(…) la paix n'avait pas nuancé les couleurs du monde dans lequel il vivait. Tout continuait à être blanc ou noir, et dans ce contexte les partisans d'Hitler qui n'étaient pas jugés à Nuremberg pouvaient être blanchis, par un coup de baguette magique.
"De tous jeunes Espagnols, qui étaient enfants pendant la guerre et possèdent peu de formation politique, se lancent dans la résistance après la victoire alliée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, convaincus que la défaite de l'Axe entraînera la chute de Franco. Tel est leur espoir. Qui meurt dans les pages de ce livre."
Si l'Histoire se fonde sur la vérité, la littérature s'appuie sur la vraisemblance.
Le monde a changé, répéta Goodwin.
- Et pas qu'un peu. Aujourd'hui vous choyez vos ennemis, investissez des millions de dollars en Italie, Allemagne, Autriche, que vous avez transformés en pays démocratiques, auxquels vous avez rendu indépendance, dignité et orgueil. Mais nous, les Espagnols, ne méritons pas ça, nous ne méritons rien, même si nous avons été les seuls à nous battre contre le fascisme. Ce fut peut-être précisément cela notre péché ? Avoir osé être antifasciste sans compter sur vous, sans demander votre permission, sans implorer votre aide providentielle, ces putains de débarquements qui n'auraient servi à rien du tout si Staline n'avait pas avancé sur le front de l'Est. Comme nous avons eu l'audace de ne pas vous être redevables, l'ami de vos ennemis est à présent votre ami, et les ennemis de Franco sont les vôtres. C'est à vomir.
[...]
- Le fasciste qui triomphe grâce à l'aide de l'Axe écrase de sa botte un pays entier, jonché de cadavres, et vous, contre toute logique, vous le bénissez, le soutenez, n'avez pas l'intention de le déranger, ni lui, ni les criminels qu'il protège. Et nous, les Espagnols, continuons d'être tellement cons, tellement naïfs, que nous risquons notre vie tous les jours, en attendant que vous vous rendiez compte que nous existons. Mais non, car pour nous le monde n'a pas changé et ne changera pas. Le monde ne change pas quand on vit sous une dictature.
- J'ai réfléchi, et et je ne comprends pas, murmura-t-elle lorsque nous fûmes seuls. A quoi ça a servi finalement ?
- A rien, répondis-je, ne comprenant qu'à moitié le sens de sa question. Çà n'a servi à rien, car ça n'a pas marché. C'est pourquoi Manolo m'a envoyé une boîte de bonbons vide. Je ne peux pas t'en dire plus, moi-même je ne connais pas les détails.
- En résumé, reprit Azcarate en se penchant pour le regarder fixement, quel est le pourcentage de chance, à ton avis, pour que l'assemblée générale des Nations unies condamne le régime de Franco ?
Manolo alluma une cigarette pour gagner quelques secondes avant de répondre.
- Je peux être complétement sincère ?
- Bien entendu.
- Assez élevé, je crois. En revanche, celui de réussir à déloger Franco du pouvoir est quasi nul...
... sous une dictature il est courant d’être lâche ...
... le sentiment d’impunité dont jouissaient les anciens nazis dans l’Argentine de Perón était encore plus vif que dans l’Espagne de Franco.
Mon oncle voulait me marier, mais moi... Je n’avais pas envie de vivre avec un imbécile qui se serait cru autorisé à me donner des ordres.
- Tournez-vous, soldat Beyer, je veux vous voir.
Ce dernier obéit, toujours impassible.
- J'ai donné un ordre. Vous ne l'avez pas entendu ?
- Si, mon capitaine, je l'ai entendu.
- Et pour quelle raison vous ne l'avez pas exécuté ?
- Parce que je ne peux pas, mon ca^capitaine. Ma conscience m'interdit de tirer sur ces femmes.