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EAN : 9782843378799
250 pages
Anne Carrière (15/02/2019)
4.29/5   12 notes
Résumé :
Ils s'appellent Karam, Aala, Husain, Abdelqader ou Amir. Certains sont photographe, aide-soignante, ou étudiants... Leur point commun ? Alep. Cette cité millénaire, berceau de la civilisation, ravagée par une guerre sans pitié. Tous y ont vécu et ont été contraints à l'exil. Aujourd'hui ils se souviennent : l'amour, le courage, la solidarité malgré l'horreur. Et déroulent, avec grâce et lucidité, le fil de leurs vies brisées.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
A Alep, une des plus anciennes villes habitées au monde, sont parvenus les échos des révoltes de Tunis où Mohamed Bouazizi avait craqué une allumette puis d'Egypte où le président avait été dégagé. Succédant à son père, Bachar Al-Assad apportait l'espoir d'un changement car c'est un médecin ophtalmologue, a priori concerné par la santé. Puis la qaoumiyé, cette matière scolaire consistant à vénérer la splendeur de la dynastie Assad, a été mise en place. Sur le mur d'une école de jeunes adolescents ont alors écrit : "ça va être ton tour docteur", en référence au dégagisme.

Cécile Hennion a recueilli 19 témoignages rangés en 9 chapitres. Les propos de chacun progressent historiquement de mai 2011 à décembre2016. On suivra ainsi la montée en charge de la révolte à partir des soulèvements de Deraa où "la queue devant les boulangeries annonce toujours les révolutions populaires" puis l'avancée des manifestations où "l'innocent pouvait être envoyé de l'autre côté du soleil". L'armée libre structurera sa lutte contre le système "pourri jusqu'au trognon". Au final, les hôpitaux seront visés par un médecin au pouvoir, les missiles syriens et russes anéantiront alors les velléités de liberté des Alépins, contraignant tous les témoins du livre à l'exil.

Les bombes-barils, les snipers et les missiles étaient les principales menaces avec les Chabihas (groupe d'hommes armés qui agissent en faveur du gouvernement) puis Nosra et Daech. Les réseaux sociaux diffusaient les photos des exactions commises par l'armée du régime mais la création d'une page Facebook pouvait valoir d'être torturé.

La construction du livre est originale, au lieu de raconter de bout en bout chaque histoire de vie, la journaliste choisit de les exposer parallèlement, invitant chacun à se raconter par épisodes intercalés. Nous pouvons aussi relire le livre selon les interlocuteurs successifs qui sont répertoriés en table des matières.

