leur condition en général, qui les encourage à voir “plus loin”. Il faut dire qu'ils n'ont pas grand chose à faire d'autre de leur journée ces habitants démunis… Ils s'enlisent dans une oisiveté passive, boivent pour passer le temps, débattent et cancanent, de tout de rien, entre eux, et contre les bourgeois aisés vivant de l'autre côté de la rive. Chacun s'épie, se méfie.

Il y a au sein de ce petit récit, pléthore de personnages, et ce n'est pas évident de les retenir tous (les patronymes russes ne facilitant pas la tâche, on ne va pas se le cacher). D'ailleurs l'on ne suit pas l'histoire d'un personnage en particulier, mais certains revenant plus souvent que d'autres, on finit par se familiariser avec eux et prendre plaisir à suivre leur réflexion et leur évolution, à les accompagner un bout de chemin. Même si, malgré tout, je n'ai ressenti d'attachement pour aucun d'entre eux.

On retrouve ainsi assez régulièrement les faubouriens tels que Iakov Tiounov, dit Le Sage, Vavilo Bourmistrov, le héros du faubourg, beau et gros bras, et Sima Devouchkine, le jeune poète aux penchants mélodramatiques ainsi que Lodka, une des jeunes femmes du Petit Paradis, source de bien des tourments.

C'est un roman social, et finalement, ce petit village rural est en soi un protagoniste à part entière. Il ne se passe pas grand chose, on papillonne d'un villageois à l'autre, d'une pensée à une autre et l'auteur ne prend ni partie pour les notables et petits bourgeois, ni pour les faubouriens des bas-fond. Chacun ayant son lot de défauts et de qualités…
Vers la fin du récit, l'on se demande quel est ce mystérieux événement qui bouscule l'ordre établi et le quotidien cyclique de ses habitants. Quelle est cette clameur ? Cette brise agitée qui semble apporter le changement ?

Je n'avais jamais lu Gorki, pourtant un écrivain russe célèbre et incontournable de la littérature soviétique, et je remercie donc Babelio et ses masses critiques pour m'en avoir donné l'occasion ainsi que les éditions de Syrtes pour l'envoi de cet ouvrage. Ce n'était pas une lecture désagréable, la plume de Gorki est assez fluide et cela m'a permise de m'ouvrir à de nouveaux horizons littéraires. Une petite immersion dans la ruralité Russe du XXème siècle.

P.S : Il faut souligner que le choix de couverture de ce petit roman est sublime !

Challenge Multi-Défis 2022
Masse Critique Babelio - Janvier 2022
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J'ai essayé mais de mon côté, la magie n'a pas opéré. C'est toujours le risque avec les opérations Masse Critique !


La première chose qui saute aux yeux du lecteur, c'est la qualité de l'écriture et donc de la traduction. Cela fait plaisir de lire une prose élégante, bien tournée et descriptive. J'ai la nette impression que ceci se perd au profit d'écritures dites plus fluides, mais surtout bien plus indigestes...


Malheureusement, je n'ai juste pas été emballé par ce qui m'était proposé par l'auteur. La rencontre entre mon esprit et le sien n'a pas eu lieu, dommage. Ce sont des choses qui arrivent, et c'est pourquoi - au vu des qualités littéraires de l'ouvrage - je me refuse de descendre en flammes ce bouquin qui saura être apprécié par d'autres.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Tiounov ajusta son cafetan et articula soigneusement :

– Nous sommes tous des bourgeois. Nous allons, pour plus de clarté, parler de manière triviale. A quoi sommes-nous prédestinés ? Trivialement : quelle place, quelle fonction nous est réservée sur cette terre ? Question !

N’obtenant pas de réponse, il poursuivit :

– Les nobles, les marchands et même les moujiks, couche sociale la plus vile de la population terrestre, tous remplissent telle ou telle fonction. Quelle est notre fonction ?

L’orateur soupira et, jaugeant son public du regard, sourit triomphalement.

– J’ai consulté des savants, des étudiants versés dans la politique, deux prêtres, un officier, politique également, nul ne peut expliquer ce qu’est un bourgeois en Russie, ni la fonction qui est la sienne !

Klioutchnikov poussa Vavilo du coude.

– T’entends ça ?

– Va te faire voir ! grommela Vavilo.

– Cependant, continua Tiounov, j’ai rencontré un vieil homme qui écrit notre histoire et l’écrit depuis treize ans : il a noirci, à vue de nez, un demi-poud de papier.

– Kojemiakine ? demanda Vavilo, maussade.

