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EAN : 9782762144499
328 pages
Fides Editions (19/09/2022)
3.46/5   23 notes
Résumé :
Dans un village isolé et inhospitalier du Nord canadien, la rumeur court. Un homme en fuite, accusé d’avoir assassiné froidement sa femme et son enfant, se terrerait dans la forêt boréale.​

Matthew Callwood arrive tout juste en poste dans la région. Jeune policier idéaliste et téméraire, il est rapidement confronté à ses collègues qui boivent et fricotent avec les trafiquants du coin. Malgré tout déterminé à relever la trace du meurtrier ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Il faudrait disposer de six étoiles pour qualifier le quatrième roman de Ronald Lavallée ont l'action se déroule en 1914. Tous des loups, un polar original à saveur ethnographique et sociologique a pour cadre géographique le nord de la Saskatchewan et comme acteurs une poignée de Blancs, de Métis et de Cris. Il met en scène un jeune policier du nord-ouest de 24 ans, Matthew Callwood, qui a choisi ce métier après avoir été abandonné par celle qu'il aimait – le chapitre 19 rappelle l'événement et permet d'en connaître davantage sur la personnalité du jeune policier – au grand dam de son père, un juge qui a une piètre opinion sur les policiers :

« Un ramassis d'ivrognes. Des illettrés, des ratés, des immigrants. Que vas-tu faire là-dedans ? Maintenir le droit. Faire régner l'ordre. Au profit de qui ? Des Indiens, des trappeurs, des ours noirs ? »
« Un policier, […] c'est un bandit manqué qui court après de vrais bandits. »

L'auteur, ex-journaliste et réalisateur à Radio-Canada, nous entraîne dans une chasse à l'homme qui nous permet de découvrir les conditions de vie de ceux que les Autochtones appellent les « pattes-jaunes ». À commencer par celles au poste de police établi près d'un village amérindien :

« L'intérieur est obscur. Ça sent le lac. La moitié de la salle de garde est sacrifiée aux cellules, deux cages aux barreaux huilés contre l'humidité. Un bureau et un classeur occupent le reste de l'espace. le parquet grince sous les bottes. Les fenêtres sont minuscules. La saleté des vitres tamise la lumière. »

On y apprend de quoi se nourrissaient ceux que les Cris reconnaissent comme représentant du roi, « garant de leurs traités » :

« … café, sucre, farine, raisins secs, viandes et fruits en conserve, pains de savon, lait condensé, soupe et oeufs en poudre, et dix mille huit cents cigarettes. […] le tabac est une devise plus utile que la monnaie. »

« Harvey est sorti tôt pour chasser. Il espère rapporter quelques perdrix tandis qu'elles sont encore mangeables. Les oiseaux vont bientôt se nourrir d'aiguilles de conifères et leur viande perdra tout intérêt. »

Et pour le souper de Noël :

« Oie fumée, fricassée de castor préparée par une mémé du village, pommes de terre en poudre, fruits secs, chaussons au mincemeat […] et, pour l'occasion, un minuscule flacon de brandy consenti par l'intendance pour flamber le pouding. »

Roland Lavallée excelle dans les descriptions imagées qui immergent le lecteur dans l'environnement sauvage du Nord canadien. En voici quelques exemples :

« La rivière scintille joliment. Les cabanes basses, aux toits couleur d'humus, s'éparpillent le long des berges parmi les peupliers dorés, saupoudrés de neige. Une vieillarde gratte une peau d'orignal tendue sur un cadre. Une autre récupère des poissons séchés sur des claies. »

« le lac balance des poignées de diamants au visage des voyageurs. le bleu du ciel se dilue, devient laiteux, évanescent, comme si un enfant avait manqué de couleur, là-haut, pour remplir le vide au-dessus du grand lac.»