Les récits construisent sans pathos (cf. citation) un livre mosaïque unique avec Alep au coeur des propos, forts comme l'attachement des témoins à leur ville. C'est peu dire que nous sommes touchés par le fil de leurs vies brisées pour que leurs rêves ne le soient pas.
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Un grand merci à Babelio et aux éditions Points pour l'envoi de ce livre, et merci aussi surtout à Cécile Hennion pour être allé recueillir ces témoignages et en avoir fait un livre.
Le fil de nos vies brisées est un magnifique recueil sur les vies de seize habitants d'Alep, des débuts de la révolution lors du printemps arabe en 2011 jusqu'à leur exil qui dure encore aujourd'hui. Ces récits sont terribles et magnifiques - emprunts de pudeur sans masquer l'essentiel des abominations subies par les familles d'Alep, ils regorgent également de solidarité et d'entraide dans un contexte abominable. L'autrice n'hésite pas à rapporter sa propre expérience de la guerre en Syrie et des hôpitaux libanais, mêlant ainsi son point de vue de journaliste au même titre que celui de ce photographe d'Alep ou cet étudiant, ou cette infirmière, jeunes révolutionnaires bien trop rapidemet embarqués dans un confit qui dépasse l'entendement humain.
Le contenu du Fil de nos vies brisées est à la fois nécessaire, sensible et précis sans tomber dans le pathos. Les talents de journaliste de Cécile Hennion sont heureusement complété par un style littéraire qui apporte beaucoup de vie et d'émotions à l'ensemble.
La construction du livre est également remarquable : les récits de chaque personnage sont découpés en fonction des différentes étapes de la guerre, ce qui permet de lire l'évolution des faits de manière chronologique et de suivre le point de vue de chacun sur un même type d'événement (l'espoir en apprenant les nouvelles sur le printemps arable, l'organisation des premières manifestations, les premiers débordements de l'armée, les combats, les massacres, la prison et les tortures, la vie quotidienne qui continue malgré tout avec son lot de deuils, mais aussi de naissances et de mariages, les soins apportés aux blessés de guerre tout autant qu'aux femmes qui accouchent, la démolition de la ville, le départ pour l'exil).
Ce livre est hautement recommandable et ouvre à une véritable empathie envers ceux qui, comme nous un jour, ont simplement voulu dire stop à leur gouvernement.
Pour ceux qui ont déjà lu et aimé ce livre, je conseille sur le même sujet le promeneur d'Alep de Niroz Malek plus proche de la poésie que du journalisme et tout aussi réaliste et émouvant.
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J'ai d'abord envie de dire que ce livre témoignage(s) est ou devrait être un incontournable pour celles et ceux qui ignorent, méconnaissent ou croient connaître ce que fut et ce que continue d'être "l'impensable" tragédie syrienne… avec ses racines, son déclenchement, son déroulement, son dévoiement, ses conséquences.
Cécile Hennion a écrit un livre choral dans lequel elle donne la parole à 19 témoins.
19 jeunes hommes et femmes d'Alep, ville et personnage central de l'ouvrage… avec ces hommes et ces femmes - leur enfance, leur jeunesse, leurs études, leurs amours, leurs rêves, leur engagement - les uns n'étant pas dissociables de l'Autre.
Alep, cité pluri millénaire, un joyau, un berceau du patrimoine de l'humanité… aujourd'hui rasée ou réduite à l'état de ruines, d'immense cimetière à ciel ouvert que meurtrirent cruellement, indistinctement, de 2011 à 2016, d'abord les bombes-barils du Régime ( celui de Bachar-Al-Assad) et la mitraille de leurs hélicoptères, puis les Mig russes et leurs missiles… jusqu'au siège final.
Tout avait "bien" commencé pourtant…. pacifiquement comme le racontent avec beaucoup d'émotion(s) et sans pathos les 19 Alépins (au passage, les témoignages ont été l'objet d'un minutieux travail de vérification(s) ) dont les récits concordants, qui se font écho, tissent une mosaïque née dans la foulée des Printemps Arabes pour se terminer cinq ans plus tard dans leur ville martyrisée et assiégée. Tout avait commencé pacifiquement...jusqu'à ce que...
Laissons leur la parole.
" Nous avons longtemps espéré un soutien extérieur pour faire le poids. La France fut le premier pays, avant même les Etats-Unis, à proposer de soutenir l'Armée Libre. Quelle déception… Leur aide, c'était du vent dans les branches ! Il nous fallut donc accepter l'aide de Nosra pour libérer Alep. Dommage. Nous n'avions pourtant pas besoin de grand-chose. Juste de l'antiaérien : deux Mistral ( lance-missiles sol-air à courte portée, aisément transportables et très maniables. Se pose sur l'épaule ou sur un trépied. Même sans entraînement, un tireur peut réussir son coup) nous auraient suffi pour dézinguer les deux bombardiers du Régime qui bourdonnaient au-dessus d'Alep. Deux putain de Mistral et c'était fini ! On l'aurait emporté."
Au lieu de cela, vous connaissez ou devez connaître la suite : les shabihas, l'Etat Islamique, les Russes… une population coupée en deux : l'Est et l'Ouest. Alep Est, bombardée sans relâche, affamée, décimée, assiégée.. vaincue… condamnée à l'exil… les camps de réfugiés, Idlib, la Turquie ou l'Europe.
500 pages "magnifiques" et bouleversantes, au plus près de la pire atrocité du XXIème siècle, vous font vivre les dernières années d'une ville sacrifiée sur l'autel de la lâcheté et des intérêts des puissants. Un abyssal gâchis humain, une défaite pour ceux qui croient en l'homme.
"Le fils de Hafez Al-Assad a assené une leçon terrible aux générations qui nous succèderont là-bas, dans la ville détruite. Elles verront les images du pasé, puisque moi et les autres avons collecté des milliers de preuves irréfutables de l'anéantissement de notre cité et de nos vies. Ces nouvelles générations grandiront dans le souvenir horrifié de notre absolue défaite, des carnages dans les ruelles. Ils se forgeront cette mentalité désespérée et supplieront leur dictateur : " Loin de nous la liberté ! Nous voulons juste rester vivants ! "
Un libre bouleversant… indispensable !
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Le fil de nos vies briséesCécile Hennion

