Je crois que la réalité ne se divise pas entre, d'un côté ce qui est visible et existe, et de l'autre ce qui ne l'est pas et donc n'existerait pas. Peut-être, Laz, qu'il y a des créatures, encore inconnues des hommes, qui parcourent ces bois.
Il y a des choses que l'esprit refusera toujours de croire, qu'il finira par mettre sur le compte de l'imagination. C'est pourquoi les légendes s'adresse à cette dernière : pour la débrider, l'ouvrir. Ainsi, elles nous pénètrent et nous aident à comprendre.
- C'est... quoi ? demanda Hugues en plissant les yeux.
Le soleil, traversant les branches glacées, l'éblouissait et il ne parvenait qu'à distinguer une forme aux angles incongrus.
- Un bras. A moitié bouffé.
- Qu'est-ce qu'il tient ?
- Sa radio. Tu te rappelles Les dents de la mer 3, quand le requin ouvra sa gueule et qu'on voit une main tenant une grenade ? Ça m'a fait le même effet... mais dans un putain d'arbre.
- Quelle merde ! grommela le jeune Metiikamek.
- Mais comment il est arrivé là-haut ? dit Lazare.
- Qu'est-ce que j'en sais ? répondit Mo, les yeux écarquillés. Un ours - peut-être celui qui vous a attaqués - l'aura emporté pour le boulotter tranquille.
- La forêt n'est pas un self, répliqua Hugues.
Tu ne m'as pas déçu et tout ne peut reposer sur tes épaules. Nous avons tous un chemin à parcourir. Parfois, il est droit et égal, parfois il faut l'ouvrir soi-même. Mon erreur a été de croire que le tien prendrait aussi peu de détours que le mien.
C'est l'une des choses dont on a le plus de mal à se départir : l'espoir.
Lazare regarda son arme, puis la tête de la femme toujours accrochée à son mollet, et la fit exploser. Le corps s'abattit dans un choc mou, noyant sa chaussure dans un mélange sombre et grumeleux.
Nous ne sommes pas faits que de matière brute, mon garçon... Tout ce qui nous entoure nous traverse. Et chaque objet, chaque être que nous rencontrons, porte une part d'histoire. Si l'on sait la déployer, en défaire patiemment les plis, il est possible d'en lire la trame.
- Je ne veux pas de cette réalité, grinça-t-il, les dents serrés.
- Il peut t'appartenir de la changer, mais pas de décider si certains éléments existent ou non. Tu peux les combattre, les détruire peut-être, mais tu ne peux les nier.