Proche du western, une traque haletante, écrite comme un road-movie, l'histoire d'une vengeance, et celle d'une fuite. A travers la province de Tabasco, elle ne manquera pas de piquant et l'on s'imagine volontiers par endroits les paysages désertiques parsemés de cactus dans cette partie du Mexique, avant d'apercevoir une bananeraie et de s'enfoncer dans la forêt équatoriale, de plonger accroché à sa mule dans un fleuve, où se prélassent des crocodiles, pour échapper à un escadron de gendarmes et s'enfuir par la montagne toute proche, enfin se réfugier dans la province voisine plus tolérante vis-à-vis de l'Eglise catholique.
Car le fugitif, qui est aussi le narrateur, est un prêtre. Quant à moi, qui suis d'une ignorance crasse en ce qui concerne l'histoire de l'Amérique centrale et du sud, je le confesse volontiers, j'ignorais tout de cet épisode anticlérical dans les années trente ainsi que l'existence des chemises rouges à tendance Marxistes.
Bon, celles et ceux intéressé(e)s trouveront tout cela sur wiki, et j'ai aussi déniché une carte des lieux où s'est rendu ce prêtre, là je vous donne le lien en commentaire (*).
Tout ce que j'ai mentionné est naturellement correct, mais ce récit est bien plus qu'un autre le
Bon (le prêtre), La Brute (le lieutenant) et le Truand (le métis) . Certains prétendent que c'est un roman catholique, se basant vraisemblablement sur la conversion à 22 ans de
Graham Greene. Probablement sont-ils influencés par l'introduction de
François Mauriac que j'ai bien soigneusement éludée, désireux de lui conserver sa part d'absolu. J'ai des doutes et ce livre a d'ailleurs échappé de très peu à la mise à l'index.
Il arrive que d'aucun(e)s, trouvent mes chroniques obscures. Certes souvent, elles ne proposent qu'un éclairage rasant, diffus, propice à la mise en évidence d'un ou l'autre point d'intérêt, laissant intact le plaisir d'une possible découverte. Ce roman, lui, est assez limpide mais d'une noirceur comme rarement. de tous les personnages, je n'ai trouvé que trois âmes qui ne soient pas tourmentées : la jeune et rafraîchissante Carol Fellows, et les deux bons samaritains luthériens Mr Lehr et sa soeur.
J'ai beaucoup aimé le style très classique, sans effets ni comparaisons alambiquées, ainsi que l'introduction avec Mr Tench, cette figure mémorable de dentiste, venu chercher fortune, ou bien …, solitaire égaré, ruiné suite à la dévaluation du pesos. Et j'ai beaucoup aimé son apparition à la fin, quand il vient arracher
le mal à la racine.
Le prêtre est alcoolique, je ne l'ai pas encore mentionné. Il n'est pas le seul à noyer ses doutes et sa solitude dans l'alcool : Mr Tench, le jefe, le métis, … La chaleur est accablante, la misère omniprésente, la faim lancinante, et l'absence d'amour, cruelle. Il n'y a pas que le prêtre, toutes et tous semblent vouloir se fuir, inexorablement. Un vide, un gouffre au fond d'eux-mêmes, étouffant. Dans ce désert d'amour, que de coeurs asséchés à l'abandon ! Aucun des torrents de pluies tropicales ne semblent pouvoir dérider toutes ces âmes racornies (hormis les trois citées plus haut) et moins encore celles de ce lieutenant revanchard et de ce prêtre fugitif.
Et si le prêtre est en état de péché mortel, ne cherchez pas dans la liste des péchés capitaux, c'est pourtant le plus grave de tous : la désespérance. Voilà le coeur de ce roman : la désespérance. Et la motivation pour arrêter la fuite ne m'apparaît pas tant l'orgueil comme donné en justification que l'ultime fuite de soi. Car seule la mort semble alors délivrance. Une mise en garde plus que jamais nécessaire.
Une énigmatique quatrième partie m'a cependant laissé perplexe tant elle me semble avoir été rapportée pour atténuer le propos.
Comment taire cette chanson de Brassens aux paroles de
Francis Jammes qui sont venues peu à peu s'incruster en association ?
https://www.youtube.com/watch?v=1xTHNXIcOCw
Je ne peux m'empêcher non plus de mettre en contre-point la prière païenne de Jacques Brel.
https://www.youtube.com/results search_query=brel+pri%C3%A8re+paienne