Coup de coeur de l'année.
Cécile Hennion est journaliste pour le Monde, et spécialiste des conflits au Moyen-Orient. Ce livre est un recueil de témoignages des habitants d'Alep, une des dernières villes de Syrie à avoir rejoint le « printemps arabe ». Elle donne la parole à des habitants d'Alep-Est, partie non contrôlée par le régime d'Assad. Traditionnellement plus pauvres et rejetés, les habitants d'Alep-Est ont enduré ce régime encore plus douloureusement que les autres. Bachar al Assad ne s'est d'ailleurs pas privé de tous les considérer comme des rebelles, afin d'anéantir cette partie de la ville à l'aide de l'aviation russe.
Les témoignages recueillis couvrent la période suivante : mai 2011 (le début et des manifestations pacifiques) jusqu'en décembre 2016 ('évacuation des habitants d'Alep-Est). Les différentes parties de ce recueil donnent une vision très claire de l'évolution du conflit. Les témoins sont des étudiants, des hommes et des femmes dans la force de l'âge, des infirmières, des soldats de l'armée libre, des femmes de soldats… . Ils permettent de comprendre comment le régime a su anéantir toute forme de liberté, toute forme de raisonnement et toute forme de vie.
Impossible de rester insensible à ce recueil. Impossible également de ne pas y voir clair dans ce conflit. Impossible d'en admettre l'aboutissement.
Ce livre est essentiel pour tous ceux qui ont tenté de suivre le conflit dans les médias, quand le JT consacrait ses deux dernières minutes à des milliers et des milliers de morts…ou encore tous ceux qui croyaient encore à la bonté d'Assad…
Je salue le courage de Cécile Hennion ; ses propres témoignages sont le reflet de sa vision du monde. Je salue le courage de tous ceux qui ont manifesté pacifiquement, tous ceux qui sont restés à Alep pour sauver des vies ou tout simplement pour tenter de survivre, tous ceux qui ne pouvaient plus en sortir, tous ceux qui sont parvenus à franchir les frontières.
Et évidemment, je pense à tous ceux restés sous les décombres, tous ceux qui sont aujourd'hui en exil, dont certains disent qu'ils feraient mieux de combattre pour leur pays…
A ces derniers, je n'ai pas de mots pour contrer leur bêtise.

