Citations sur Les Pays lointains (102)
Sans avoir été officiellement proclamée, loin de là, la paix semblait aussi sûre que le lever du soleil quand le ciel commence à blanchir derrière les collines; longues et ardues s'annonçaient les discussions sur les modalités d'un accord définitif.
Les longues rangées de volumes aux reliures anciennes couvraient presque entièrement les murs et l'or des titres luisait doucement sur la basane sombre. Ce décor studieux incitait à la quiétude.
-Il faut la laisser, dit-il tristement, elle est malheureuse.
En 180, grand-père Armonstrg, veuf depuis trois ans, aimait mieux lire que de s'occuper de sa plantation. Il détestait les chiffres et se remettait du soin de tout à Silas, le régisseur. Tous les Armstrong avaient la réputation d'être studieux. Trop peut-être. On est studieux, puis on devient trop curieux à force de lire. On veut en savoir trop sur des choses qu'on devrait laisser où elles se cachent.
Les Armstrong sont connus pour une malchance qui les poursuit de génération en génération. Ils se donneraient au diable pour s'en tirer, mais le diable est lui aussi très dur en affaires et il méprise les proies trop faciles. Ne l'intéressent vraiment que les âmes qui se refusent à lui.
-Pourquoi parlez-vous encore du diable ?
-C'est qu'il a fort ç faire à Dimwood.
-Elizabeth, demanda-t-elle, croyez-vous au diable ?
-Naturellement, puisque c'est dans la Bible.
-Moi, je n'ai pas besoin de chercher dans la Bible. Il me suffit de voir le visage de cet homme pour y croire.
Au loin, par-delà les prairies décolorées, le Bois maudit étalait une masse informe de ténèbres. (...)
La pleine lune semblait à elle seule emplir le ciel et frappa par la force étrange qui émanait d'elle. Sans rien dire elles la regardèrent comme si elles la voyaient pour la première fois, mais chaque fois restait toujours la première devant ce globe de lumière qui propageait des ondes de solitude. (...)
Le banc de pierre les attendait un peu plus loin. Rongé par les pluies de tout un siècle et à moitié couvert de mousse, il n'en parut que plus romantique à ces trois personnes déjà grisées par l'éclairage surnaturel qui les enveloppait.
Le temps s'écoulait à Dimwood avec une lenteur qui portait à croire qu'un savant mécanisme retardait à dessein le régulateur des pendules. Dans un coin du grand salon, une de ces vénérables machines qu'on appelait pendules de grand-père s'élevait presque à la hauteur des fenêtres et s'arrondissait comme une contrebasse. Datant d'un siècle dernier, elle avait sonné toutes les heures de la guerre d'indépendance et s'ornait encore du blason royal d'Angleterre en bois doré. A présent elle mesurait l'ennui des après-midi sans fin, car il n'y avait rien à faire dans la noble demeure coloniale de William Hargrove entre le déjeuner au chaud du jour et le dîner au crépuscule.
Quelques jours passèrent sans qu'Elizabeth reçût la visite de Tante Laura. celle-ci, trop fine pour ne pas sentir la présence d'un malentendu entre elle et sa jeune voisine, préférait laisser passer du temps avant de compléter une éducation morale où elle flairait d'étranges lacunes.
(...) l'évêque Elliott habitait une grande maison du temps d'Oglethorpe, très admirée pour l'élégante simplicité de sa façade. Hautes et étroites, les fenêtres se groupaient à gauche et à droite d'une porte peinte en noir et qui à elle seule était un chef-d'oeuvre d'ornementation classique, (...).
De tous côtés, des rayons de livres montaient jusqu'au plafond, parlant d'un savoir immense qui pétrifia Elizabeth.