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Critique de kuroineko


Yaa Gyasi signe avec No home (titre original : Homegoing... pourquoi ne pas l'avoir gardé pour la parution française si c'était pour remettre un titre en anglais?) son premier roman. Et quel roman! Sept ans de travail et de recherches lui ont été nécessaires pour aboutir à une chronique familiale courant sur deux siècles et demi. le résultat en est un récit abouti, maîtrisé et, surtout, vibrant de véracité et d'émotions.

Tout débute au milieu du XVIIIème siècle dans une région d'Afrique nommée la Côte de l'Or, qui deviendra deux siècles plus tard le Ghana. Y vivent plusieurs tribus dont les Fantis sur le littoral et les Ashantis plus à l'intérieur des terres. En donnant le jour à deux enfants de pères - et tribus -différents, Maame fonde deux branches généalogiques au destin divisé. La première de ses filles, Effia la Belle, grandit dans un village fanti associé aux Anglais du fort Cape Coast dans le commerce d'esclaves.
Quant à sa demi-soeur, Esi, née et élevée chez les Ashantis, une razzia sur sa communauté l'envoya dans les cachots infects du fort. Sa branche de l'arbre généalogique arrachée à la terre d'Afrique, elle resta enfermée avec des dizaines et des dizaines d'autres femmes dans une pièce petite et sans ouverture autre que la porte verrouillée. Sale, piétinant jusqu'aux chevilles dans une pestilencielle masse de terre nue, d'urine et d'excréments, en proie aux angoisses et aux assauts des gardes britanniques, des semaines en enfer, avant d'être envoyée, marchandise humaine, enchaînée dans les cales d'un navire, dans une plantation du Sud des États-Unis. Tomber de Charybde en Scylla...

Si le récit suit une progression chronologique, il n'est pas à proprement parler linéaire. Chaque doublon de chapitres concerne une nouvelle génération issue des deux demi-soeurs qui jamais ne se rencontrèrent. Les évolutions et aléas de l'Histoire se révèlent à travers les histoires des descendants de Maame. Une partie en Afrique, entre vie tribale et occupation croissante des Blancs. Lautre aux États-Unis, entre esclavagisme, ségrégation raciale et vie entre l'Alabama et Harlem.

Les nombreuses recherches de l'auteure permettent une véritable plongée dans ces vies tourmentées. J'y ai découvert beaucoup de choses, à commencer par les structures sociales et les modes de vie des Akans, terme générique rassemblant Ashantis et Fantis.
Mais les propos didactique ne sont pas, loin de là, les seuls atouts de No home. le roman est servi par une belle narration qui fait la part belle aux émotions et sentiments qui agitent les divers membres de cette vaste famille. C'est avec peine que j'ai laissé la dernière génération en refermant l'ultime page du livre. Yaa Gyasi, née au Ghana avant de partir vivre aux États-Unis avec ses parents à l'âge de deux ans, n'a pas seulement mis ses connaissances au service du récit; on sent que celui-ci est rédigé aussi avec les tripes.

A l'image d'écrivains comme Toni Morrison ou Alex Haley, Yaa Gyasi s'inscrit avec ce premier roman dans un courant littéraire explorant les conditions de la population noire en Amérique. Et elle joue d'emblée, à mon avis, dans la cour des grands.
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