AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,11

sur 42 notes
5
8 avis
4
5 avis
3
1 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Comment s'est-il effondré, justement ?
Edward Gibbon avait une réponse, elle se trouve dans le titre de son livre « Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain », un chef d'oeuvre en son temps, et que l'on lit toujours.
Plutôt que su la décadence, les historiens du XIXème siècle, époque de la montée des nationalismes, mirent sur l'accent sur les invasions barbares ;
Le vingtième siècle, lui, sous l'influence entre autres du marxisme, privilégia les causes économiques.
Notre époque, elle, préoccupée par les questions environnementales, cherche une réponse du côté de phénomènes naturels, climatologiques, épidémiques.
C'est peut-être tout cela à la fois, une synergie entre ces différents éléments ; telle est en tout cas la conclusion de Kile Harper, qui privilégie cependant dans son livre l'explication environnementale.
Je ne m'essaierai pas à une analyse détaillée de cet ouvrage épais et dense, synthèse passionnante de nombreuses recherches, et me bornerai à en dégarger quelques lignes directrices.
Le climat de la terre n'a jamais cessé de changer sous l'influence de divers phénomènes naturels tels que l'activité solaire, les variations de l'orbite terrestre et de l'inclination de la planète sur son axe, l'activité volcanique, sous l'influence desquels l'ère quaternaire a vu alterner périodes glaciaires et intervalles interglaciaires, plus brefs. le dernier intervalle interglaciaire, l'Holocène, a débuté il y environ douze mille ans et se poursuit toujours ; c'est lui qui a permis l'éclosion des civilisations humaines.
Il est cependant loin d'avoir connu un climat homogène ; les facteurs environnementaux, toujours à l'oeuvre, ont fait alterner de petits âges glaciaires et des périodes plus clémentes, appelées optimum climatique.
Rome s'est particulièrement développée au cours d'une de ces périodes, d'environ 200 ans avant à 150 ans après J.C., correspondant aux derniers siècles de la République et aux premiers de l'Empire. Cet optimum climatique romain a, parmi d'autres facteurs, permis le développement de l'Empire le plus vaste (à l'exception de quelques dominations éphémères de quelques dizaines d'années) et le plus durable de l'histoire mondiale; est venue ensuite une période de transition, jusqu'à l'année 450 environ, marquée par une certaine instabilité climatique, et correspondant à un déclin de la puissance impériale ; un petit âge glaciaire lui a succédé ; il vit la chute de l'Empire Romain d'Occident et le déclin marqué de l'Empire d'Orient.
Mais le développement de l'Empire et les brassages de populations humaines et animales vivant dans des biotopes divers normalement séparés, parmi d'autres facteurs, ont provoqué plusieurs pandémies, qui ont considérablement affaibli l'Empire en leur temps.
La première, connue sous le nom de Peste Antonine (probablement la variole), la moins grave, aurait pourtant tué un dixième de la population de l'Empire ; elle marqua la fin du Siècle des Antonins, probablement l'âge d'or de Rome.
La deuxième, proprement la première peste proprement dite, éclata en 249, et dura pendant deux siècles ; on notera que c'est en 250 qu'un refroidissement plus marqué permit aux Germains de passer le Rhin gelé à pied sec, première des vagues d'invasion importante.
La dernière, la Peste de Justinien, s'ajoutant aux effets d'un refroidissement climatique, mit fin au relèvement de l'Empire , qui avait même pu commencer avec succès la reconquête des territoires perdus de l'Empire d'Occident ; un siècle après, il ne restait plus de l'Empire d'Orient qu'une partie de l'Anatolie et des Balkans.
Disons-le à nouveau, ces facteurs n'expliquent pas à eux seuls la totalité de l'histoire de Roma ; mais ils ont fonctionné comme une infrastructure interagissant avec diverses superstructures, facteurs économiques, politiques, militaires, démographiques, idéologiques.

Commenter  J’apprécie          171
Tous les ingrédients d'un excellent livre d'histoire sont réunis.
1. Renouvellement en profondeur de l'histoire. Grâce aux dernières recherches archéologiques et climatiques, l'interprétation nouvelle et convaincante de la chute de l'empire romain fait frémir.
2. Un style littéraire agréable. Difficile de s'ennuyer dans ce livre grâce à la prose simple de l'auteur. Il nous fait vivre beaucoup d'événements grâce à des descriptions bien dosées. On assiste, à travers les yeux de quelques auteurs contemporains, aux périodes critiques de l'empire romain.
3. Une argumentation claire et nuancée. Tout (ou presque) est bien expliqué dans ce livre. Mais surtout, l'auteur ne cède pas au déterminisme. En plus d'aborder les épidémies et changements climatiques qui ont participé à l'effondrement de l'empire, l'auteur fait la part belle aux actions humaines, aux choix politiques, bref aux hommes qui ont affronté les épreuves. On vit, avec eux, la violence et le désespoir liés à la chute progressive (l'auteur insiste énormément sur le côté "progressif") de l'empire romain.
Commenter  J’apprécie          90
Dans l'historiographie de la fin de l'empire romain, le livre de Kyle Harper semble marquer un jalon capital, pour preuve le battage médiatique intense de ces derniers mois en France.