« du matin jusqu'au soir, canards, huards et butors font monter un beau vacarme depuis les roseaux tout en restant cachés. Les longues processions d'oies et de cygnes n'en finissent plus de s'égrener au-dessus des têtes des voyageurs. […] Des barrières impénétrables d'aulne rugueux défendent les berges. le tamarac, l'arbre le moins frileux de la planète, pousse dans les tourbières. Les petits trembles s'espacent et se rabougrissent. L'horizon est fermé partout par la même clôture d'épinettes noires. »

« Un huard, au loin, lance un rire maboul »

« de jolis prés verts s'ouvrent entre les flots de conifères et invitent au repos. Dès qu'on y met le pied, le pré se transforme en une masse inextricable de broussailles, de thés du labrador et de kalmias qui vous arrivent à mi-cuisse. […] du bois de chauffe, il y en a partout. Les épinettes se momifient sur pied, patiemment séchées par le vent éternel. La nuit, les hommes allument de grands feux qui crachent des étincelles et font monter des nébuleuses inédites parmi les constellations. »

« Des couleuvres de neige s'enroulent autour de ses jambes. »

« Les mains en cornet, Harvey fait craquer une allumette contre un ongle, puis embrase le tabac blond de sa cigarette. Il lève le museau et se délivre d'un beau panache odorant. »

Je vous laisse découvrir celles des lacs et des marais qui s'enchaînent jusqu'à perte de vue (p. 207), les longs filaments d'oies et des escadrilles de canards (p. 209), les frappe-à-bord qui sont à la fête et les grosses mouches velues qui vous enlèvent un peu d'épiderme à chaque morsure (p. 221), les berges couvertes d'atocas, d'airelles et de bleuets et le miaulement des castors, la nuit (p. 289).

Certaines scènes sont rédigées dans une langue cinématographique. Deux exemples :

Le canot qui chavire :

« le canot se cabre comme un cheval sauvage. Une épaule rutilante sort de l'eau, soulève l'embarcation d'un coup et la précipite de l'avant comme un javelot lancé à toute force. […] le canot s'élance dans les airs et fait un vol plané d'une seconde qui lui semble durer une éternité, avant de plonger dans un bouillonnement géant. Il est arraché de sa place par un immense coup de poing au ventre, se retrouve cul par-dessus tête sous l'eau, brassé comme un rat dans la gueule d'un terrier, ne sachant plus où est la surface, recevant des coups de partout tandis que des masses sombres passent à toute allure dans une tourmente grise. »

Et la rivière en débâcle :

« Une grande secousse parcourt l'amas de glace, comme un train qui donne son coup de départ. […] Un bruit de déchirement et le couvercle de glace se met en marche. Un chant de sirène, aigu, aérien, s'élève dans la noirceur. Un vrombissement monte des entrailles de la rivière. Des cascades de glaçons pulvérisés chuintent à travers l'obscurité. »

La scène de l'attaque d'un caribou par une meute de loups (pp. 301-302) donne froid dans le dos.

Vous y apprendrez peut-être comme moi qu'une personne peut écrire au stylo 30 mots à la minute et 80 à la machine ; que lorsqu'un Blanc quittait la région, il cherchait un nouvel homme pour sa femme : ils appelaient ça « retourner la fille» ; que le représentant du commissaire aux Affaires indiennes faisait annuellement la tournée des villages autochtones ; qu'une descente de canot s'appelait « un quai indien : deux perches à demi submergées, reliées entre elles par des rameaux de conifère formant un coussin protecteur pour le canot qui accoste » ; que les Cris nommaient les Canadiens français « Pakhwésan. Un mangeur de pain » ; que les bûcherons appelaient du saint-michel « un brûlis presque impénétrable : sans doute parce qu'il faudrait une intervention de l'archange pour s'en tirer. Les jeunes épinettes poussent dru comme des cheveux et arrivent à la poitrine des hommes … ».

Ronald Lavallée documente son récit en mettant en évidence les ordres du Quartier général (QG) distribués sous forme de circulaires :

« On signale des vols de chevaux à mille kilomètres. Des évasions de pénitencier en Ontario. On rappelle les dispositions à prendre contre les immigrants chinois clandestins. Interdiction absolue de chasser le boeuf musqué dans l'Arctique. Copie vous est livrée de la Loi sur les douanes. Et puis, après chaque avis : Prendre toutes mesures nécessaires. Chaque circulaire exige un accusé de réception et porte la date à laquelle a été expédiée la réponse. Avant qu'elle n'arrive, il peut s'écouler des mois. Callwood tombe sur une lettre du commissaire aux Affaires indiennes qui ordonne de comptabiliser toutes les arrestations pour possession d'alcool, secteur par secteur. »

Et les livraisons de journaux, de beaucoup de journaux.

