Dans l'historiographie de la fin de l'empire romain, le livre de
Kyle Harper semble marquer un jalon capital, pour preuve le battage médiatique intense de ces derniers mois en France.
Les terrains de prédilection de Harper sont le climat et le sanitaire, sur ces deux plans il expose les preuves que les derniers siècles de l'Empire n'ont pas été favorables et démontre de façon assez convaincante que ce fut décisif.
L'Antiquité tardive fut victime de pandémies sévères telles que l'on n'en avait jamais connu : peste antonine (IIème siècle, épidémie de variole), peste de Cyprien (IIIème siècle, probablement fièvre hémorragique) enfin last but not least, la (vraie) peste de Justinien (VIème siècle) qui laissa la population exsangue. Sur la durée la chute démographique fut spectaculaire, de 75 millions sous Auguste l'empire se retrouva de 20 à 30 millions au VIème. La baisse de population fut telle que les scientifiques ont du mal à savoir où se trouvaient les survivants, des villes et villages millénaires ayant tout simplement disparu. de quoi affaiblir définitivement l'Empire particulièrement sur ses effectifs militaires pour protéger des frontières toujours menacées par les barbares.
Pour ne rien arranger, l'Optimum Climatique Romain (OCR) qui avait prévalu lors des années fastes va se changer progressivement en Petit Age Glaciaire au V/VIème siècles avec des impacts très négatifs sur l'agriculture faits de crues et de sécheresses aussi inhabituelles que sévères.
L'aridité que connu l'Asie centrale poussa des peuples à partir vers l'ouest ce qui repoussa d'autant les voisins de l'Empire. Comme celui-ci était militairement affaibli les germains et bien d'autres envahirent le sanctuaire romain de l'ouest.
Kyle Harper a bénéficié des avancées majeures de sciences de l'environnement (Dendrologie, Anthracologie, Carpologie, Phénologie, Palynologie…etc) pour étudier les variations du climat ce qui faisait défaut aux historiens d'autrefois qui, limités aux écrits, n'intégraient pas l'environnement dans leurs théories de la fin de l'Empire.
Exit donc le confort et la débauche comme causes de la décadence romaine et les raisons financières n'étaient que la conséquence d'une démographie et d'une économie en chute libre. Quant aux raisons religieuses,
Kyle Harper semble développer l'idée, peu évidente, que le christianisme romain a vécu la chute de l'Empire avec fatalisme comme devant l'Apocalypse attendue.
Dans la controverse sur l'effondrement de l'empire romain d'occident vs une continuité entre l'Antiquité tardive et le Haut Moyen Age la thèse de Harper plaide pour la première hypothèse.
Pour le lecteur néophyte l'ouvrage est d'une grande richesse et offre une synthèse très satisfaisante, parfois ardue sur les données médicales et climatiques.
Une fois encore l'historiographie démontre qu'elle est en perpétuel mouvement et rien n'est jamais définitif en la matière. Harper défend une thèse, très pointue, sur des domaines précis avec le risque de les sur-pondérer, ses futurs collègues se chargeront de rééquilibrer les connaissances.