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Tout d'abord je tiens a remercier babelio et les éditions points pour cette découverte reçue lors de la masse critique non fiction de février.
Ce n'est pas mon genre de lecture habituelle, mais comme le sujet m'interpellait je me suis laissée tenter et grand bien m'en a pris.
Et pourtant je ressors de cette lecture émue et en colère.
Durant tout le livre, on découvre les témoignages de jeunes syriens d'Alep, qui galvanisés par les printemps arabes et brimés par un régime qui les empêche de penser et vivre librement.
Ils décident donc d'entamer une révolution pacifiste, faite principalement de manifestations afin de faire entendre leurs voix. Et la répression sera terrible, en nombre de morts, de déportés, de disparus dans les geôles du régimes, et de destruction d'une ville multimillénaire.
A l'heure où l'actualité nous rappelle l'indifférence de l'Europe ou encore le rejet de ces réfugiés lors de l'ouverture de la frontière turque, de ces familles entières parquées dans des camps misérables, cette lecture me semble nécessaire à réveiller nos consciences de pays priviliégés où l'on peut dire ce que l'on pense sans risquer sa vie ou celle de sa famille !
Ces récits me rappellent ceux des déportés de la deuxième guerre mondiale, et si il ne faut pas oublier le passé, il serait peut-être temps d'agir face à ce qui se passe à nos frontières.
Une lecture à faire circuler afin d'ouvrir les consciences !
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critiques presse (2)
Liberation
29 mars 2019
En livrant en neuf parties les témoignages bruts et poignants de natifs d’Alep-Est révoltés et contraints à l’exil, la journaliste spécialiste du Moyen-Orient Cécile Hennion veut « ressusciter » la grande cité syrienne.
Lire la critique sur le site : Liberation
Lexpress
11 mars 2019
A travers les témoignages d'exilés syriens, recueillis dans Le Fil de nos vies brisées, la journaliste Cécile Hennion plonge au cœur de la ville martyre.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Alors, aux fils de leurs vies, j'ai mêlé le mien. Malgré les blessures, beaucoup de mes interlocuteurs ont cultivé l'art de faire éclore l'humour et la grâce dans les recoins les plus sombres de leurs confidences. Ils entretiennent des fleurs fragiles au-dessus du marécage.
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Il nous fallait étudier, lire, apprendre et dîner, selon le rythme immuable qu’il avait fixé. Surtout, rester bien sages et silencieux. Chez nous régnait un silence absolu. Nous étions élevés dans un univers où les questions étaient proscrites. Or il y en avait tant ! Pourquoi, par exemple, les anniversaires n’étaient-ils pas célébrés chez nous ? Pourquoi mon père devenait-il invisible, comme frappé par un mauvais sort ? Pourquoi ma mère faisait-elle mine de ne pas s’apercevoir de son absence ? Chez nous, les questions n’étaient pas pour les enfants. Cette ordonnance paternelle n’était ni discutable ni discutée.

De toute ma vie, je n’ai jamais entendu une seule dispute éclater entre mes parents ; mes frères ont gardé le même souvenir de ce silence perpétuel et hégémonique. Cette atmosphère était encore plus insolite quand je la comparais à l’ambiance bruyante caractérisant les familles d’autres enfants de ma connaissance. Nous étions surveillés de près : avec qui nous jouions, qui étaient nos amis… L’arrivée d’un nouveau voisin suscitait la méfiance, plutôt qu’une bienveillante curiosité.
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Notre peuple gravissait la colline pour boire le lait tiède dans le creux des mains du prophète. Voilà pourquoi, dans les ruelles de mon enfance, les nécessiteux ne réclamaient pas la charité ; ils s’adressaient aux passants en leur rappelant la nature généreuse de leur cité : « Du lait Ibrahim ! Du lait Ibrahim ! » Cette histoire magnifique, mon père me la contait encore et encore quand j’étais tout petit.
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Ah, qu'ils étaient beaux nos mômes ! Gracieux comme les roses. Ephémères comme les roses... La vie leur était ôtée, telles des herbes folles qu'on arrache d'un bouquet. Leurs rêves s'étaient perchés au firmament, en compagnie des anges et des martyrs, loin des réalités de notre ville.
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J'étais un photographe couvrant les événements d'Alep, et les spectacles atroces des corps déchiquetés se reproduisaient à l'infini. J'ai découvert que la lentille optique protège la sensibilité du photographe : elle instaure un décalage entre la réalité tragique et l'émotion que celle-ci suscite.
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Videos de Cécile Hennion (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Cécile Hennion
A l'occasion du Prix Bayeux-Calvados, rendez-vous avec Patrick Chauvel, doublement récompensé pour son reportage sur la fin de Baghouz en Syrie, et Cécile Hennion, dont le livre "Le fil de nos vies brisées" sert de fil rouge à l'exposition "Alep-Machine".
La Grande table Culture d?Olivia Gesbert ? émission du 29 août 2019 À retrouver ici : https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/saison-26-08-2019-29-06-2020
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