Les policiers doivent aussi « lutter contre le braconnage des espèces protégées, l'esturgeon en particulier », faire respecter la Loi sur les poissons et la faune. Sans oublier les saisies d'alcool auprès de petits revendeurs qui, « dans le pays, est vu comme une bonne blague, un divertissement, qu'on s'ennuierait mortellement sans ce jeu du chat et de la souris entre la police et les contrebandiers. » En portant un jugement assertorique sur leurs interventions :

« C'est le surintendant aux Affaires indiennes qui nous oblige à traquer l'alcool dans les réserves. Ça fait chier tout le monde, je peux te le dire. Mettre à l'amende des gens qui ont pas le sou est une perte de temps. Les Indiens vont disparaître de toute manière. Survie des plus forts. Qu'ils boivent un peu plus, un peu moins. »

Le reste du temps, le policier « rend visite aux aînés du village. Il apporte des cigarettes que les vieux émiettent dans leurs pipes. On lui fait une place en silence. On lui sert du thé sirupeux à faire grincer les dents. On répond à ses interrogations par de lents hochements de tête. Mais les conversations sont empruntées, entrecoupées d'interminables silences. Il ne sait jamais quand partir et, quand il s'y résout enfin, personne ne le retient, ni même le salue. »

Le chapitre 5 décrit l'arrivée du bateau à vapeur du représentant de la Compagnie de la Baie d'Hudson rempli de provisions et qui, au retour, emporte les enfants d'âge scolaire vers les pensionnats du sud.

La deuxième moitié du roman décrit dans ses moindres détails la recherche d'un certain Moïse Corneau accusé d'avoir tué sa femme et son enfant. Trois versions des faits reprochés à l'homme sont réparties dans le récit qui se transforme en un tourne page efficace depuis la préparation de l'expédition, son déroulement chaotique jusqu'à son dénouement des plus inattendu.

« Matthew [Callwood] déniche un document qu'il traîne dans ses valises depuis l'école de police : Besoins alimentaires des hommes en patrouille d'hiver. »

« Des briques de pemmican, des biscuits, des fruits secs, de la soupe cristallisée et du thé pour les hommes. du poisson sec et du pemmican pour les chiens. Un seul traîneau en forme de grand toboggan. Un homme marchera à côté. Les deux autres iront devant, en raquettes, pour faire la trace et éviter que les chiens ne s'épuisent. Des fusils. Des menottes et des entraves. Un filet de pêche à tendre sous la glace pour refaire le stock de poissons en chemin. »

« Cinquante grammes par homme, par jour. [« le QG en fait une fixette »]. C'est ce qui a permis à Amundsen de tenir jusqu'au pôle. » Des Forced March : « Des cachets de cocaïne et de caféine » […] « Ça te transforme en machine. »

Les gardiens de la paix « ont fière allure avec leurs verres fumés à l'uranium, dernière trouvaille contre l'ophtalmie des neiges. le reste de l'habillement, hélas, manque d'élégance. L'intendance a dû commander une seule taille d'anorak - la plus grande - en se disant qu'elle irait à tout le monde. »

Il faudra apporter la caméra qu'on leur a fait parvenir : « C'est pour photographier le cadavre » de celui qu'on recherche et qu'ils abattront manu militari, eux qui, à l'école de police, « ont appris à tirer à toutes les six secondes ».

Et garder en tête le secret du commandement :

« … faire que la partie ne s'arrête pas, que le ballon reste en jeu, le score final toujours en suspens. Les hommes […] ne tiennent pas tant que ça à savoir si l'objectif vers lequel ils tendent est juste, du moment qu'ils ont des chances de l'atteindre. Après ça, fixez-leur la destination que vous voudrez, bonne ou mauvaise. »

Tous des loups se démarque par l'originalité du récit, la qualité d'écriture, le contenu historique et pédagogique. Ce roman palpitant met aussi en évidence les comportements machistes et les propos racistes de l'époque envers les populations autochtones : « L'échelle des races. La supériorité des Blancs. Mais tous les mâles se ressemblent. La force et l'adresse, voilà ce qu'ils admirent. le courage physique est la seule vraie vertu. Les idées, on s'en branle. » Il met en scène des personnages plus vrais que vrais : le constable Matthew Callwood issu d'une famille bourgeoise qui rêve d'aller servir sous les drapeaux britanniques alors qu'il apprend le déclenchement de la guerre en Europe et dont le prédécesseur, Suchenko, entretient des relations troubles avec les trafiquants d'alcool et les Autochtones, Harvey Gruber, l'assistant de Callwood, aux penchants marqués pour l'alcool et le sexe, Fran la prostituée du village, Corbett, le British illuminé, quelques Cris et Métis engagés dans l'expédition…

