Citations sur La stratégie des antilopes (26)
Dieu ne pouvait peut-être pas se bagarrer contre tous les fauteurs. Je crois toujours en lui, parce que sinon ce serait trop risquant. Mais il n'est plus toute nos chances et je ne compte plus du tout sur lui comme auparavant.
Le génocide peut se photographier après...
Pour convaincre les esprits incrédules et contrecarrer les négationnistes.
Mais l'intimité du génocide appartient à ceux qui l'on vécu, à eux de devoir la dissimuler, elle ne se partage pas avec n'importe qui.
La mort n'est plus angoissante, je n'espère pas son arrivée, mais elle ne fait plus peur. La mort amène le repos aussi. Dans les marais, on voyait que les morts se trouvaient exemptés de menaces, de courses, surtout de coups de machette.
On parle moins du passé. Ce n’est pas l’oubli, mais le temps, qui nous propose des améliorations. Toutefois quand la sécheresse se présente, quand l’argent se cache, quand la nourriture se fait rare, la peur se présente à la porte… Quand le visage se lasse, quand la terre ne donne rien sauf des problèmes, quand on ne trouve plus de parents sur qui s’épauler, tous les souvenirs du génocide se montrent de nouveau très préoccupants.
Il arrive qu 'on se demande pour la millième fois comment des tueries ont pu se poursuivre cinq semaines durant, dans un paysage aussi exposé, offert à la vue depuis toutes les collines et les montagnes environnantes, ou visibles du ciel par avion ou hélicoptère, sans qu'aucune armée onusienne, burundaise ou française ne tire un obus pour les interrompre.
En Afrique, tu peux échapper à ta famille, à ton pays, à ta religion, mais tu ne peux échapper à ton ethnie. Un Africain, lorsqu’il entend gronder les menaces, lorsqu’il ressent la peur, il s’accroche à ses ancêtres, à sa colline, à ses habitudes et, au pire de la peur, à son ethnie.
La réconciliation, ce serait le partage de la confiance. La politique de réconciliation, c'est le partage équitable de la méfiance (P.263)
A quoi bon chercher des circonstances atténuantes à des gens qui ont coupé à la machette tous les jours, même le dimanche ? Que peut-on atténuer ? Le nombre des victimes ? La manière de couper ? Les rires des tueurs ? Rendre justice serait tuer les tueurs. Mais ça ressemblerait à un autre génocide, ce serait le chaos. Les tuer ou les punir d’une façon convenable : impossible ; leur pardonner : impensable. Etre juste est inhumain.
Observer les empreintes du temps qui passe, qui sépare les fortes turbulences de la vie des rescapés, qui semble favorable à presque tous et terriblement plus bénéfique aux tueurs, mais qui n'atténue ni la haine ni l'angoisse, qui les voile un peu seulement.
Reviennent alors à l'esprit ces questions sans réponses qu'on se pose en boucle à propos de la Shoah. Pourquoi dans une Allemagne nappée de bombes par les aviations alliées, qui réduisaient en charpie des zones industrielles et des villes, pas un obus ne tomba sur l'une des lignes de chemin de fer si visibles dans les plaines à patates polonaises ou allemandes qui, de toute l'Europe, menaient les trains de la déportation vers les six camps d'extermination ? Ou, pourquoi aucun des quatre-vingt-cinq convois qui déportèrent les Juifs de France vers ces camps ne subit d'avanie, ne fut saboté par la Résistance française, qui par ailleurs fit dérailler ou immobiliser des dizaines de trains transportant munitions, vivres, troupes et parfois prisonniers politiques ? Aucun train attaqué en gare ou en pleine campagne, pour délivrer dans une opération de partisans, en même temps que les Juifs entassés dans les fourgons, une information essentielle sur leur extermination en cours ?