C’étaient de vrais Arabes, non plus déguisés en Européens comme ceux de mes compagnons d’armes dont l’uniforme tournait la France en dérision, mais au naturel, coiffés de la chéchia sous laquelle on les dirait si sourds aux bruits de la vie, si bien nés pour le silence, que je les regardais comme s’ils eussent eu l’expression à venir de ma physionomie dans l’au-delà, et prêtais à leurs visages la terreur de la mort que dénotait le mien dans leur patrie.
Bousculé par des porteurs d’eau dont je n’avais pas écouté la clochette, je longeais les remparts de la ville d’où j’apercevais l’olivier et le térébinthe qui ombrageaient les bois sacrés, et sous les oléandres en fleurs atteignais la mosquée.
Oh ! mosquée où pénètre, telle une preuve de Dieu, la lumière irradiée par les tapis du sol pareils à des vitraux, religion si simple qu’elle appelle les âmes d’enfants et semble puiser d’eux son ardeur, minaret vers lequel montent du marché les effluves exotiques, ceux de fruits qui ne révèlent leur mystère qu’en perdant la vie dans la putrescence, en une fête odorante comme un encens pour chanter le paradis – tout ceci entourait le temple d’un miracle, et j’y goûtais l’illusion de me promener moins dans ce pays que dans le souvenir que j’en aurais gardé. (p. 76)