En conclusion, cette citation du juriste britannique William Blackstone (1723-1780) que Matthew Callwood lit en ouvrant au hasard l'exemplaire qu'il a apporté avec lui des Commentaries on the Laws of England résume bien l'essence de cette fiction :

« L'être humain […] a été doté par la Nature d'une sauvage liberté. Mais tout homme qui réfléchit acceptera de troquer cette liberté contre l'obéissance aux lois. Car s'il conserve le droit de faire tout ce qu'il veut, les autres feront de même et, alors, qui sera en sécurité ? »

Merci aux éditions Fides pour le service de presse.

Au Québec, vous pouvez commander et récupérer votre exemplaire auprès de votre librairie indépendante sur le site leslibraires.ca.


Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue : *****

Psychologie des personnages : *****

Intérêt/Émotion ressentie : *****

Appréciation générale : *****

Lien : https://avisdelecturepolarsr..
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« - Tu t'es porté volontaire? Vo-lon-tai-re? On te montre le trou du cul du Canada, tu lèves la main et tu dis : Moi, moi, envoyez-moi!
- Je crois à la mission civilisatrice de la police. »
1914 : Matthew Callwood, vingt-quatre ans, constable de la Police royale du Nord-Ouest a été désigné comme le remplaçant de Suchenko, en poste depuis deux ans dans un petit village au Nord du Manitoba. Habité en majorité par des Cris, des Métis et quelques Canadiens-français, l'endroit est isolé et le climat y est rude. La contrebande d'alcool, le braconnage et quelques interventions ponctuelles auprès des soûlons violents et tapageurs occupent le quotidien de Calwood et de son adjoint, Harvey. À la recherche d'une mission pouvant l'élever au sein de sa hiérarchie, Callwood ressort des dossiers une affaire de meurtre familial, celle de Moïse Corneau qui aurait tué sa femme et son bébé et aurait pris la fuite après son emprisonnement. Dans un labyrinthe de marais et d'étangs et dans une course contre la montre avant que l'hiver ne s'installe, Callwood organise une battue à bords de canots afin de retrouver le fugitif. Une chasse à l'homme qui se transformera en véritable descente aux enfers pour l'équipe de traqueurs confrontés à une nature impitoyable.
Ronald Lavallée est un auteur franco-manitobain que je découvre avec ce titre, suggéré par la revue Les Libraires. Un récit glacial sur la vanité des hommes et l'incompréhension mutuelle renforcée par les préjugés raciaux. Ce roman trouvera à coup sûr une place de choix dans ma liste Grande Noirceur.
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.
J'AI CRAQUÉ,

Chapitre 7, un peu plus d'une cinquantaine de pages, stop. Ce doit être pour ados de 9 ans. Ce n'est pas possible autrement.

J'ai du mal à comprendre que l'on puisse éditer cela. Mais bon, c'est canadien, chacun peut avoir sa vérité.

Ce sera sans moi. Dommage.




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Un village du Grand Nord Canadien en 1914, loin de tout. Matthew, jeune policier, débarque pour son premier poste avec un enthousiasme qui va vite se confronter à la dure réalité : isolement, la défiance des Indiens, le racisme de ses collègues...Bref il déchante et va peu à peu remettre en cause ses valeurs. Il se lance dans la traque d'un tueur dans des méandres de forêts, de marais, au sein d'une Nature démesurée. Un roman dépaysant, bien aimé la première moitié du livre, mais la chasse à l'homme est un peu trop longue pour moi. Belle découverte quand même et les dialogues en québécois sont savoureux.
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Un roman policier qui sort de l'ordinaire. Tout se passe à l'intérieur de la Forêt Boréale Canadienne en 1914. L'auteur nous emmène dans un bout du monde que peu de canadiens connaissent intimement, autant qu'ils ignorent tout des modes de vie sur les territoire nordiques au début de XXe siècle.
:: Que de magnifiques souvenirs pour moi à travers les somptueuses descriptions des déplacements en forêt, 12 mois par année.
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critiques presse (1)
LeJournaldeQuebec
24 octobre 2022
un roman enlevant, mais qui creuse aussi la notion de justice.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
La nuit, les hommes allument de grands feux qui crachent des étincelles et font monter des nébuleuses inédites parmi les constellations.
Commenter  J’apprécie          40

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