Durant les combats sur la plage le magistrat Maskew est tué et Jim gravement blessé… Dans ce tome 2 intitulé "Le Trésor de John le Noir", l'adolescent idéaliste et son cynique mentor dur sont des fugitifs en cavale, mais durant sa convalescence Jim perce le secret du médaillon de John Mohune… Les revoilà partis à la recherche du diamant maudit, mais celui-ci se trouve au cœur château de Carisbrooke sur l'Île de Wight !
Les auteurs disent avoir librement adapté le roman Moonfleet de John Meade Falkner, mais même si mes souvenirs de la version d'origine sont trop lointains en raison de la multiplicité des adaptations ciné et télé j'ai trouvé l'ensemble assez pour ne pas dire très fidèle. Ce qui m'a frappé c'est d'abord la similitude avec "L'Île au trésor" de Robert Louis Stevenson (je me demande même si le fait que le magistrat honni de Moonfleet soit originaire d'Ecosse n'est pas une pique contre lui ^^) : le récit est raconté à la première personne par un adolescent orphelin, donc nous somme dans un récit d'apprentissage car le garçon va devenir homme au fil des épreuves qu'il va rencontrer, Jim Trenchard remplaçant Jim Hawkins, le traditionnel mentor peu ou pour hors-la-loi, le contrebandier Elvezir Block remplaçant Long John Silver, et une course au trésor, le Mohune remplaçant le magot pirate…
Ce qui distingue les deux c'est l'ambiance qui y est dessinée : avec les landes, les cryptes, les grottes, les donjons, et les bagnes, on se demande si le héros voit un jour le soleil ! Et il faut ajouter la paranoïa avec magistrat misanthrope Maskew qui voit en chacun de ses administrés un criminel en puissance (parfois à tort parfois à raison, vu que la communauté de Moonfleet autrefois naufrageuse vit désormais en grande partie de la contrebande)… Cela donne un ton sinistre et lugubre, voire carrément une ambiance gothique au récit et on se doute que l'auteur sans doute largement pioché dans la littérature du XIXe voire du XVIIIe siècle pour parvenir à un résultat aussi abouti.
Reste que comme dans "Le Prisonnier de Zenda" qui a été écrit à la même époque, la grande aventure est castrée par une morale chrétienne d'une grande pudibonderie : on se doute que la recherche diamant maudit arraché par la trahison par John Mohune à Charles Ier est source de corruption et de damnation pour ceux le convoitent (remember le Régent et ses propriétaires successivement assassinés), mais le héros adolescent censément innocent a droit à une seconde chance mais pas le vieux briscard qui a vécu et combattu… Et c'est bien dommage car j'ai beaucoup aimé la relation entre Jim qui a perdu ses parents et Elvezir qui a perdu ses enfants…
L'adaptation effectuée par le vétéran Rodolphe est sérieuse avec des phylactères plutôt stylés dans leurs contenus, mais il est depuis tellement longtemps dans le circuit que ses œuvres sentent maintenant la patine d'où le sentiment d'avoir affaire à une oeuvre vintage… Ce n'est pas gênant qu'une BD des années 80/90 ressemble à une BD des années 80/90, mais là on a une série sortie au printemps 2010 qui accuse quand même graphiquement son âge (les 3 albums sont sortis quasiment le même mois, une belle initiative à saluer). Les dessins Dominique Hé ne déméritent pas, mais l'encrage et la colorisation beaucoup trop artificielle tirent la série vers le bas et c'est bien dommage !
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Tout le village était là, à regarder passer le corps du magistrat Maskew, les mâchoires serrées, les regards plein de haine… Les hommes marmonnaient des insultes et des malédictions, et quand les soldats ne les voyaient pas, les femmes sur crachaient dessus… Pour finir, ils l’ont monté au château. La vieille Angèle, qui s’occupait du ménage, a prétexté qu’on lui devait des gages pour s’en aller… Alors, sa malheureuse fille est restée seule avec le cadavre de son père ! A l’enterrement, je pensais qu’il n’y aurait personne, mais tous les villageois étaient là. Uniquement pour manifester à nouveau leur haine.
Jim, mon fils : nous sommes recherchés, ta tête est mise à prix… De plus, ta jambe est encore fragile, et tu t’apprêtes à faire quinze milles pour voir une donzelle quelques heures ? C’est une folie !... Mais vas-y. Il est des folies qu’il faut accomplir.