Une histoire de sorcières qui se passe au XVIIe siècle, voici qui promet d'être intéressant… Sabbat, conversations avec le diable et chasse aux sorcières. S'il est question de ce dernier sujet, le roman s'inspirant d'un procès qui a eu réellement lieu, cela ne sera jamais traité qu'en arrière-fond. Si pour certains cela a été particulièrement déceptif, pour ma part j'ai bien aimé ce roman malgré quelques maladresses.
Lancashire, 1612. Fleetwood Shuttleworth est mariée à Richard depuis quelques années et leur bonheur serait complet si elle parvenait à mettre au monde un enfant. Trois grossesses se sont soldées par autant de fausses couches, et pour cette quatrième, rien n'est gagné depuis que Fleetwood a trouvé une lettre de son obstétricien informant Richard qu'elle ne survivrait pas à une nouvelle grossesse. C'est pourquoi, lorsqu'elle fait la rencontre d'Alice Gray, une sage-femme taciturne qui sera accusée de sorcellerie, elle fera tout pour la sauver… on peut aisément imaginer qu'en 1612, il est difficile pour une femme, même bourgeoise et mariée au futur shérif du comté, de pouvoir remuer ciel et terre. Hé bien, pas dans ce roman, qui fait un peu fi de la réalité d'alors : Fleetwood va par monts et par vaux à cheval, dans tous les milieux, frappe à toutes les portes que le réseau de son mari peut lui ouvrir. Et tant pis si elle vit une grossesse à risque, souci qui est relégué au fin fond de son esprit courageux, sans que jamais il ne soit un obstacle. Et pourtant, comme l'annonce la quatrième de couverture, « Être une femme est le plus grand risque qui soit » (merci
Michel Lafon pour cette phrase profonde sans aucune once de cliché !).
Bon d'accord je prends cette phrase au premier degré. Et pourtant, malgré son côté ridicule, elle souligne un point que j'ai aimé dans le roman : le fait qu'il était grandement facile à cette époque pour une femme (puisque c'est à celles-ci que revenait cet honneur) d'être accusée de sorcellerie. Il suffisait d'être plus ou moins en dehors de la société, d'être trop proche de la nature et notamment d'avoir une solide connaissance des plantes médicinales, ou tout simplement d'être l'objet de rumeurs, d'envieux ou d'une simple méchanceté… cela pouvait aller très vite, et une fois dans le collimateur de la justice, ici d'un shérif ambitieux qui souhaite plaire au Roi et assurer sa retraite, c'était fini… Donc oui, il n'y a pas beaucoup de sorcières malgré le titre et sa promesse, mais le thème me paraît malgré tout respecté, sous un angle intéressant.
Ce qui donne un curieux mélange entre ce cadre historique ancien et les pensées plutôt modernes de Fleetwood : cette jeune fille (elle n'a que dix-sept ans) d'un courage hors normes, s'entiche d'Alice et tiendra tête à tout le monde pour la sauver : Richard, sa mère, etc. Alice, la seule amie qu'elle eut dans sa vie, traumatisée qu'elle par un événement marquant (on ne pourra que deviner ce dont il s'agit) et par le manque d'amour de sa mère, puis celui, malgré tout temporaire, de son mari. Je ne sais pas si à cette époque, une femme ayant fait un mariage arrangé, se souciait tellement de l'amour de son mari, ni pouvait se mouvoir aussi librement que le fait Fleetwood. Je me suis laissé guider malgré tout dans cette lecture avec un certain plaisir.