La Morsure des roses

Mélangeant tragédie grecque, drame shakespearien et mythologie nordique, Christophe Guillemain élabore une fable baroque qui s'articule autour d'un Olympe rebaptisé mont Eremion, d'un piètre avatar d'un mix d'Odin et Zeus, d'incarnations de Harpies nécromanciennes semant le chaos, d'une demi-déesse crédule et d'une reine aux allures d'une Lady Macbeth versatile. le récit alterne de manière anecdotique le passé et se concentre sur un présent qui nous entraîne dans les méandres d'un monde nébuleux ou les protagonistes se voient confrontés à leurs angoisses, leurs doutes et l'impact de leurs sentiments. Il nous plonge dans les antagonismes d'une sororité, issue d'un dieu tout-puissant empli d'ambiguïté, qui s'entredéchire pour une hégémonie hypothétique ou simplement conquérir leur liberté, au coeur d'un univers à peine esquissé abritant une monarchie improbable en pleine déliquescence. D'un côté on découvre un royaume aux moeurs dissolues ou tout n'est que luxe et extravagance, sorte de Versailles dégénérescent, gouverné par un roi apathique en proie aux complots et à la traîtrise et de l'autre, des divinités dotées de pouvoir étranges, imbues de suffisance et de duplicité, s'efforçant à toute force de nuire à un père dont l'amour est aussi étouffant qu'équivoque. L'histoire est surtout développée par l'entremise de Caelynn, la plus jeune et la plus vulnérable des cinq soeurs qui mène une sorte de quête salvatrice. Elle est dès le départ assimilée par sa soeur à un pion- renvoi à Alice au pays des merveilles- et c'est ce que tout au long du récit elle restera, manipulée de tous côtés, dépassée par les évènements, paralysée par son manque de lucidité et sa consternante ingénuité. Globalement, les personnages manquent de relief, de constance comme de profondeur, fades, sans attrait et en définitive, leur destin ne suscite guère d'intérêt. Les affrontements, intensifiés par de terribles sortilèges se succèdent, entrainant les héros au fond de sombres labyrinthes ou d'inconcevables choix vont s'imposer. Pour autant, La Morsure des roses ne se distingue ni par son originalité, ni par son imaginaire ou ses personnages. L'ensemble n'offre qu'une ébauche superficielle d'histoire, une création lacunaire pas plus captivante que remarquable.
Au final, on ne discerne pas vraiment d'intrigue effective ou de situations passionnantes. le récit se développe sur fonds de conflits larvés et peut se résumer à un enchaînement de querelles internes, de rivalités entre divinités licencieuses et de vengeances. Une vulgaire affaire de famille teintée de Dark fantasy sur fond d'enjeux de suprématie cosmique s'apparentant plus à un délire surréaliste qu'à une promesse d'avenir glorieux. On est bien loin de la poésie subtile et de la profondeur complexe qui caractérisaient L'enterrement des étoiles, le précèdent ouvrage de l'auteur.