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Critique de Deslivresalire


Le 6 avril 1994, après la mort du Président Juvénile Habyarimana dont l'avion a été abattu, commence le génocide rwandais des populations Tutsis par leurs frères Hutus.
Sur 12 semaines plus de 800.000 d'entre eux seront assassinés, "coupés" à la machette selon les termes de leurs bourreaux.
Après avoir recueilli le témoignage des victimes survivantes dans un premier ouvrage, Jean Hatzfeld retranscrit dans "Une saison de machettes" le témoignage des assassins.
On y entendra la facilité avec laquelle tout débuta pour un groupe de villageois de la région de Bugeresa, emprisonnés depuis : l'esprit de groupe et la contrainte des encadreurs, les pillages, l'alcool, l'apparente impunité, l'absence de pitié et d'empathie, les viols, les massacres de ces populations d'hommes, de femmes, d'enfants Tutsis par des Hutus qu'ils côtoyaient tous les jours depuis des années (voisins, amis, connaissances...) et qui en l'espace d'un instant se sont transformés en bêtes sauvages, par cupidité, jalousie, racisme, peur ou même parfois plaisir.
"Au fond, pour cette première fois, j'ai été très surpris par la vitesse de la mort, et aussi par la mollesse du coup, si je puis dire. Je n'avais encore jamais donné la mort, je ne l'avais jamais envisagé, je ne l'avais jamais essayé sur un animal à sang. [...]
Par après on s'est familiarisé à tuer sans autant tergiverser".
A la fin de ce génocide et de la guerre qui s'en est suivie, peu d'entre eux semblent enclins à la contrition et s'ils conçoivent les faits, on ignore s'ils sont encore conscients de l'horreur de leur geste tellement le pardon leur semblerait naturel.

Pas d'effet littéraire dans cet essai de Jean Hatzfeld, mais plutôt une retranscription mot pour mot des paroles d'assassins (et dans un phrasé très africain). Sur chaque thème abordé on passe en revue le témoignage de chacun des protagonistes.
Rarement, le narrateur prend la parole pour resituer le contexte.
Il s'agit donc plus d'un documentaire journalistique que d'un roman, mais peu importe, car ce style permet aussi d'être au plus près de la réalité telle qu'elle a été vécue par ces hommes, qui sont devenus (ou qui étaient déjà) des animaux sauvages.
J'ai eu du mal à comprendre un tel manque d'empathie, un tel détachement, une telle cruauté froide. Comme si tout cela n'était finalement pas grand chose... et puis quoi ? Il faut bien continuer à vivre non ?
On se sent démuni à l'écoute de ces horreurs qui sont déroulées sans affect.
Néanmoins, on ne s'ennuie pas une seconde tellement cela reste instructif de la différence de point de vue sur la valeur de la vie pour ces africains, au regard de notre propre vision d'occidentaux.
"On n'était pas seulement devenus des criminels ; on était devenus une espèce féroce dans un monde barbare".
Nous qui sommes bien au chaud dans notre confort et notre bonne conscience, on n'imagine pas toujours qu'ailleurs, l'homme se bat comme un animal sauvage pour survivre et améliorer sa situation.
Il est bon de se le rappeler de temps en temps, et Jean Hatzfeld nous déballe cette vérité crue sans fioriture.
Pas vraiment un livre pour se détendre sur la plage... plutôt un témoignage, comme l'a fait Primo Levi avec son essai "Si c'est un homme", au plus près de la vérité et comme on nous ne le raconte que rarement.

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