En farfouillant dans une bibliothèque poussiéreuse chez mes parents, je tombe par hasard sur un vieux livre d'
Ernest Hemingway intitulé "
En avoir ou pas".
"To have and have not" en anglais.
Jamais entendu parler. Ce n'est sans doute pas le roman le plus connu d'
Hemingway.
J'avais lu, étant gamin, le classique "
le vieil homme et la mer", puis plus récemment une sorte de bibliographie "Mrs
Hemingway" de
Naomi Wood, qui retrace la vie d'Ernest vu sous le prisme de ses femmes successives. J'y avais découvert à cette occasion que M.
Hemingway n'était pas qu'un vieux bonhomme qui écrivait des histoires de pêcheurs un peu philosophiques et gentillettes mais surtout un bon gros chaud lapin, notoirement fêtard, bien accro à l'alcool et qui chasse le lion de surcroît.
J'ouvre donc délicatement ce vieux livre dont les pages semblent tenir entre elles par miracle, et je tombe sur une annotation manuscrite :
"Michelle T.
St. Julien les Rosiers (30)
le 25 février 1967"
Ce livre appartient donc à ma tante, qui l'a lu vraisemblablement il y a 56 ans. Je n'étais pas encore né. Et c'est typiquement ce genre de détail qui peut me pousser à faire passer un livre imprévu et improbable tout en haut de ma pile à lire : un coupe file direct.
L'histoire raconte les (més)aventures de Harry Morgan, un marin basé à Key West en Floride. C'est une petite frappe qui essaie de survivre un peu comme il peut dans le monde en crise des années 30.
Jusqu'à lors, comme c'était en pleine prohibition aux États-Unis, il trafiquait un peu d'alcool entre Cuba et Key West et ça lui rapportait de quoi mettre de un peu plus d'ail dans l'aïoli. Mais maintenant que l'amendement interdisant l'alcool a été abrogé, il faut qu'il trouve d'autres sources d'entrées d'argent.
Il tente de monter un petit business de tourisme de pêche au gros mais son dernier client, un peu bourrin sur les bords, lui dégrade un peu tout son matériel et n'a pas vraiment l'intention de rembourser quoi que ce soit. Et dans l'absolu, il n'avait pas l'intention de lui payer la location du bateau non plus. Pas vraiment d'assurance pour couvrir les dommages à l'époque (cela dit même maintenant, les assurances, ça marche que si t'as besoin de rien), il se retrouve un peu coincé.
L'occasion faisant le larron, il a l'opportunité de se faire un peu d'argent facile en transportant une douzaine de clandestins chinois vers les États-Unis. Cette opération se passera plus ou moins bien. le commanditaire, un certain Mr Sing, terminera le voyage dans un sac au fond de la mer.
Et puis, quand ça veut pas, ça veut pas. Lors d'une de ses excursions, il se retrouvera attaqué par des révolutionnaires cubains. Harry, qui n'est pas un poussin de trois semaines, les abattra tous mais il s'en sortira avec une balle de gros calibre dans le ventre qui ne le laissera pas indemne jusqu'à la fin de sa vie.
En avoir ou pas ... on ne sait pas vraiment de quoi il s'agit. du courage ? de l'argent ? de la chance ? Un peu de tout ça ?
Au fil de ses aventures, on s'attache à notre petit Harry la débrouille. Mais alors qu'il reste encore un certain nombre de pages, M.
Hemingway se décide à introduire de nouveaux personnages, qui tombent là comme un cheveu sur la purée. Il s'agit de riches gens qui passent leur temps à picoler et à refaire le monde sur yachts de luxe... dont un certain Richard Gordon, ainsi qu'une Dorothy Hollis, femme d'un metteur en scène parmi les mieux payés d'Hollywood. Cette dernière a tout l'air d'être une petite coquine parce que tout porte à croire que ce n'est pas avec le dit metteur en scène qu'elle envisage de fricoter ce soir. Il s'agirait plutôt d'un certain Eddy qui "est chou mais qui est rond comme une bille". Et puis elle aime se brosser les cheveux aussi. Autant de détails inutiles qui montrent les préoccupations de la classe bourgeoise américaine de l'époque. Et puis aussi, Dorothy voudrait dormir puisque y'a plus personne pour s'amuser. Ils ont tous pris une grosse cuite. Alors elle se dit que ça serait sympa de prendre du luminol... non mais allo quoi. du luminol ? C'est un truc qui fait de la lumière utilisé par les policiers pour faire apparaître les traces de sang sur les scènes de crime. Ça n'a jamais fait dormir, ce machin, sauf erreur de ma part. Même Google ne connait pas cette utilisation du luminol.
Quoi qu'il en soit, soit j'ai rien compris au message sous-jacent subliminal de cette partie du livre, soit
Hemingway n'a pas terminé son roman complètement sobre. Je pencherais plutôt pour la deuxième option, même si, n'étant pas le couteau le plus affûté du tiroir, la première option n'est pas à éliminer totalement non plus.
Bref, ça n'a ni queue ni tête, mais le style d'écriture un peu déjanté m'a quand même fait sourire. C'est l'essentiel finalement.
J'en discuterai avec ma tante à l'occasion, même si je ne suis pas certain que son Alzheimer lui ait laissé une quelconque trace de cette histoire... Au moins, cette chronique aura permis de garder la mémoire de certaines lectures, de certaines interrogations, comme un passage de témoin entre générations.
Cela peut sembler insignifiants pour le monde entier.
Pour le monde entier peut être.
Mais pas pour moi.
scob.