- Je voudrais pouvoir l'expliquer bien. Parfois j'ai comme une sorte d'envie que ce soit moi qui sois blessée. Alors au moins je saurais comment ça fait mal et je pourrais faire quelque chose pour soulager la douleur. Mais quand un autre se fait mal, il n'y a rien qu'on peut faire pour lui enlever le mal. Tu vois ce que je veux dire ?
- Oui, je pense que oui.
- C'est un peu ça qui m'a fait pleurer. Je déteste ça, je déteste les autres se faire mal. (p.106)
Au début j'avais cru que seule la colère les habitait mais j'avais peu à peu appris que la peur y régnait en maîtresse et que la colère n'était qu'une esclave obéissante. (p.94)
J'avais toujours remarqué que, lorsqu'on réussit à atteindre un enfant autistique ou schizophrène, il perd un peu de cette beauté en entrant dans les rapports humains ordinaires, comme si on l'avait, d'une certaine façon, souillé. (p.42)
Il continuait de parler, répétant le bulletin météo du matin, mot pour mot. "Écholalie à retardement" : c'était là le nom savant qu'on donnait à cette manie. Mais quelle importance, après tout ! (p.25)
Durant cette période j'avais eu affaire à des enfants très perturbés sur le plan affectif. Puis la loi 94-142 appelée loi de normalisation avait été votée. Elle avait pour objectif d'intégrer les élèves "spéciaux" à un cycle scolaire normal en les plaçant dans l'environnement le moins restrictif possible et en compensant leurs déficiences par un enseignement supplémentaire, appelé "rééducation psychopédagogique". Il ne devait plus y avoir de classes "ghettos", ou on laisse les enfants inadaptés couler à pic ou se réfugier dans un milieu protégé, à l'abri du monde normal. Plus de refuges, donc plus de dépotoirs. Une loi empreinte d'un noble idéal. Sauf que mes élèves et moi, nous étions, nous, aux prises avec la réalité. (p.8)