Citations sur Les Pays lointains (102)
Haute et bavarde, une voix la tira des cruelles délices d'une nostalgie naissante. (...)
Indispensables aux entretiens de famille, ces dispositions favorisaient surtout le bavardage éperdu de Miss Charlotte qui avait toujours mille choses intéressantes à dire. Seule Amélia connaissait le moyen d'élever un barrage, au moins temporaire, à ce flux de syllabes.
Seules dans un coin ses deux valises de voyage lui parlaient de banalités solides, et elle les considérait avec une vague reconnaissance comme des témoins qui ne pouvaient pas mentir et la tiraient de son vertige.
Couché dans son lit, elle se souvint qu'elle avait négligé de faire ses prières.
"Tant pis, pensa-t-elle, je vais les dire dans mon lit. Le Seigneur comprendra."
Quand tu es arrivée, j'étais plongée dans la lecture d'un livre passionnant que tu connais peut-être : le Voyage du Pèlerin. (...) ce trésor a une place de choix dans toutes les maisons protestantes.
Les draperies de mousse grise accueillirent gravement la visiteuse ingénue dans les solitudes interdites...(...). Pas un oiseau ne chantait dans ces bois, pas une cigale n'y frottait ses élytres. Le silence était si profond qu'Elizabeth eut l'impression qu'elle pouvait l'entendre dans un chuchotement sans fin.
Dans des cas pareils, on ouvrait sa Bible, on l'ouvrait au hasard et le livre parlait. Les yeux tombaient sur un verset qui donnait conseil avec une précision quasi magique. Ce jour-là cependant elle hésitait. Le livre lui faisait peur, malgré quoi elle l'aimait d'un amour étrange, fanatique, hérité de sa mère. Elle l'aimait comme une personne.
"Nous vivons dans un monde dont nous ne voyons qu'une partie, dit Miss Llewelyn. certaines personnes ont au moins le pressentiment de l'autre."
Près d'elle, à son coude et dans le rond lumineux qui tombait de l'abat-jour, elle voyait sa Bible reliée en noir, fermée, pleine de muets reproches, mais la jeune fille ne se sentait nullement d'humeur à l'ouvrir et à l'entendre.
-C'est fini. La petite s'est réfugiée dans la mort et elle a détruit notre monde. Nous ne dirons jamais plus les mêmes choses parce que nous ne serons jamais plus les mêmes. Nouss savons tous ce qu'il valait mieux ignorer jusqu'à la fin. (...)
emporté par un flot de paroles qu'il ne maîtrisait plus, il semblait céder à une sourde inspiration venue des régions les plus secrètes d'une conscience torturée.
"Avez-vous jamais lu, poursuivait-elle, dans cette Bible qui vous est si chère comme à nous tous, un seul verset qui justifie l'assassinat d'une âme inexpérimentée par le fanatisme d'un père qui la tuerait non pas une fois, mais chaque jour de sa vie en lui imposant la tyrannie de sa volonté ?"