Les terrains de prédilection de Harper sont le climat et le sanitaire, sur ces deux plans il expose les preuves que les derniers siècles de l'Empire n'ont pas été favorables et démontre de façon assez convaincante que ce fut décisif.

L'Antiquité tardive fut victime de pandémies sévères telles que l'on n'en avait jamais connu : peste antonine (IIème siècle, épidémie de variole), peste de Cyprien (IIIème siècle, probablement fièvre hémorragique) enfin last but not least, la (vraie) peste de Justinien (VIème siècle) qui laissa la population exsangue. Sur la durée la chute démographique fut spectaculaire, de 75 millions sous Auguste l'empire se retrouva de 20 à 30 millions au VIème. La baisse de population fut telle que les scientifiques ont du mal à savoir où se trouvaient les survivants, des villes et villages millénaires ayant tout simplement disparu. de quoi affaiblir définitivement l'Empire particulièrement sur ses effectifs militaires pour protéger des frontières toujours menacées par les barbares.

Pour ne rien arranger, l'Optimum Climatique Romain (OCR) qui avait prévalu lors des années fastes va se changer progressivement en Petit Age Glaciaire au V/VIème siècles avec des impacts très négatifs sur l'agriculture faits de crues et de sécheresses aussi inhabituelles que sévères.
L'aridité que connu l'Asie centrale poussa des peuples à partir vers l'ouest ce qui repoussa d'autant les voisins de l'Empire. Comme celui-ci était militairement affaibli les germains et bien d'autres envahirent le sanctuaire romain de l'ouest.

Kyle Harper a bénéficié des avancées majeures de sciences de l'environnement (Dendrologie, Anthracologie, Carpologie, Phénologie, Palynologie…etc) pour étudier les variations du climat ce qui faisait défaut aux historiens d'autrefois qui, limités aux écrits, n'intégraient pas l'environnement dans leurs théories de la fin de l'Empire.

Exit donc le confort et la débauche comme causes de la décadence romaine et les raisons financières n'étaient que la conséquence d'une démographie et d'une économie en chute libre. Quant aux raisons religieuses, Kyle Harper semble développer l'idée, peu évidente, que le christianisme romain a vécu la chute de l'Empire avec fatalisme comme devant l'Apocalypse attendue.

Dans la controverse sur l'effondrement de l'empire romain d'occident vs une continuité entre l'Antiquité tardive et le Haut Moyen Age la thèse de Harper plaide pour la première hypothèse.
Pour le lecteur néophyte l'ouvrage est d'une grande richesse et offre une synthèse très satisfaisante, parfois ardue sur les données médicales et climatiques.
Une fois encore l'historiographie démontre qu'elle est en perpétuel mouvement et rien n'est jamais définitif en la matière. Harper défend une thèse, très pointue, sur des domaines précis avec le risque de les sur-pondérer, ses futurs collègues se chargeront de rééquilibrer les connaissances.

Commenter  J’apprécie          517
Les recherches historiques disposent de moyens scientifiques et techniques qui ont été longtemps inimaginables, ceux issus de sciences de la vie et du climat. On peut séquencer l'ADN des restes biologiques issus des fouilles archéologiques et suivre l'évolution des virus; on peut déterminer les maladies qu'a connu un homme à partir de son squelette. Les cernes de croissance d'un arbre ou les carottes glaciaires nous renseignent sur l'évolution du climat. On peut dater des explosions volcaniques à partir de minuscules résidus archéologiques. Ecrire cette histoire nécessite de croiser de nombreuses données issues de sciences que l'historien classique ne maîtrise pas . Cela nécessite prudence et modestie. Mais combien cela est fascinant.

L'histoire n'est pas que le fait des hommes et des structures qu'il a placé à la surface du globe, l'histoire est aussi celle de Yersinia pestis et de l'oscillation nord atlantique. La grandeur de Rome est survenue pendant une période climatique appelé l'optimum climatique romain, un climat chaud et humide qui a favorisé les cultures et l'expansion romaine. La crise du IIIème siècle est corrélée avec une épidémie dite "peste de Cyprien" (une forme de fièvre hémorragique). Attila et ses hommes ont déferlé sur l'Empire peut être en raison d'une forte sécheresse dans les grandes plaines centrales liée à l'oscillation nord atlantique. Il a finalement quitté Rome pour protéger ses hommes des maladies et infections qui sévissaient dans ce bouillon de culture et contre lesquelles ils n'étaient pas immunisés.
Une relecture fascinante et très instructive de l'histoire romaine !
Commenter  J’apprécie          40
L'essai de Kyle Harper, de manière inévitable, agit sur nous comme un miroir face aux temps que nous traversons.
Jusqu'à présent la chute de l'Empire romain nous était contée comme la conséquence de la décadence de ses dirigeants et de son goût immodéré pour la luxure. Une vision un peu romancée et certainement moralisatrice de nos vices.

