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Critique de mariecesttout


"Je suis le présent d'un autre homme , présent qui depuis trente-cinq ans vit à côté du mien, jusqu'à ce que, aujourd'hui, les deux ne fassent plus qu'un seul. Jusqu'à ce que , par la présence d'une voix, que les machines ont conservée au delà de la mort, par la présence de moments et de lieux qu'une opération chimique a fixés dans la matière, je retrouve aujourd'hui en moi la réalité de l'autre."

Eugène Green est cinéaste, et ça se sent dans son premier roman, par l'abondance des dialogues, la construction , et certaines scènes , notamment satiriques envers le milieu universitaire littéraire , qui ont peu être plus de mal à s'intégrer dans le genre " roman". Mais cela importe peu, finalement, car cela construit l'identité du personnage.
Donc, un universitaire parisien, raisonnablement heureux, notamment dans son couple. le roman s'ouvre quand même par une scène avec ses parents, et l'impossibilité complète de communiquer avec son père atteint d'une maladie d'Alzheimer. Avec son fils, la communication semble un peu difficile aussi, du moins au début.Avec son frère, également, ils ne parlent pas le même langage..
Sa tranquillité va être dérangée par un Allemand, venu lui demander des renseignements sur son père, après avoir découvert, après sa mort, des documents qui menaceraient totalement l'image identitaire de ce Munichois.
Oui, Jérôme est bien allé à Munich en 68..:

"Ce qui m'importait, c'était de savoir qui j'étais, et j'ai toujours su que j'étais européen. Etrangement, peut -être parce qu'ils gardaient le souvenir d'avoir assailli les murs de Rome, et que leur participation à la " communauté universelle" n'allait pas de soi, c'est avant tout chez des écrivains allemands que j'ai trouvé un sentiment d'appartenir, à travers la germanité, à quelque chose de plus large , qu'ils identifiaient à l'Europe. Goethe et Thomas Mann ,par exemple. Rilke, l'apatride. Kafka, homme entre plusieurs cultures. Plus tard, j'ai découvert le plus grand, Maître Eckhart, qui a fait le tour du continent, et qui est mort à Avignon.
Pessoa était européen sans quitter Lisbonne, parce que les Portugais sont naturellement universels. Mais les Allemands ne peuvent être ce qu'ils sont que par un effort et dans la souffrance. Moi, je me trouvais dans leur cas.
Au milieu du XXè siècle, quand je suis né, la civilisation européenne était un champ de ruines. En 1968, j'ai eu l'impression, à un certain moment, d'être moi-même une ville dévastée. J'ai senti alors, confusément, que le seul espoir se trouvait dans la voie propre à ma culture, qui était de s'ouvrir au souffle du monde, et de se laisser emporter par l'amour.
J'ai choisi donc l'Allemagne, parce que c'était le pays par excellence de la reconstruction. "

Et c'est même à Munich qu'il a rencontré sa femme qui, elle ,avait fui la Tchécoslovaquie. Ainsi qu'un autre personnage de cette histoire qui lui, venait, disait-il , d'Anatolie.On le retrouvera par la suite.
Et effectivement, il a connu le père de Johann Launer, car celui-ci l'a logé quelques nuits. Allemand de Bohême, juif, né autrichien, puis devenu citoyen tchécoslovaque après la Première Guerre mondiale.
Mais, la mémoire.. ce n'est que par l'écriture , dans son journal, que Jérôme va se souvenir. Et reconstruire l"histoire" de cet allemand. D'après les données qui lui reviennent en mémoire.
C'est un roman passionnant, émouvant, court mais assez dense et complexe, qui procède par couches, qui s'emmêlent très vite; Comme la mémoire..

Mémoire,transmission, identité ( l'identité me semble quand même le thème central ) , construction personnelle et construction de l'Europe , déconstruction, reconstruction.. jusqu'au pied de nez final qui me semble être une excellente définition de ce qu'est vraiment l'identité. Elle n'est en tout cas pas celle que l'on écrit pour vous. Ca, c'est de la littérature.


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