Les Terres promises

- fais-moi confiance, mon grand, la chance ne vient pas seule, elle a besoin d’un coup de pouce et qu’on croie en elle.

Ils sont prêts à abandonner le peu qu’ils possèdent pour que leurs enfants vivent en Terre promise. C’est de l’ordre de la croyance, du rêve, vous ne pourrez jamais empêcher un homme de penser qu’ailleurs sa vie sera meilleure, et d’être prêt à tout pour y accéder. Quoi qu’il lui en coûte. Cela s’appelle l’espoir.

- Nous formions un petit groupe d’exilés, on se réunissait pour jouer aux échecs, parler du pays, on refusait qu’il se joigne à nous.
- Ah oui, les Incorrigibles Optimistes.
- Comment es-tu au courant ?
- Qu’est-ce que tu crois ? Dès que quatre Russes se réunissent quelque part, en Russie ou n’importe où dans le monde, nous le savons et nous recevons un rapport détaillé. Mais vous ne représentiez guerre d’intérêt.
(pages 461-462)

À minuit passé, l’Arno était monté d’un mètre en une heure, des branchages, des fûts, des bidons, des déchets de toutes sortes étaient emportés par une cataracte, se fracassaient sur les piles des ponts, soulevant des gerbes d’écume qui nous éclaboussaient, mon copain a dit que le fleuve coulait à soixante kilomètres-heure.
(pages 303-304)

D’après toi, combien y a-t-il de livres à lire ? Des millions. Plus que d’étoiles dans le ciel. Combien de centaines de milliers de livres passionnants à côté desquels nous allons passer ? Combien de milliers d’auteurs remarquables dont on ne saura rien, comme s’ils n’avaient pas existé ? Quel gâchis !

Au cours de cet été 62, la lutte entre les factions du FLN fut féroce, une guerre civile qui fit près de quatre mille morts, les fusillades nocturnes empêchaient les Algérois de dormir. Le 9 septembre, l’armée des frontières conduite par le colonel Boumédiène entra dans Alger, le gouvernement provisoire capitula, seule la Kabylie fit dissidence. Ben Bella, devenu chef du gouvernement, et Boumédiène, ministre de la Défense, organisèrent des élections où leur seule liste fut présentée et obtint 99 % des suffrages. Le FLN avait conquis le pouvoir, les opposants furent pourchassés et éliminés, règlements de compte et liquidations de suspects durèrent jusqu’à la fin de l’année, la Kabylie fut pacifiée de force, la population, fatiguée de la violence, n’intervint pas plus que les Français qui étaient restés.
La guerre était finie.
(page 215)

Nous cloîtrons nos émotions et nos états d’âme comme des bien précieux dans le coffre-fort de notre bonne éducation, tenant à distance de nos sentiments ceux que nous aimons, et cette délicatesse nous éloigne finalement les uns des autres.
(page 38)

La terreur stalinienne n'a pas seulement éliminé des millions d'innocents, elle a tué l'idée même du communisme, le rendant à jamais complice du pire régime politique de tous les temps.

En réalité, il n’y a jamais de décision irréfléchie. Il y a des raisons latentes qui couvent comme un geyser et finissent tôt ou tard par exploser. Ou pas.

À chaque arrivée d’un Président ou d’un Premier ministre étranger, à chaque événement sportif, une poignée de refuzniks (1) agitaient leurs armes dérisoires. Ils protestaient, criaient, se faisaient rouer de coups et condamner, mais ils recommençaient : Nous n’avons plus rien à perdre, ils nous ont tout pris, notre métier, notre logement, notre avenir. Il nous reste l’espoir de partir et ils ne pourront jamais nous l’enlever.
(page 510)
1 : juif soviétique auquel les autorités refusaient l'autorisation d'émigrer.