Kyle Harper va plus loin que la vision humaine de ce déclin. Il nous l'explique en y intégrant des forces qui nous dépassent et qui pourtant sont le fruit de notre expansion, économique certes mais également territoriale et démographique. Car l'Empire romain s'est étendue jusqu'aux confins du monde connu et a entraîné avec lui l'ensemble de l'humanité, exceptée, cela va de soi, ceux d'Amérique échappant ainsi aux bouleversements provoqués par l'appétit romain.
Ces forces sont celles que nous percevons de loin comme un bruit sourd qui nous accompagne dans chacune de nos actions. Ces bruits dérangeants sont les changements climatiques et les maladies pandémiques qui déjà du temps des Romains étaient perceptibles en arrière fond d'un monde de plus en plus interconnecté. Ainsi la peste antonine du IIIème siècle qui a vue éclore, de manière irrévocable, le Christianisme comme réponse religieuse face à un mal qui nous semblait incurable et venu de loin. Nos rapports ont dès lors été bouleversés pour affronter une mort de masse qui n'épargnait personne, pas même nos dirigeants que l'on pensait semi-divins. Seule réponse possible, la fraternité qu'offrait cette religion basée sur l'amour de son prochain.

Ainsi, Kyle Harper détourne notre vision humano-centrée sur un événement majeure de notre histoire. Et son essai résonne comme un avertissement ou mieux, comme une préparation face à ce qui va inexorablement se produire. Comme la montée d'un extrémisme religieux pour répondre à des problèmes qui semblent échapper aux hommes. Et comment ne pas voir un préambule à ce qui nous attend quand Kyle Harper nous évoque l'invasion des Huns vus comme les premiers réfugiés climatiques de l'Histoire, poussés vers l'Ouest afin d'échapper au « Dust Bowl », ces fameuses tempêtes de poussière ? Ces « barbares » pour les Romains porteurs de la civilisation sont intervenus dans leurs affaires, non pas uniquement par opportunisme mais avant tout par nécessité afin de fuir la fatalité.

Enfin, comment ne pas voir comme un message évident nous étant lancés à la page 403 :« Les hiérarchies bien distinctes caractéristiques de la structure sociale romaine se sont embrouillées, cédant la place à une opposition drastiquement simplifiée entre les possédants et ceux qui n'avaient rien » ? À méditer…



Commenter  J’apprécie          31
Dans The Fate of Rome (2017) (en français Comment l'Empire romain s'est effondré : le climat, les maladies et la chute de Rome), Kyle Harper fait pour l'empire Roman ce que Jared Diamond fait pour les civilisations antérieures dans de l'inégalité parmi les sociétés. En somme, il examine la chute de Rome d'un point de vue environnemental, climatique et épidémiologique. Un tableau captivant. Avant tout, il pose la toile de fond : malgré son échelle inédite et ses accomplissements, l'empire reste essentiellement rural (à 80%). La survie dépend du bon vouloir de la pluie et l'espérance de vie moyenne est très basse (peut-être 25 ou 27 ans), la faute notamment à la prégnance de toutes sortes de maladies infectieuses liées à la promiscuité et à l'absence de théorie des germes. La plupart des gens étaient petits, la faute à une nutrition imparfaite et surtout à l'assaut des maladies pendant l'enfance. Si les toilettes publiques de Rome sont célèbres, c'est oublier les toilettes privées, qui n'étaient pas reliées à un système centralisé. À Rome, la mortalité doublait à la fin de l'été et l'automne : la faute aux maladies intestinales transmises par l'eau et la nourriture, à la typhoïde et surtout à la malaria, véhiculée par les moustiques.

La grande force de Rome, c'était sa capacité à absorber les autres peuples et croyances, notamment en se liant aux aristocraties locales. Rome a été la première ville à atteindre le million d'habitants, vers le premier siècle, exploit qui ne sera pas répété avant Londres au 19ᵉ. Au milieu du deuxième siècle, l'empire héberge 75 millions d'habitants, soit un quart de la population mondiale. L'auteur précise que la plupart des visions de Rome supposaient tacitement un environnement stable : or, on le verra, ce fut loin d'être le cas.

L'article complet sur mon blog :

Lien : http://lespagesdenomic.blogs..
Commenter  J’apprécie          20
Un livre plein d'actualité : changement climatique et pandémie dans un petit empire globalisé ont participés à sa chute...
Un travail universitaire parfaitement chiffré et documenté, qui prend toutes les pincettes nécessaires afin de rappelé qu'il existe encore des coins d'incertitudes pour la discipline
Lien : https://www.jusedda.com
Commenter  J’apprécie          10
Ecoutée en version audio américaine de "The fate of Rome" j'ai apprécié le point de vue original de ce livre sur la (longue) fin de l'empire romain. Aux explications habituelles qu'il ne conteste pas l'auteur ajoute les conditions climatiques et épidémiologigues commes facteurs essentiels. Il s'appuie sur les recherchent les plus récentes pour étayer son propos. Au delà de la connaissance du passé, ce livre a un intérêt par rapport aux changements climatiques actuels et aux défis qu'ils posent à nos civilisations.
Commenter  J’apprécie          10

Autres livres de Kyle Harper (1) Voir plus

Lecteurs (148) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3213 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}