Citations sur Les heures suspendues selon Hopper (35)
Peindre, c'est d'abord s'isoler. C'est d'abord une solitude. Et les lieux sont importants, bien sûr. Ils nous portent ou pas. Ils nous donnent un souffle.
Il n'a jamais cherché à "faire joli", mais à retranscrire ce qu'il ressentait au plus profond de lui.
Croyez-le ou pas, inexplicablement, bouger, casser la routine, provoque comme un élan, une nouvelle énergie mentale. Je l'ai souvent constaté.
“L’année où tout commençait à bien marcher pour moi, j’ai croisé Ed, un grand ange noir qui traînait sa misère. Je l’ai aidé. Je l’ai imposé dans de belles galeries. Et il y a eu comme un renversement. Un équilibre qui s’est peu à peu inversé. On s’est arraché ses toiles quand les miennes ne connaissaient plus que l’enfer.”
“Le soir descend sur Cape Cod. Et ce sont encore des vers français qui me viennent aux lèvres. Cet été-là, Ed avait fait provision de livres dans une librairie de New York. L’Appel de la forêt, de Jack London, Frankenstein, de Mary Shelley, Psychopathologie de la vie quotidienne, de Freud (les actes manqués, tout un programme), et Les Fleurs du mal, de Baudelaire.« Tu réclamais le soir, il descend, le voici »…”
Entre nous, c’était intense, dès le début, mais très vite nous ne nous sommes recherchés que pour mieux nous écorcher.
Quand on partait pour Cape Cod, nous étions heureux comme des gosses. Je surprenais Edward à chantonner, parfois même à sourire. Le miracle ! Même chez ses personnages, vous pouvez chercher longtemps l’ombre d’un sourire.
Nous fuyions, tant que possible, les cocktails et les pince-fesses. Surtout Ed. Moi j’étais un animal plus sociable. J’aime les gens, j’aime leur parler. Trop, beaucoup trop selon Edward, secret de nature et cachottier comme une vieille persienne.
Vous remarquerez que « ses femmes » ne ressemblent en rien à la brave et sage ménagère, au cordon bleu dévoué perdu dans sa cuisine. Elles sont tour à tour pin-up, secrétaire, passante, cliente de bar… Rêveuses et inaccessibles, instruites aussi, souvent un livre à la main.
Rien cependant que des figures solitaires, un peu lasses et sans grande volupté. Même chez son atroce strip-teaseuse aux mamelons rouge vif. Une guerrière au mollet musclé qui entre en scène « comme on va-t-en-guerre ». «La chair est triste hélas »…
« Aucune intention narrative » dans ses tableaux, disait-il, mais avec Jo, son épouse, ils avaient l’habitude de donner des noms aux différents personnages des toiles. Et ils leur inventaient une vie, des habitudes…
Qu’avaient-ils imaginé pour Cape Cod Evening ?
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Chaque tableau d’Hopper est une énigme. « Il crée une tension telle qu’il force le spectateur à en imaginer la suite » assure Wim Wenders