Le borgne reprit sans lui répondre :

– « Je travaille surtout pour les bourgeois, dit cet écrivain, pour eux, parce qu’ils ont été incroyablement outragés et oubliés par tous les dons de la nature. Je montrerai, précise-t-il, à quel point le peuple des bourgs est asservi, comme toute la vie qui s’y trouve. »

– As-tu lu son histoire ? interrogea Bourmistrov.

– Non, mais je connais quelques-unes de ses conclusions. Nos noms de famille, par exemple, suggèrent que nous descendons d’archers, de canonniers, de juges : brefs de gens utiles, et nous sommes tous de sang russe, même si nous venons du petit peuple !

– Où veux-tu en venir ? l’interrompit de nouveau Vavilo.

Tiounov déclara en se frottant les mains :

– Où ? Eh bien, précisément, à la place à laquelle je suis prédestiné, rien de plus !

Il promena son œil brillant sur l’assistance et, notant l’ennui déjà visible sur de nombreux visages, poursuivit d’une voix plus vive et plus forte :

– N’est-il pas légitime de se demander pourquoi les Russes de souche sont rabaissés tandis que les premiers rôles sont occupés par les Vogel, Strechel et autres barons étrangers?
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Sima se trouva devant le percepteur qui, affalé sur un canapé, souriait de tout son visage.

– Alors, animal, il paraît que tu as écrit une poésie que tu déclames partout, et je n’en suis pas informé ? C’est quand même moi qui te l’ai commandée, pas vrai ?

Sima, submergé par la haine et l’angoisse, entonna soudain d’une voix forte et perçante qu’il ne se connaissait pas :

– En l’honneur de Sa noblesse, Evseï… Joukov.

Il prit une pause et poursuivit en se balançant sur ses jambes et comme s’il flottait dans un brouillard :

– Je n’ai pas mentionné votre patronyme car il se prête mal à la versification : Liodorovitch… personne ne s’appelle ainsi !

– Quoi ? dit Joukov, surpris. Récite plutôt ton poème, imbécile !

Sima commença :

Je n’aurais pas l’audace

De vous le dire en face.

Si je déclamais tout,

Vous me briseriez le cou.
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Tiounov avait également oublié que ces hommes avaient coutume de vivre et de penser pour eux seuls, déshabitués de longue date à faire confiance à quiconque. S'ils sortaient dans la rue, ce n'était pas pour partager leurs idées, mais pour y prendre celles d'autrui, les saisir, les ramener chez eux, les broyer, les concasser entre les lourdes contraintes de leur immuable quotidien. Chaque maison du bourg était une prison pour la pensée qui, dépérissant dans cet espace étroit et sombre, finissait par disparaître sans avoir rien produit, comme la graine d'une fleur, emportée par le vent dans le marais, croupit sur la tourbe sans jamais croître, s'épanouir ou montrer au ciel son sourire éclatant.
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Ils hurlent dans les forêts, les champs
La gueule levée au firmament.

Je suis au loup, par mon angoisse,
Lié comme un frère par le sang.

Comme lui, nuisible on me chasse.
Je n’ai pas ma place parmi les gens.

Et je traverse cette terre hostile
À pas feutrés, comme le loup gris,
Comme lui, traqué par l’homme, je crains
De crier fort mon chagrin
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Il tenta de s'arracher à l'étreinte de son escorte mais comprit que, cette fois-ci, il n'y parviendrait pas. Telle une meute de chiens harcelant un loup isolé, ils le tirèrent en tous sens, le roulèrent à terre, le battirent en criant tandis que la neige continuait de tomber à gros flocons, ensevelissant Okourov dans le suaire blanc de l'hiver interminable et assommant.
Les ombres noires des choucas passèrent furtivement dans une bourrasque de neige brumeuse.
Quelque part, sur la butte de Petoukhovo, peut-être, infatigable tonnelier, de ses coups sûrs et obstinés, enserrait solidement le bourg dans d'étroits cercles d'acier.
— Toum-toum-toum... toum-toum...
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Vidéo de Maxime Gorki
Gorki et ses fils, correspondance (1901-1934) , traduit du russe et préfacé par Jean-Baptiste Godon, est paru aux éditions des Syrtes.
Près de dix mille lettres de la main de Maxime Gorki sont conservées par les archives de l'Institut de la littérature mondiale de Moscou. La présente correspondance inédite entre l'écrivain et ses fils représente 216 lettres échangées entre 1901 et 1934.
Plus d'info sur https://editions-syrtes.com/produit/gorkietsesfils/
Nos remerciements à la Bibliothèque russe Tourguenev à Paris pour avoir gracieusement accueilli le tournage.
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