Ce tome contient une histoire complète et indépendante, initialement parue en 2010, directement sous forme d'album, sans prépublication. le scénario a été coécrit par
Justin Gray et
Jimmy Palmiotti (qui ont relancé la série Jonah Hex en 2006, à commencer par Face full of violence). Les dessins et l'encrage ont été réalisés par
Tony DeZuniga, artiste ayant déjà oeuvré sur une série précédente de Jonah Hex, voir Welcome to Paradise. La mise en couleurs a été réalisée par Rob Schwager.
Dans la ville de Virginia City dans le Nevada, Jonah Hex vient de mettre fin à la vie d'un hors-la-loi recherché. Il récupère la récompense, et commence direct à en dépenser une partie dans le saloon de ce patelin, en compagnie de dames de petite vertu. Alors qu'il s'en donne à coeur joie, une de ces dames lui apporte un message, sous la forme d'un avis de recherche pour Virginia Dazzleby.
Jonah Hex se met à la recherche de cette femme (sa mère) sans plus attendre. Il arrive rapidement dans un village où il apprend qu'elle a été enlevée par une bande de desperados mexicains. Les retrouvailles vont être compliquées, à bien des points de vue.
Les motivations pour réaliser ce récit étaient doubles : d'une part raconter les "origines" de Jonah Hex (même pas secrètes), d'autre part permettre à
Tony DeZuniga de réaliser une nouvelle histoire du personnage dans des délais de production raisonnables. En effet dans la mesure où il s'agit d'un récit sans prépublication, il a pu disposer d'un temps non soumis aux impératifs mensuels.
Le lecteur retrouve (ou découvre) les dessins très âpres de cet artiste. L'encrage est sec et rêche, avec des tâches de noir pâteuses, des traits présentant des discontinuités, un degré de précision variable en fonction des surfaces représentées, des surfaces hachurées de croisillons, des contours parfois déchiquetés.
Les dessins de DeZuniga arrêtent l'oeil du lecteur. Il peut réaliser des cases sans arrière-plan, avec un encrage pâteux qui brouille les contours des formes, aboutissant à un dessin laid qui ne donne pas envie d'être lu. Il peut également réaliser des cases avec un niveau de détails impressionnant, par exemple une demi-douzaine de personnages chacun avec leur tenue vestimentaire différente, une occupation différente, des expressions de visages spécifiques, etc. dans les cas, il maintient une unité esthétique par le biais de ces contours rugueux.
Au fil des séquences, le lecteur finit par apprécier cette vision abrasive de la réalité. Il constate que même quand les dessins se font esquissés, ils ne perdent rien de leur force d'expression. Lorsque Jonah Hex retrouve sa mère alitée, le lecteur contemple un horrible visage édenté aux contours imprécis et répugnant. Quand la violence éclate (à de nombreuses reprises), elle n'a rien de joli ou d'agréable, les individus se battent de manière brutale, presque bestiale, à l'opposé d'affrontements régis par des règles civilisées.
Si
Tony DeZuniga n'arrive pas à s'affranchir de tous les tics des comics de superhéros, il donne à voir une incarnation de l'ouest américain dominée par la violence, et les conditions de vie difficiles. Cette vision est en cohérence parfaite avec le scénario de Gray et Palmiotti. Jonah Hex n'a pas forcément besoin d'une origine secrète. Les épisodes de la série mensuelle ont déjà raconté les moments clef de sa vie, voir Jonah Hex: Origins.
Malgré tout, ces scénaristes ont réussi à maintenir l'intérêt d'assez de lecteurs pour faire durer la série pendant une centaine d'épisodes, d'abord "Jonah Hex", puis "All star Western". Dès la première page, le lecteur est happé par l'ambiance, de type western spaghetti, avec une approche plus réaliste et moins m'as-tu-vu. Il découvre des pans de l'histoire personnelle de Jonah Hex inconnu (sa mère, un demi-frère, l'histoire d'El Papagayo).
Gray et Palmiotti tirent le meilleur parti possible du format de 130 pages, pour un récit brassant de nombreuses influences issues de tout type de western (aussi bien classiques que parodiques), avec une composante horrifique dépourvue de surnaturel. Contre toute attente, l'histoire de la mère de Jonah Hex s'avère poignante et sa déchéance n'est pas gratuite. Son demi-frère est animé de solides convictions, et révèle un caractère psychorigide ambivalent qui introduit un degré de complexité inattendu.
L'amour du genre western et la maîtrise de ses conventions permettent aux auteurs de réaliser un western personnel très noir, mettant en scène des individus qui échappent à la dichotomie bien / mal, chacun à leur manière prisonnier de leur condition, de leur éducation et des circonstances. Les dessins sans concession de DeZuniga transportent ce récit dans un monde inhospitalier et concret. Malgré quelques clichés, ces qualités narratives tirent le récit vers le haut et permettent aux auteurs d'évoquer quelques aspects de la condition humaine, sous des atours de genre.